Comme il est rarissime que les délits en col blanc soient sanctionnés aussi sévèrement, il faut bien s’interroger sur le pourquoi de cette peine que les Français jugeront, quant à eux, bien méritée. Lorsqu’en décembre 2012 le site Mediapart a rendu public l’enregistrement de la conversation téléphonique de Jérôme Cahuzac avec un correspondant dont on ignorait le nom et au cours de laquelle il évoquait fort maladroitement un compte en Suisse chez UBS, il fallait être un député socialiste de base bien crédule ou un président de la République trop naïf pour ne pas mesurer les conséquences ravageuses de cet échange.
Dès lors la machine infernale était en marche et Jérôme Cahuzac allait inventer un système de défense intenable, fait de mensonges répétés et de formules assassines pour lui-même et sa fonction. Car M. Cahuzac, ministre du budget, avait vocation à lutter contre la fraude fiscale, fraude évidemment dénoncée régulièrement par la gauche, et il allait s’enfermer semaine après semaine, question orale après question orale, dans le mensonge dont Mediapart et les autres médias s’amusaient. Comment, cet homme intelligent, bon député et bon ministre, a-t-il pu imaginer qu’il allait tromper son monde durablement ? A l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, rien ne demeure secret. Rien n’échappe par ailleurs à la sagacité des journalistes d’investigation dont le métier est justement de fouiner et de dénoncer les scandales. Est-ce un bien ou un mal ? Un bien évidemment.
Car j’ai tendance à penser que la démocratie gagne à la transparence et à la dénonciation des crimes et délits de ceux qui nous gouvernent. Alors qu’on reparle ces jours-ci des disparitions tragiques des de Broglie, Boulin, Fontanet…sous la règne de Giscard, et que les mobiles des suicides ou des assassinats nous échappent encore, il est sain pour une démocratie qu’une presse libre de l’influence de l’argent et des pouvoirs, indépendante des puissants, informe les citoyens des comportements anormaux des dirigeants et de ceux qui aspirent à gouverner. Les affaires Sarkozy, pour la droite, empoisonnent le climat depuis trop longtemps.
Les juges, hier, ont sanctionné le délit certes mais également le comportement des Cahuzac. Quand on s’engage en faveur du bien public, on doit être exemplaire. C’est évidemment contraignant mais c’est la condition de la crédibilité des politiques. A vouloir s’exonérer des obligations qu’il imposait à tout un chacun, Jérôme Cahuzac a pris le risque de perdre tous ses mandats, sa respectabilité, son honneur, sa considération. Il est devenu un paria susceptible un jour de rejoindre les Bosson, Tapie et compagnie derrière les barreaux. Quelle chute !