jean-pierre Martin

Abonné·e de Mediapart

16 Billets

0 Édition

Billet de blog 26 août 2016

jean-pierre Martin

Abonné·e de Mediapart

Un jugement inique

jean-pierre Martin

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un jugement inique d’Ordre moral !

 Jacqueline Sauvage, reconnue coupable du meurtre de son mari en 2012, vient de se voir refuser par le tribunal d’application des peines de Melun, la libération conditionnelle accordée par la grâce présidentielle partielle de l’application de la peine. La condamnation à 10 ans de réclusion, survenue après 3 ans de détention provisoire, n’avait pas réellement pris en compte les violences répétées qu’elle a subi avec ses enfants de la part de son conjoint, situation de violences conjugales dont meurent des centaines de femme chaque année dans notre pays, scandale humain dont ont témoigné 436 000 signatures d’une pétition de soutien. Une question se posait déjà : S’agit-il de légitimer un permis de tuer des hommes violents ?

L’argumentation de sa décision par le tribunal de Melun n’a plus rien à voir avec l’esprit d’une décision de justice, car elle fait apparaître un jugement d’ordre moral qui n’est pas celui de son indépendance. En effet, que dit-il ? La détenue n’aurait pas manifesté la compréhension de l’interdit à se faire justice soi-même, qui « n’apparait pas encore vraiment intégrée par madame Sauvage. Le sens de la peine lui échappent elle a été confortée dans cette position par les soutiens dont elle a bénéficié, l’évolution très rapide de sa situation pénale et la médiatisation » après l’avoir « encouragée à se cantonner dans un positionnement exclusif de victime, sans remettre en question son fonctionnement psychique personnel et sans s’interroger sur sa part spécifique de responsabilité dans le fonctionnement pathologique de son couple ». La justice sanctionne-t-elle des faits où des consciences ? Un mouvement de protestation sociétal est-il l’occasion d’un déni de justice, sur le mode : « vous, la coupable, allez le payer » ? Le tribunal de Melun s’enferme-t-il dans cet argument rétrograde qu’une femme battue a crée les conditions des violences subies, où qu’elle est responsable du viol commis sur elle ?

Tout aussi grave est la psychologisation de la décision qui renvoie à cette loi scélérate de rétention de sûreté de la présidence précédente qui maintient emprisonné à la fin de la peine, comme annonçant qu’elle motive la décision. Le psychiatre comme expert donne des éléments au tribunal pour sanctionner, pas pour décider des conditions juridiques de son application. Il n’est pas là dans la suite pour extorquer un aveu qui la conditionnerait, mais pour aider la condamnée à vivre sa réalité psychique. Le psychiatre n’est pas un auxiliaire de justice, mais un thérapeute éventuel.

Les juges du Tribunal de Melun porte atteinte à l’indépendance sereine de l’institution de justice. Le Parquet a fait appel, mais dès maintenant l’exigence de justice est que cette grâce présidentielle devienne totale et que Jeanne Sauvage soit libérée.

Jean-Pierre Martin.

 Psychiatre membre de l’union syndicale de la psychiatrie.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.