Il ne fait pas toujours bon s’afficher politiquement. Cependant, lorsque c’est possible, la récompense vient du débat et de ce qui en découle. Des solutions, des compromis. Mais il faut aussi savoir se taire. Ce qu’on a décidé de faire collectivement ce soir.
Injonction. Interdit de parler de la grève jusqu’à nouvel ordre. Non par manque d’idées, mais parce qu’on fête un anniversaire. J’ai beau provoquer un tantinet pour assouvir ma soif (de rouge) et planter mes crocs, rien à faire, en face de moi un se trouve un homme raisonnable. Des personnes raisonnables. Intelligentes, responsables, cultivées. Pas moyen de vampiriser.
Et c’est tant mieux, car cela rend la soirée agréable. Il y a pourtant grève, j’ai beau porter le carré (rouge) et boire beaucoup (de rouge), ce soir, je ne vois pas (rouge).
Injonction bébé. Pas de Charest, Beauchamp, Bachand. Pas de méchants, d’insultants, ou d’insignifiants. Pas de clip, de journalistes, de Martine Desjardins. Exit GND ou ben Bureau-Blouin. Rien. Ce soir, ceux qui travaillent s’encanaillent. Celui qui étudie s’adoucit. Lentement on devient une majorité silencieuse, qui marmonne (autre chose que des banalités).
La grève (entre parenthèses)
Le temps médiatique suspendu. Ici, juste le plaisir puis le constat implicite qu’on a parfois besoin de se retrouver pour mieux se comprendre. Que dans le bruit de ce qui est en voie de devenir un vaste bordel, il faut savoir s’apprécier. Just a bit bibitte. Assez pour lâcher le dogme deux secondes.
«Pas de chapelles» comme dirait Martineau. En tout cas pas les siennes. Des fois pour communier ça prend autre chose que des hosties. Je le tiens de source sûre, mon père est un ancien prêtre. Je proviens d’un sperme béni. Venu, vu, vécu. Dans l’ordre que vous voulez.
Ce soir ce sera bu. Car on a le vin de messe, carmin du «bon bord», pour se réchauffer le coeur. À défaut d’être d’accord, on trinque à la santé de tout le monde. Du jubilaire avant tout. Puis des rouges, des jaunes, des verts. Des profs, des banquiers, des gars d’Aveos. Même de la petite sirène. De toi, de moi, de «nous», whatever it means.
«Nous» constatons d’ailleurs que les bouteilles sont vides, les yeux fatigués, les gorges sèches…Si ça continue, les grandes gueules vont se faire aller. Inévitablement ça va sacrer le camp. Entre le café, le dessert, l’hypothèque, le yoga, l’impatience prend le dessus sur la valeur nutritive du kinoa. Puis finalement non. On maintient l’injonction, façon Guy Breton. Car «nous» avons peur de discuter, débattre, polémiquer. De se déranger dans nos convenances et nos certitudes.
On attendra donc encore un peu avant d’arracher le red tape. Mais pour combien de temps peut-on se le permettre collectivement ?