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Billet de blog 30 septembre 2025

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Les 20 points du plan de paix pour Gaza proposé par Trump

On lira la présentation détaillée des 20 points du plan de paix pour Gaza proposé par Trump. Il s'agit ici d'un article du Monde.fr.

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La Maison Blanche a publié, lundi 29 septembre, un plan en 20 points proposé par le président américain, Donald Trump, au premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, lors de la visite de ce dernier à Washington, pour mettre fin à la guerre dans le territoire palestinien.

Point 1. « Gaza sera une zone déradicalisée et libérée du terrorisme, qui ne représentera pas une menace pour ses voisins. »

Il s’agit de ne plus laisser le Hamas assurer le gouvernement de facto de l’enclave. Ce point est essentiel pour rassurer les Israéliens, qui vivent encore largement dans le traumatisme du massacre du 7-Octobre. En plus des atrocités commises ce jour-là, les habitants de la périphérie de Gaza ont subi, pendant vingt ans, des attaques de roquettes de plus en plus sophistiquées. Nombre d’entre eux ont besoin de voir un réel changement dans la gouvernance du territoire palestinien avant de prendre la décision de réintégrer leurs foyers.

Point 2. « [La bande de] Gaza sera réaménagée dans l’intérêt de la population de l’enclave, qui a déjà suffisamment souffert. »

« Souffrance » est un euphémisme, pour les Palestiniens de Gaza, dont l’identité nationale n’est pas mentionnée dans le « plan Trump ». Plus de 65 000 d’entre eux ont été tués, près de 170 000 blessés, selon des chiffres du ministère de la santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, qui sont jugés crédibles par les organisations internationales. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), 92 % des logements ont été détruits ou endommagés. L’ONU a déclaré l’état de famine au mois d’août pour 500 000 Gazaouis. Une crise créée de toutes pièces, Israël ayant restreint drastiquement les livraisons de nourriture, confiées à un organisme opaque, la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), qui ne dispose que de quatre centres de distribution dans toute l’enclave. L’ensemble de ces actes a amené nombre de chercheurs, juristes et organisations de défense des droits humains, aussi bien israéliennes qu’internationales, à conclure qu’un génocide était en cours à Gaza.

Point 3. « Si les deux parties [Israël et le Hamas] acceptent ce plan, la guerre s’achèvera immédiatement. Les forces israéliennes se retireront jusqu’à une ligne convenue pour préparer la libération des otages. Pendant ce temps, toutes les opérations militaires, y compris les bombardements aériens et d’artillerie, seront suspendues, et les lignes de front resteront figées jusqu’à ce que les conditions soient réunies pour un retrait par étapes. »

Le Hamas a toujours réclamé que l’armée israélienne procède à un retrait total, et non partiel, de l’enclave. Les forces de l’Etat hébreu contrôlent à présent 82 % des 360 kilomètres carrés de Gaza, laissant les 2,1 millions d’habitants s’entasser sur une minuscule bande côtière. Selon une carte diffusée par la Maison Blanche, Israël devra dans un premier temps opérer un retrait limité une fois que les otages seront rendus. Elle se retirera encore un peu plus quand une « force internationale de stabilisation » (ISF), aux contours encore vagues, prendra le contrôle de la zone libérée, dans le cas encore hypothétique où le Hamas dépose les armes. Enfin, Israël devra procéder à un troisième retrait, dans un délai indéterminé, mais gardera le contrôle de toutes les frontières de l’enclave, y compris celle partagée entre le territoire palestinien et l’Egypte. C’est un gain majeur pour l’Etat hébreu. Inversement, l’absence de calendrier clair pour ces retraits promet de susciter des réserves voire une contestation franche de la part du Hamas.

Illustration 1

Point 4. « Dans les soixante-douze heures suivant l’acceptation publique de cet accord par Israël, tous les otages, vivants ou morts, seront rendus. »

Sur les 251 personnes kidnappées le 7-Octobre, le Hamas en détient encore 47, dont une vingtaine seraient vivantes, selon des estimations de l’armée israélienne. Les deux précédents cessez-le-feu, en novembre 2023 et en janvier, prévoyaient une libération graduelle des captifs, ce qui avait donné lieu à des mises en scène macabres du Hamas. Cette fois-ci, le « plan Trump » suppose une libération de la totalité des otages, vivants ou morts, en une seule fois. Le retour de ces captifs dans leur foyer en échange de l’arrêt de la guerre est souhaité avec constance par la majorité des Israéliens – encore 64,5 %, selon un sondage mené en août par l’Institut démocratique d’Israël. Y compris de la part des sympathisants du Likoud, le parti dirigé par le premier ministre, Benyamin Nétanyahou.

Point 5. « Une fois tous les otages libérés, Israël relâchera 250 prisonniers condamnés à perpétuité ainsi que 1 700 Gazaouis détenus après le 7 octobre 2023, y compris toutes les femmes et enfants détenus dans ce contexte. Pour chaque otage israélien dont les dépouilles seront rendues, Israël libérera les corps de 15 Gazaouis morts. »

C’est l’un des seuls points un peu précis de cet accord. Le Hamas, qui a fait de la libération des prisonniers palestiniens l’une de ses priorités, peut s’en prévaloir. Mais le fait que le plan ne précise aucun timing pour ces remises en liberté pourrait inciter le mouvement islamiste à la prudence. Côté israélien, ce point risque de provoquer des tiraillements au sein de la coalition gouvernementale, voire d’entraîner sa chute. Les deux ministres les plus radicaux de Benyamin Nétanyahou, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, issus de l’extrême droite nationaliste et religieuse, auront du mal à accepter la libération d’autant de Palestiniens, uniformément considérés comme des « terroristes », en plus d’un retrait, même partiel, de la bande de Gaza, où ils rêvent de rebâtir des colonies. En janvier, une partie des prisonniers libérés avaient été expulsés vers l’Egypte, avant de choisir leur exil entre la Tunisie, l’Algérie et la Turquie.

Point 6. « Une fois que tous les otages auront été rendus, les membres du Hamas qui s’engageront à coexister pacifiquement et à se désarmer bénéficieront d’une amnistie. Ceux souhaitant quitter Gaza bénéficieront d’un droit de passage protégé vers les pays de destination. »

Il est peu probable que cette mesure suscite une forte adhésion. Une grande partie de la direction politique et militaire du Hamas dans la bande de Gaza a été tuée sous les bombardements israéliens. Parmi les survivants, ceux qui sont blessés pourraient saisir cette occasion pour partir se faire soigner à l’étranger. Mais dans l’hypothèse où il accepterait le plan, le mouvement islamiste veillera à maintenir une partie de ses cadres sur place. Même s’il s’est dit prêt à abandonner la gouvernance de l’enclave, le Hamas n’entend pas pour autant déserter le terrain.

Point 7. « Dès l’acceptation de cet accord, une aide [humanitaire] complète sera immédiatement acheminée dans la bande de Gaza. Les quantités seront au minimum conformes à celles incluses dans l’accord du 19 janvier 2025 sur l’aide humanitaire, comprenant la réhabilitation des infrastructures (eau, électricité, assainissement), la réhabilitation des hôpitaux et des boulangeries, et l’envoi des équipements nécessaires pour enlever les décombres et ouvrir les routes. »

Pour Gaza, l’urgence humanitaire est absolue. Des convois d’aide, pour l’instant bloqués par Israël, sont prêts à partir, notamment depuis la ville d’El-Arich, située dans le Sinaï, en Egypte, et depuis le port d’Ashdod, en Israël. Dans les premiers jours du cessez-le-feu de janvier-mars 2025, entre 500 et 600 camions entraient chaque jour dans Gaza. Ce qui correspondait au niveau d’avant-guerre, alors que les besoins, par rapport à cette période, ont décuplé.

Point 8. « L’entrée de l’aide et sa distribution dans la bande de Gaza s’effectueront sans ingérence des deux parties, via les Nations unies et ses agences, ainsi que le Croissant-Rouge et d’autres institutions internationales non associées à l’une ou l’autre des parties. L’ouverture du passage de Rafah [dans le sud de l’enclave] dans les deux directions sera soumise au même mécanisme mis en œuvre dans le cadre de l’accord du 19 janvier 2025. »

Les Nations unies, fustigées par Donald Trump et marginalisées par Israël, reviennent au centre du jeu pour la distribution de l’aide humanitaire. C’est un gain important pour les Palestiniens de Gaza. La référence à « d’autres institutions internationales » devrait toutefois permettre à la GHF de se maintenir sur le terrain. Le sort du poste-frontière de Rafah reste flou. Lors du cessez-le-feu de janvier, Israël avait maintenu ses troupes à cet endroit.

Point 9. « Gaza sera gouverné en vertu de l’autorité transitoire temporaire d’un comité palestinien technocratique et apolitique (…), sous la supervision et le contrôle d’un nouvel organe international de transition, le “Conseil de la paix”, qui sera dirigé et présidé par le président Donald Trump, avec d’autres membres et chefs d’Etat qui seront annoncés, dont l’ancien premier ministre [britannique] Tony Blair. Cet organe définira le cadre et gérera le financement de la reconstruction de Gaza jusqu’à ce que l’Autorité palestinienne ait terminé son programme de réformes. »

C’est ce point qui a permis à Benyamin Nétanyahou de se targuer que Gaza ne serait gouvernée ni par le Hamas ni par l’Autorité palestinienne. Nul ne sait encore qui seront les personnalités palestiniennes qui accepteront de faire partie de ce comité. Et le flou entretenu sur le programme de réformes réclamé de la part de l’Autorité palestinienne permettra le prolongement du mandat de ce comité ad aeternam.

Point 10. « Un plan de développement économique de [Donald] Trump pour reconstruire et dynamiser Gaza en réunissant un panel d’experts ayant contribué à la naissance de certaines des villes modernes florissantes du Moyen-Orient. »

Donald Trump, tout à son succès d’avoir réussi à imposer un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël en janvier, avait déclaré en février que les Etats-Unis devraient prendre le contrôle de la bande de Gaza et y construire la « Riviera du Moyen-Orient ». Un tel projet n’est plus envisagé. Reconstruire Gaza promet d’être une tâche dantesque. Il faudra plus de vingt ans pour évacuer les 50 millions de tonnes de débris. Le gendre de Donald Trump, le promoteur immobilier Jared Kushner, proche de l’Arabie saoudite, pourrait jouer un rôle actif dans cette reconstruction.

Point 11. « Une zone économique spéciale sera mise en place avec des droits de douane préférentiels et des taux d’accès à négocier avec les pays participants. »

Point 12. « Personne ne sera forcé de quitter Gaza, et ceux qui souhaitent partir seront libres de le faire et de revenir. Nous encouragerons les gens à rester et leur offrirons l’occasion de construire un Gaza meilleur. »

Point essentiel, alors que le gouvernement israélien a, à plusieurs reprises, laissé planer la possibilité d’un nettoyage ethnique de l’enclave, soit massif, en expulsant les Palestiniens dans le Sinaï, soit personnalisé, en encouragent les départs dits « volontaires ». Cette option, fermement refusée par la majorité de la communauté internationale et en premier lieu les pays arabes, semble être définitivement écartée.

Point 13. « Le Hamas et les autres factions s’engagent à ne jouer aucun rôle dans la gouvernance de Gaza, directement, indirectement ou sous quelque forme que ce soit. Toutes les infrastructures militaires, terroristes et offensives, y compris les tunnels et les installations de production d’armes, seront détruites et ne seront pas reconstruites. Il y aura un processus de démilitarisation de Gaza sous la supervision de contrôleurs indépendants (…). Le Nouveau Gaza sera entièrement consacré à la construction d’une économie prospère et à la coexistence pacifique avec ses voisins. »

La vision de Trump pour Gaza consiste en une zone franche, démilitarisée, voire dépolitisée – le modèle d’un « Singapour méditerranéen », rêvé dès les années 1990 par les Israéliens. Mais Israël devra accepter de lever un blocus imposé depuis 2007 et la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, qui empêche l’entrée de nombre de matériaux et d’équipements.

Point 14. « Une garantie sera fournie par des partenaires régionaux pour s’assurer que le Hamas et les factions respectent leurs obligations et que le Nouveau Gaza ne constitue pas une menace pour ses voisins ou ses habitants. »

Point 15. « Les Etats-Unis travailleront avec des partenaires arabes et internationaux pour développer une force internationale de stabilisation (ISF) temporaire à déployer immédiatement dans l’enclave. »

Nul ne connaît encore la composition de cette force. Plusieurs pays avaient proposé leur aide, de la France à l’Indonésie. Il faudra avant tout qu’Israël, attaché à son contrôle sur l’enclave, accepte de la laisser opérer. Les Emirats arabes unis pourraient jouer un rôle de premier plan.

Point 16. « Israël n’occupera ni n’annexera Gaza. A mesure que l’ISF établit le contrôle et la stabilité, l’armée israélienne se retirera sur la base de normes, d’étapes et d’échéances liées à la démilitarisation qui seront convenues entre l’armée israélienne, l’ISF, les garants et les Etats-Unis, dans l’objectif d’un Gaza sécurisé qui ne représente plus une menace pour Israël, l’Egypte ou ses citoyens. Concrètement, l’armée israélienne rendra progressivement le territoire de Gaza qu’elle occupe à l’ISF selon un accord à conclure avec l’autorité de transition jusqu’à son retrait complet de l’enclave, à l’exception d’une présence dans un périmètre de sécurité qui restera jusqu’à ce que la bande de Gaza soit correctement sécurisée contre toute résurgence de menace terroriste. »

Cette position de principe est forte, mais laisse une grande latitude à l’interprétation. Quand Israël estimera que Gaza sera « correctement sécurisée » ? Quelle sera la taille du « périmètre de sécurité » ? Où les Gazaouis seront-ils logés en attendant la reconstruction de l’enclave ?

Point 17. « Dans le cas où le Hamas retarde ou rejette cette proposition, les éléments ci-dessus, y compris l’importante opération d’aide, seront mis en œuvre dans les zones libérées du terrorisme remises par l’armée israélienne à l’ISF. »

Si le Hamas, ou une partie du mouvement, ne capitule pas, il sera confiné dans une zone où Israël sera autorisé à poursuivre la guerre. Là encore, c’est le moyen pour le gouvernement de garder une forme de contrôle sur l’enclave, notamment dans les parties urbanisées.

Point 18. « Un processus de dialogue interreligieux sera établi sur la base des valeurs de tolérance et de coexistence pacifique afin de tenter de changer les mentalités des Palestiniens et des Israéliens en mettant l’accent sur les avantages qui peuvent découler de la paix. »

Ce point, vague dans sa formulation, laisse entendre que le Hamas est considéré par l’administration américaine comme un simple mouvement religieux radical et non comme une faction islamo-nationaliste. Il risque de mettre de côté un processus de réconciliation politique, voire de justice transitionnelle.

Point 19. « A mesure que le redéveloppement de Gaza progresse et quand le programme de réforme de l’Autorité palestinienne sera fidèlement mis en œuvre, les conditions pourraient enfin être réunies pour ouvrir une voie crédible vers l’autodétermination et la création d’un Etat palestinien, que nous reconnaissons comme étant l’aspiration du peuple palestinien. »

La mention d’un Etat palestinien était essentielle pour que les pays arabes de premier plan – Arabie saoudite, Egypte, Jordanie, Qatar – acceptent le plan proposé par Donald Trump. Mais l’emploi du conditionnel, l’absence de toute allusion à la Cisjordanie occupée et le fait qu’il soit évoqué à la fin du texte semblent montrer qu’il ne s’agit pas d’une priorité pour les Américains.

Point 20. « Les Etats-Unis établiront un dialogue entre Israël et les Palestiniens pour convenir d’un horizon politique pour une coexistence pacifique et prospère. »

Ce point qui complète le précédent ouvre la voie à une possible reprise du processus de paix israélo-palestinien. Mais il ne remet pas en cause – et ne nomme même pas – la colonisation et l’occupation israélienne, principaux obstacles à une solution de paix à deux Etats.

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