Pierre Lambert, c’est ce jeune homme qui, vendredi 26 octobre (le jour-même de ces 22 ans), dans l’après-midi, sur le campus inondé de Toulon, s’est noyé pour avoir tenté de secourir une jeune femme que la gueule béante et sans protection d’une canalisation d’évacuation des eaux venait d’aspirer. C’est tard dans la soirée et dans la nuit que les pompiers ont retrouvé le corps de la jeune femme puis celui du jeune homme.
Il se trouve que Pierre Lambert était le deuxième des fils d’un couple dont je me flatte de compter parmi les amis ; Pierre Lambert, pour moi, c’était donc, et ce sera toujours, Pierre.
Lequel, laquelle d’entre nous pourrait aujourd’hui assurer que ce que Pierre a fait vendredi 26 octobre, il (elle) l’aurait fait ? Ce que nous lui devons est donc bien plus que tous les honneurs et les hommages qui lui ont été, et viennent de lui être rendus : ces hommages et ses honneurs ne vaudront jamais ce qu’aujourd’hui et demain, et sa vie durant, il aurait été ; jamais ils ne vaudront ce que, déjà si splendidement, il donnait à penser qu’il allait être.
Ce qu’alors nous lui devons ?
Bien sûr que, quelque part, il y a un (des) ‘’coupable(s)’’, je veux dire un(e)/des quidam(e)s qui, avec la plus grande constance et la plus grande application n’ont jamais voulu entendre ce que tout le monde disait sur le campus de Toulon, savoir que, là où la catastrophe s’est produite, c’était ‘’dangereux’’. Et bien sûr qu’en conséquence, ce que nous serions fondés à demander soit que, ne serait-ce que pendant quelques secondes, il lui (leur) soit enjoint de s’imaginer à la place de Pierre après que, l’autre jour, il eut plongé dans l’eau noire, froide et tourbillonnante… Sauf que, naturellement, ça ne servirait pas à grand chose : comment concevoir que ce qu’alors Pierre a vécu et pensé, cela fût à la portée de ‘’coupable(s)’’ ?
Ce qu’à la fin nous devons donc à Pierre Lambert ?
Or, soit ces temps horribles que nous vivons. Lequel (laquelle) d’entre nous ne reconnaîtra pas que, tous les jours, il (elle) est le témoin de ‘’choses’’ du genre de celle dont Pierre a été le témoin quand, vendredi 26 octobre, sur le coup de 15H30, il a fait ce qu’il a fait ?
Mais voilà, tous et toutes, que faisons-nous ?
Et si donc, devant tout ce qu’il nous est chaque jour donné de voir, ce que désormais nous nous disions fût ceci : ‘’tiens, là, maintenant, si j’étais comme Pierre Lambert était, je ferais quoi ?’’
Jean Tramuset