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Billet de blog 10 décembre 2025

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Laïcité

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

De la laïcité.

Réponse à la tribune du député Rodrigo Arenas sur la laïcité (10/12/2025 - édition du matin)

Je crains, monsieur Arenas,  que « la spiritualité laïque n’était pas une religion de remplacement, mais une exigence morale » ne contribue à enfermer le débat dans l’impasse dont témoigne depuis 120 ans l’introuvable consensus sur la nature de la laïcité.

Je dirai que la question première consiste à identifier ce qui conduit la République française à décider de tracer une ligne de séparation entre les religions et l’État républicain.

La réponse se construit à partir de ce qui constitue les religions – et c’est un mot qui n’est que rarement évoqué –, la foi. La foi est ce qui conduit un individu à croire en Dieu, une démarche qui n’est pas un acte intellectuel mais de confiance, une confiance totale, quelque chose comme un don de son être. [Il y a là un nouvel objet de débat : pourquoi la foi est-elle indissociable d’une organisation sociale ?]

Le verbe qui s’oppose radicalement à croire en, à, donc situé de l’autre côté de la ligne de séparation, est savoir. Autrement dit, en votant cette loi de séparation, l’État républicain décide que ce qui constitue le commun humain de la République française est désormais savoir, non seulement pour l’enseignement dispensé dans une école publique laïque et obligatoire – les professeurs sont recrutés sur les critères exclusifs d’un savoir – mais aussi pour la décision politique dans son sens le plus large. La colère du Pape d’alors (Pie X excommunia tous les baptisés qui avaient voté la loi) signifia l’importance que représentait la perte de «la fille aînée de l’Église » qui s’émancipait de la sphère du croire).

Cet essentiel de la laïcité n’est pas explicité. S’il l’était, il faudrait alors expliquer pourquoi l’État républicain finance la religion catholique en Alsace-Moselle, les écoles privées confessionnelles, pourquoi N. Sarkozy, président de la République déclara au Latran  (20/12/07) « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur (…) », pourquoi le président de la République laïque E. Macron organisa la cérémonie religieuse des obsèques de J. Chirac, pourquoi il assista en tant que président de la République laïque à la messe pontificale à Marseille ?

Bref, pourquoi l’État laïque n’applique pas le principe de laïcité ?

Vous voyez, monsieur Arenas,  qu’il ne s’agit ni de spiritualité ni d’exigence morale, mais simplement d’un choix philosophique.

Poser cette question, c’est aussi poser celle de la misère que révèle le discours politicien habituel – le plus souvent électoraliste –, de son rapport avec le développement des obscurantismes et de l’idéologie d’extrême-droite, autrement dit la question du refus assez consensuel de constituer un peuple politique.

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