Monsieur le Président,
Opposer un front républicain au FN/RN conditionné à un engagement du candidat Macron dans le cadre d’un pacte démocratique.
En ces temps troubles où dominent confusion politique et idéologique, et à l’approche du terme de votre mandat, j’éprouve le besoin de vous écrire, car en tant que chef de l’état vous avez une responsabilité dans cette confusion.
Un débat ressort publiquement à travers les médias : « Faut-il faire barrage au FN ? Opposer à la représentante de l’extrême droite un Front républicain ? » C’est sur ce thème que je souhaitais vous faire part de mon opinion.
Faire barrage au FN, au deuxième tour évidemment, je l’ai déjà fait à deux reprises : en 2002 en votant J. Chirac contre Le Pen ; en 2017 en votant pour vous contre la rejetonne de Le Pen. Dans les deux cas, je n’avais aucune convergence politique et ni aucune illusion sur ces candidats et leur programme, sachant les intérêts des classes sociales dont ils étaient les défenseurs. Dès le lendemain de l’élection de Chirac, on a vu un Raffarin afficher son programme de remise en cause des acquis sociaux. Idem en ce qui vous concerne, vous mettiez en place un gouvernement de combat contre les intérêts des classes populaires, annonciez la casse du Code du Travail et la suppression de l’ISF.
Vous, comme Chirac avez oublié que vous deviez votre élection aux classes populaires. Vous, plus encore que Chirac, du fait de la faiblesse de votre base sociale vous ne pouviez être élu que grâce à l’apport d’électeurs de gauche.
Il est très vite apparu que vous étiez le candidat des riches et même des très riches, affichant au passage un mépris de classe prononcé et d’un niveau jamais perçu chez un président de la République, dépassant même et de très loin un Sarkozy.
Votre projet politique a très vite été perçu comme générateur de graves inégalités sociales donnant lieu aux manifestations des Gilets Jaunes. Mouvement d’une ampleur inégalée se répétant pendant des mois. Vous avez alors commandité les violences policières que l’on sait, causant d’importants et irréversibles dégats humains. Vous avez militarisé les forces dites de l’ordre en les dotant d’armes de guerre (reconnues comme telles par l’UE et autres organisations des droits de l’homme, le défenseur des droits humains etc…). Vous avez clairement fait obstacle à la liberté de manifester en semant sciemment la peur chez les manifestants et en adoptant des lois liberticides, banalisant l’état d’urgence à la faveur de la crise sanitaire et nommé un préfet dénué de tout scrupule démocratique.
Vous avez laissé impunis les auteurs des violences policières, évidemment puisqu’elles répondaient à la nécessité pour vous de décourager les citoyens d’exercer leur droit démocratique de manifestation. Votre ministre, avec votre assentiment, a donné des gages aux « syndicats » de police factieux. Les mêmes qui ont manifesté en armes devant un siège de parti politique et devant le ministère de la Justice. Vous avez encouragé par votre silence complaisant ces actes dont la nature s’oppose à l’esprit de la République.
Il Faut bien compenser la faiblesse de sa base sociale par une garde prétorienne numériquement importante et choyée.
Vous avez criminalisé les luttes sociales, les syndicalistes, multiplié les dispositifs législatifs sécuritaires (sécurité globale et son article 24).
Monsieur le Président, vous êtes porteur du programme maximal de la bourgeoisie, tant par les mesures économiques libérales que par la restriction des libertés démocratiques en tant que moyen d’assurer l’accomplissement de ce projet économique libéral générateur de l’accroissement des inégalités au point que des millions de gens vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Vous persistez dans la mise en place d’une politique économique dont on sait avec le recul de plusieurs décennies, que l’insécurité sociale et les inégalités forment le terreau à partir duquel l’extrême droite se développe.
Vous avez cru, pour vous assurer un duel de second tour avec la représentante de l’extrême droite, vivifier celle que vous considérez comme votre assurance-vie, car vous pensez que le « front républicain » sera à nouveau automatique. Cela s’avère être un mauvais calcul, car cette fois, et au vu de votre gouvernance qui comportant un certain nombre de caractéristiques qui sont celles de l’extrême droite, dont l’atteinte aux libertés démocratiques et mise en place de lois liberticides.
Dans un contexte où les médias font la part belle aux idées d’extrême droite offrant une tribune quotidienne à Zemmour (pas moi, mais l’autre…), vous avez cru bon de trianguler l’extrême droite en citant Maurras et Pétain. On vous savez adepte de Margaret Thatcher, elle-même amie de Pinochet (comme d’ailleurs ce défenseur du libéralisme Friedrich Hayek).
Croyez-vous que tout cela soit de nature à vous attirer les bonnes grâces des électeurs de gauche dont je suis ?
Vous et vos séides instrumentalisez « l’islamo-gauchisme », qualificatif marqué à l’extrême droite, rappelant celui de « judéo-bolchévique » infamant dans le seul but de discréditer vos opposants et les organisations de gauche qui forment les forces vives de l’antifascisme. Les Blanquer et Vidal ont ouvert à votre demande, puisqu’ils n’ont pas été stoppés par vous une véritable campagne maccarthyste à l’encontre d’universitaires et chercheurs.
Ce faisant, vous et vos ouailles n’avez cessé de faire le lit de l’extrême droite, celle-ci se contente de compter les points, heureuse que d’autres fassent le sale travail à sa place.
Monsieur le Président, votre passif dans cette mandature est lourd, il n’encourage pas vraiment au « front républicain ». Vous ne pouvez pas appeler les électeurs de gauche à voter pour vous au second tour (si toutefois, ce duel doit avoir lieu) en continuant au lendemain du deuxième tour à éborgner, mutiler, matraquer, appauvrir, diffamer ceux qui auront voté pour vous.
D’après ce que l’on a pu lire dans la presse, vous semblez prendre conscience de la difficulté à obtenir ce front républicain et vous opteriez pour « un discours sur l’apaisement et la projection dans l’avenir et la réparation du pays sur le plan économique et social ».
Douce plaisanterie ! Vous connaissant, on sait ce qu’il en est de vos promesses et nous savons que votre naturel de grand libéral ne tarderait pas à revenir au grand galop.
Donc, il n’est pas question cette fois de vous donner un chèque en blanc.
Pas de front républicain, sans un pacte démocratique qui vous engagerait :
- Rétablir le droit de manifester sans les entraves policières, renoncement au LBD 40 et autres armes de guerre. Votre condamnation des « bavures » policières.
 - Lutter contre le racisme dans la police. Interdiction du contrôle au faciès.
 - Formation des policiers afin de revenir à une police républicaine
 - Suppression de l’IGPN et limogeage du préfet Lallement.
 - Indemnisation des victimes des violences policières
 - Engagement à obtenir l’annulation de la dette qui conditionne la future politique économique et sociale et la lutte contre les inégalités sociales
 - Pas de réforme des retraites
 - Cessation de l’instrumentalisation de « l’islamo-gauchisme » à des fins politiciennes.
 - Mettre fin à la chasse aux sorcières initiée par Blanquer, Vidal et Darmanin.
 - Blanquer, Vidal, Darmanin marqués à l’extrême droite ne doivent plus faire partie de vos gouvernements.
 
Il faudrait bien sûr que votre mouvement « En Marche » et ses cadres s’imprègnent de ce pacte.
Pour qu’il y ait front républicain, encore faut-il que le contenu du programme de celui qui en bénéficie soit porteur des valeurs de la République.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire,
Soyez assuré Monsieur le Président de mes sentiments aussi respectueux que possible.
Jean-Pierre ZEMMOUR