Monsieur le Président,
Le 26 mars 2019, je vous ai adressé une lettre décrivant les principaux aspects du scandale que constitue la « protection de l’enfance » en France. J’y étais autorisé, ayant vécu moi-même entre 2015 et 2016 tous les aspects de ce qui n’est rien d’autre qu’un honteux système.
Vous n’avez pas daigné répondre à ce courrier dans lequel je dénonçais :
- L’incompétence de l’ASE dans bien des cas et l’abus de pouvoir allant jusqu’à la menace, face à des familles éprouvées, donc vulnérables.
- Les placements abusifs sur lesquels règnent une honteuse omerta : 50 % des placements sont abusifs et il m’a été donné de percevoir, au cours d’audiences, la collusion qui règne entre les juges des enfants et l’ASE. Messieurs les magistrats étant intouchables, il est bon pour l’ASE de s’abriter sous leur aile.
- L’absence totale de contrôle de l’état sur les finances de ce système, les départements ayant l’entière liberté de disposer des fonds de manière totalement opaque pour un total de 8 milliards d’euros par an !
Le « système » est au point : le juge place au maximum et le conseil départemental dispose à sa guise de fonds d’autant plus importants qu’il y a d’enfants placés, ce qui permet à l’ASE de justifier ses effectifs.
Pour qui voudrait mettre un terme à ce scandale, l’évidence s’impose : l’ensemble de la protection de l’enfance doit être ramenée entièrement dans le giron de l’état afin de :
- supprimer les disparités entre les départements ;
- éliminer la « cuisine » opaque entre le département, le juge des enfants et l’ASE ;
- imposer des règles nationales exigeantes pour le recrutement des travailleurs sociaux ;
- exercer un contrôle régulier sur le fonctionnement de l’ASE ainsi que sur les juges des enfants afin de prévenir les placements abusifs dans toute la mesure du possible ;
- exercer un contrôle financier strict.
Or, qu’avez-vous fait, face aux nombreuses voix qui se sont élevées pour tenter de vous alerter ? Vous avez prévu 80 millions d’euros supplémentaires, soit 1% du budget, comme on fait un don à une association caritative ! Vous vous moquez.
Le but de la présente lettre ouverte n’est donc pas de vous sensibiliser sur ce sujet, mais de faire en sorte que les citoyens qui la liront soient conscients de ce qui se passe réellement dans leur pays et puissent, autant qu’ils le jugent souhaitable, dénoncer une situation qui fait honte au pays dont vous êtes le chef.
Jean-Pierre MENIN
Lettre adressée au président de la République le 26 mars 2019, restée sans réponse :
Monsieur le Président de la République,
Mon épouse et moi-même avons eu connaissance du projet gouvernemental relatif à la protection de l’enfance et qui doit être présenté avant l’été.
Si nous nous sentons autorisés à intervenir dans ce domaine, c’est en raison de l’histoire récente d’un de nos enfants, injustement accusé, conjointement avec son épouse, de maltraitance à l’égard de leur bébé. Nous avons hébergé celui-ci pendant six mois, jusqu’à ce que le juge des enfants ne puisse faire autrement que de le rendre à ses parents. Mon fils, ma belle-fille (domiciliés à Toulouse), mon épouse et moi-même (domiciliés à Aix-en Provence) avons vécu en direct et au quotidien les relations avec tous les services chargés de la protection de l’enfance tant dans la Haute-Garonne que dans les Bouches-du-Rhône : l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et la Protection Juridique de la Jeunesse (PJJ) de ces deux départements (La PJJ des Bouches-du-Rhône ne s’occupant que d’adolescents, le juge a dû la dessaisir et confier la mission à « Sauvegarde 13 »).
Le présent courrier a pour buts :
- de dénoncer ce qui se passe dans certains services sociaux à partir de ce que nous avons vécu ;
- d’aborder un sujet très grave sur lequel règne un honteux silence et qui pourtant ne figure pas dans le projet gouvernemental : les placements abusifs.
Pour illustrer le premier point, nous ne pouvons mieux faire que de joindre copie des trois documents suivants (annexes 1a, 1b, 1c) :
- le courrier que nous avons adressé au juge des enfants à la veille de l’audience du 26 avril 2016 ;
- la déclaration lue par mon épouse au cours de cette même audience, dénonçant les funestes méthodes de la responsable de l’ASE de Haute-Garonne, d’ailleurs présente à l’audience. Cette personne se livre à la destruction systématique des familles en situation de vulnérabilité. Son rapport sur les parents, ignoble et mensonger, traduit l’incompétence la plus totale et le désir de nuire. Il est inadmissible qu’une telle personne soit autorisée à sévir dans un service destiné à aider et non à torturer.
- une déclaration rédigée par moi-même destinée à décrire plus en détail ce que nous avons vécu en relation avec les services sociaux. Elle n’a pas été lue au cours de l’audience.
Nous notons avec satisfaction que le gouvernement veut mettre l’accent sur la qualité du recrutement et de la formation des professionnels. Ce point est fondamental à nos yeux et constitue un élément essentiel de la prise en charge des enfants mais aussi des parents qui ne doivent pas être considérés a priori comme des coupables. Cela exige de la part de ces professionnels des connaissances et de grandes qualités telles que discernement et solidité psychologique personnelle.
Face aux rapports élogieux de tous les autres services sociaux sur l’attitude des parents, le juge des enfants n’a pu, le 26 avril 2016, qu’ordonner l’arrêt du placement, mais il reste que les parents et tous leurs proches ont vécu des moments extrêmement douloureux du fait de ce que nous considérons comme un placement abusif. Cela nous amène au second point.
En juin 2015, quelques mois avant que ne survienne notre affaire personnelle, Mediapart publiait l’article dont vous voudrez bien trouver copie en annexe 2a. Dans ce document, les mots sont très forts mais non trop forts. Nous commentons brièvement ci-dessous cet article à la lumière de notre expérience personnelle.
Le placement abusif est avant tout une affaire d’argent.
En nous adressant à Mme la Ministre des solidarités et de la Santé, nous avons cherché à connaître le montant obtenu de l’Etat par les Conseils départementaux pour chaque enfant placé. Il nous a été répondu que les collectivités territoriales bénéficient de dotations de l’état dont elles peuvent disposer librement.
Il est inadmissible que l’Etat n’exerce pas un contrôle strict sur la manière dont ces fonds sont utilisés alors qu’il s’agit de la protection de l’enfance et d’une dépense annuelle de 7,5 milliards d’euros.
Les services sociaux, dans de nombreux cas, exercent illégalement… une situation relevée depuis longtemps par la Cour des Comptes.
En lisant cela, on croit rêver dans un pays qui se targue d’être un état de droit ! Enlever un enfant à sa famille alors qu’il n’y est pas en danger : c’est ce qui nous est arrivé, mais, pire encore, 80% des enfants placés le restent jusqu’à leur majorité. A contrario, des enfants véritablement en danger ne sont pas soustraits à leurs parents.
Ce système ne peut exister que parce que les tribunaux y participent activement.
C’est une évidence : comment le placement peut-il se faire sans l’ordonnance du prescripteur : le juge des enfants ? Notre expérience personnelle nous a permis de percevoir l’ambiguité des relations entre les services sociaux et le magistrat, en particulier lors des audiences. Etrangement, le sujet des placements abusifs n’a pas été abordé lors de l’émission télévisée qui a eu lieu récemment sur les enfants placés. Craindrait-on de mettre en cause certains magistrats ?
Ce qui caractérise le placement abusif, c’est qu’aucun critère de danger pour l’enfant ne puisse être mis en avant.
C’est ce qu’illustre parfaitement notre histoire comme le montrent les paragraphes suivants tels qu’ils figurent dans l’ordonnance « aux fins de maintien de placement provisoire » du 28 octobre 2015 :
- hospitalisé à l’UHED depuis près d’un mois, l’enfant semble se rétablir, entouré par ses parents et sa famille dont le comportement paraît tout à fait adapté et efficient aux yeux des équipes hospitalières. »
- L’enquête initiale de gendarmerie… conclut qu’à ce stade des investigations il n’existe pas d’éléments de preuve suffisants pour impliquer la participation de l’une ou l’autre des parties dans les faits objets de la présente enquête. »
Notons que la mère de l’enfant a passé la nuit auprès de son enfant pendant toute la durée de l’hospitalisation, soit 30 jours. Ajoutons que, durant cette période, la responsable de l’ASE 31 téléphonait quotidiennement à l’hôpital pour savoir quand il serait possible d’emmener l’enfant. Je vous laisse interpréter un tel comportement.
Oui, les mots prononcés dans l’article de Mediapart sont forts : faux en écriture, déni de justice, soustraction d’enfant, usage de fausse qualité, détournement de fonds publics. Si j’ai basé les lignes qui précèdent sur cet article c’est en raison de sa brièveté et de son caractère bien structuré. Plus complète et écrite par une « victime » des services sociaux est la pétition adressée au Conseil Constitutionnel que je vous invite à lire en annexe 2b : j’y ai souligné tout ce que nos enfants et nous-mêmes avons vécu, observé, ou nettement perçu. Ce document, déjà ancien, ne semble pas, hélas, avoir pesé sur les méthodes des services sociaux.
Vous ne pouvez pas, Monsieur le Président, laisser perdurer un « système » qui est véritablement la honte de notre pays, où les acteurs sont moins préoccupés par l’intérêt de l’enfant que par le maintien de leur emploi pour les uns (les travailleurs sociaux) et la facilité pour les autres (les magistrats), où des travailleurs sociaux à la compétence douteuse disposent d’un pouvoir exorbitant, opèrent en dehors de tout contrôle et sur les rapports desquels certain magistrats s’appuient pour justifier des décisions iniques.
Selon nous, l’action de votre gouvernement devrait porter sur trois points essentiels :
- la remise à plat de l’organisation de la protection de l’enfance (qualité du recrutement, formation et contrôle des intervenants). C’est, semble-t-il, un axe important du projet gouvernemental ;
- l’éradication des placements abusifs par un contrôle strict des magistrats chargés de ce domaine, qui doivent être sanctionnés en cas de placement abusif ;
- le contrôle strict de l’utilisation des fonds publics dédiés à la protection de l’enfance.
Sauf erreur de ma part, je ne vois rien sur les deux derniers points dans le projet gouvernemental.
Mon épouse et moi-même nous tenons à votre entière disposition pour tout complément de témoignage, et nous vous prions, Monsieur le Président, de bien vouloir agréer l’expression de notre parfaite considération.
Jean-Pierre MENIN