Titre : Crise de vocation ou sabotage organisé de l’Éducation nationale ?
Par Jean-Charles Tassan
On nous répète depuis des années que l’Éducation nationale traverse une « crise de vocation ». Les concours sont désertés, les démissions explosent, et les vocations ne seraient plus là. Pourtant, il n’en est rien. Ce qui s’effondre, ce n’est pas l’envie d’enseigner, mais les conditions minimales pour le faire dignement. Derrière le mythe confortable de la vocation manquante se cache une réalité plus brutale : un sabotage organisé du métier, doublé d’une stratégie implicite d’exclusion des profils capables de refonder l’institution.
Un métier vidé de son sens
L’enseignant d’aujourd’hui n’est plus un passeur de savoir, encore moins un acteur de l’émancipation. Il est devenu un exécutant, sommé d’appliquer des consignes venues d’en haut, de remplir des tableaux, de faire taire plutôt que faire réfléchir. L’autonomie pédagogique est un mot creux, l’innovation un risque. À ce jeu-là, même les plus passionnés finissent par céder.
La vraie fuite des cerveaux
Mais là où le malaise devient scandale, c’est quand l’institution elle-même rejette ceux qui pourraient l’aider à se relever. Profils atypiques, engagés, inventifs : tous sont écartés, isolés ou broyés. Loin de valoriser la richesse des parcours et des idées, l’Éducation nationale préfère la conformité et la docilité. Résultat : elle conserve les plus passifs, perd les plus vivants.
Recruter n’importe qui, puis s’étonner du résultat
Dans certains cas, on recrute aujourd’hui par défaut. Des candidats peu cultivés, peu pédagogues, validés faute de mieux. Et l’on s’étonne ensuite de la perte de crédibilité du métier. Pire encore, on évoque sans cesse la nécessité d’une revalorisation salariale, mais comment la rendre crédible quand les profils recrutés ne sont pas à la hauteur des enjeux contemporains ?
Une revalorisation sérieuse suppose une exigence de qualité. En l’état, elle serait perçue comme une prime à la médiocrité.
Une crise de système, pas de vocation
La crise actuelle n’est pas une fatalité. Elle est le fruit de choix politiques délibérés : sous-financement chronique, bureaucratisation, mépris des enseignants, effacement du sens. Le discours sur la vocation absente n’est qu’un rideau de fumée. Ce n’est pas le feu sacré qui manque. Ce sont les conditions pour qu’il puisse s’exprimer, durer, et se transmettre.
Conclusion : quid du manque de professeurs ?
À force d’avoir vidé le métier de sa substance, désorganisé la formation, détruit l’attractivité, et nivelé par le bas, on récolte ce que l’on a semé : des salles de classe vides d’enseignants, des vocations gâchées, et une société qui s’interroge trop tard.
La question n’est plus « où sont les profs ? » mais : qui a vraiment voulu qu’il n’y en ait plus ?