Laïcité : la question essentielle
Questions du soir (France Culture – 18 h 15 – 09/12/2025) traitait de la laïcité et le présentateur rappela qu’elle était un objet de discussions sans fin.
Ce qui induisait la question : pourquoi ne parvient-on pas à un consensus sur sa définition ?
Comme le problème de la fin de vie, la question essentielle – ici, ce qui fonde le principe même de laïcité – n’est généralement pas posée, et elle ne le fut pas pendant l’émission.
La question qui permet d’aller à cet essentiel est celle-ci : qu’est-ce qui a conduit la République française à décider de tracer une ligne de séparation entre l’État et les religions ?
On ne peut répondre que si l’on commence par poser la question de ce qui constitue les religions, c’est-à-dire – et le mot n’a pas été prononcé dans l’émission – la foi. Un individu place sa foi en Dieu (tout autre chose qu’un acte intellectuel) et il éprouve le besoin de se réunir avec ceux qui font la même démarche que lui = la religion. Il y a là un nouvel objet de débat : pourquoi la foi est-elle indissociable d’une organisation sociale ?
Si la ligne de séparation met d’un côté « croire » dans son organisation sociale, qu’y a-t-il de l’autre qui s’y oppose si radicalement qu’il faille voter une loi ?
Ce qui s’oppose au « croire en » de la foi, c’est savoir. Autrement dit, la République décide que le commun de ceux qui constituent cette République est désormais le « savoir » – d’où la réaction violente du Pape Pie X (il excommunia tous les baptisés qui avaient voté la loi) et de la hiérarchie qui voyait leur échapper « la fille aînée de l’Église » –, savoir qui détermine donc non seulement l’enseignement – les profs sont recrutés sur des critères exclusifs de savoir – , mais aussi la décision politique.
C’est en quoi la question (oratoire) que posa l’animateur à la représentante invitée de l’association « Unité laïque » qui expliquait la porosité entre l’État et les religions relativement aux problèmes de société : « L’État ne devrait consulter aucun spécialiste, aucune association, aucune organisation syndicale, patronale, professionnelle ? » n’était pas pertinente : il n’est pas possible de mettre sur le même plan des organisations fondées sur un type de savoir et les églises (qui ne sont pas des spécialistes en quoi que ce soit) exclusivement fondées sur croire.
Sa réponse faible « Si, bien sûr, mais ces corps intermédiaires n’ont pas d’autorité de décision » témoigna de la difficulté à aborder cette autre question – elle ne l’a pas été pendant l’émission – : pourquoi l’État laïque finance-t-il des écoles confessionnelles ainsi que la religion catholique en Alsace-Moselle ? Pourquoi le président de la République laïque N. Sarkozy a-t-il déclaré au Latran (20/12/2007) « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance » ? Pourquoi le président de la République E. Macron a-t-il organisé la cérémonie religieuse des obsèques de J. Chirac ? Pourquoi a-t-il assisté en tant que président de la République à la messe pontificale à Marseille ?
Autrement dit, pourquoi l’État n’applique-t-il pas le principe de laïcité ?
Poser cette question, c’est poser celle de la misère que révèle le discours politicien habituel, de son rapport avec le développement des obscurantismes et de l’idéologie d’extrême-droite, autrement dit la question du refus de constituer un peuple politique.