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Scénographe, Eclairagiste. Enseignant-chercheur, doctorant en architecture

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Billet de blog 11 septembre 2021

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Des deux sortes d'ergonomie

Quarante ans après ma sortie (par pertes et profits) de l'école d'architecture, et la cohabitation avec plusieurs femmes, j'ose avancer une hypothèse.

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Il y a deux sortes d'ergonomies, au moins. Et elles sont genrées par nos habitudes.
Jadis, quand j'intervenais comme enseignant, je faisais le test suivant : étant donné une table à manger dont on peut rapprocher les pieds à volonté, pour le confort des genoux,, quel est l'espace minimum entre les pieds ?
La réponse était : 30cm. Les filles étaient toujours les premières à trouver pourquoi : parce que c'est la dimension d'un balai. Pour balayer les miettes.
Experience just talks : l'ergonomie féminine consiste à tout enfermer dans des placards, et rendre les sols libres au passage du balai et de la serpillère.
Ce qui ne va pas sans certaines contradictions : à force d'empiler dans les placards, ma vieille maman me dit régulièrement :
« Toi qui es grand, tu ne veux pas m'attraper la cocotte en fonte, là-haut ?
-Oui. Mais pourquoi tu ne la ranges pas plus bas, à hauteur de hanche, où c'est facile à soulever ?
-Ah ben, elle a toujours été là. »
L'ergonomie féminine est aussi faite de mémoire, ou d'habitudes. Mais les placards protègent de la poussière. Qui est faite à 80% de fragments de peau humaine, qui se renouvelle très vite.
Mais Moulinex et l'Aspirateur libèrent la femme.
L'ergonomie masculine, en revanche, consiste à avoir à portée de main le maximum d'objets utiles.
L'emblème en est « Alexandre le Bienheureux », avec un système sophistiqué de poulies et l'aide d'un chien docile. Sans femme dans les pattes pour lui dire que c'est sale et que ça fait désordre.
Le pire est l'ergonomie de l'homme créatif en gestation : le désordre est générateur de trouvailles empiriques, par sérendipité : la vue de deux objets dans le même espace peut générer une invention, par association d'idées. Mais c'est moins facile de passer le plumeau, c'est vrai.
Je me souviens d'une dispute rituelle entre mes parents.
Mon père disposait d'une grande pièce qu'il appelait son Atelier, où il écrivait, dessinait, peignait, et tirait des affiches en sérigraphie.
(L'intense atmosphère d'acétone lui a causé un myélome, le pauvre)
Ma mère descendait régulièrement le houspiller pour pouvoir « faire le ménage ». Mais sur ses piles de documents, texte ou image, il se repérait très bien sur la date d'empilement au degré de poussière accumulé. Et de disserter sur la différence entre l'ordre Géométrique et l'ordre Vital.
Il paraît que les gens créatifs ont souvent un bureau en désordre. Ou en Combray, comme Proust.
Mais c'est très difficile à expliquer à une Ménagère. A part Céleste Albaret, peut-être.

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