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Billet de blog 11 juin 2020

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La Sortie - épisode 2

Un épisode qui nous éclaire sur les raisons de la colère de Thomas et sur le sentiment de honte chez Bruno Latour. On y fait également connaissance avec Pierrot, un néo-rural qui prépare son déconfinement dans un collectif libertaire, quelque part dans l'Orne.

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LA SORTIE

Épisode 2

Fil d'info du 14 juillet 2020 :

A l’Etranger

- La progression de la pandémie en Afrique centrale : 180 personnes pendues au Nigéria pour rupture du confinement. Emeutes de la faim en Afrique du Sud. L'Union Africaine souhaite que la pandémie « ne barre pas le chemin de la démocratie ».

- Les craintes d'un spécialiste à propos de la rencontre du Covid 19 et de la fièvre Ebola dans l'organisme d'une chauve-souris congolaise sont démenties par l'Organisation Mondiale de la Santé.

- L’OMS supervise l’installation de grands camps de tentes blanches et oranges dans les collines rwandaises.

En France

- Une fête illégale d'immunisés dans la Drôme interrompue par la police. Les organisateurs se défendent : « On pratiquaient nous-même des tests à l'entrée de la rave ! Et y avait des flics qui ne portaient pas de masque ! ».

- Les sites de rencontre pour immunisés reçoivent l'assentiment de la Commission Nationale Informatique et Libertés. Son président déclare « il est conforme à l'éthique des réseaux que les gens s'assemblent sur une base affinitaire, quel que soit cette base ».

- Une caisse de solidarité envers les femmes victimes des violences conjugales en temps de confinement reçoit le soutien d'un cortège de personnalités.

- Lors d'une manifestation non-mixte de femmes immunisées, un slogan choque : « un mec, une balle, justice sociale ».  Le cortège des personnalités se scinde en deux : défenseurs et critiques de cette violence verbale.

- Il fait quarante degrés à Paris, et la mortalité des personnes âgées devient particulièrement inquiétante. Le collectif « Plus jamais ça » demande si « le confinement tue plus que le corona virus » et milite pour que l'enquête soit menée par un comité de soignants indépendants. Si possible étrangers, si possible allemands.

- Christophe Castaner et Didier Raoult considèrent comme « très constructive » la réunion qui s'est tenue ce matin au ministère de la santé au sujet de la production et de l'approvisionnement de la France en tests « grand public » relativement fiables et bon marché. Ils pensent que le problème réside maintenant dans les usages qui seront fait de ces tests sans valeur légale. C'est, selon eux, aux sciences sociales de s'emparer de la question, comme l'a recommandé le professeur Bruno Latour, présent à la réunion.

- La sortie du confinement pour le groupe N est annoncé pour demain. Sont concernés 250 000 personnes des zones rurales et des petites villes de l'ouest français, entre L'Aigle, Alençon, Laval et Chartres. Reportage dans un des villages concernés : le maire déclare qu'il est prêt, que ses administrés sont « de vrais  campagnards avec le sens de la discipline au fond des tripes, plus qu'en ville en tout cas », et que donc ça devrait bien se passer, sans débordements excessifs.

***

Ah ça c'est marrant.... c'est chez nous ça ! Pierrot quitte un instant le fil d'infos des yeux pour contempler le champ qui pousse en face de son bureau. Un champ qu'il a planté avec son collectif le 11 mai un tout petit peu en avance sur les saints de glace. Des cultures d'été, des cultures tropicales, la trilogie mexicaine des maïs-courges haricots. Derrière, l'orge a fini de blondir. Ça, ça avait été semé au tout début du confinement, le 18 mars. Tout le printemps avait été sec. L’arrêté préfectoral de sécheresse avait été publié lui aussi le 11 mai, date officielle du déconfinement. Son village de l'Orne a de bonnes réserves souterraine, L'eau n'est pas chère, ils ont pu arroser. Mais que feront-ils le jour où les tarifs augmenteront et que les flics vérifieront réellement ce qu'ils en font ? Ils sont sur un plateau argilo-calcaire où l'eau s'infiltre comme dans un morceau de sucre, et c’est maintenant le troisième été de canicule. Pierrot commence à regretter que le collectif ne se soit pas installé dans le vallon de la Cendrine, à trois cent mètres de là, là où la nappe affleure.

Pierrot n'a pas été déconfiné le 11 mai. Le collectif non plus. Le jour de la libération s'est depuis dilué en étapes, strates, cohortes, restrictions, interdictions... Et son village fait partie du groupe N. Ils doivent sortir demain. Hier il a vu passer trois ambulances en direction de l’église du minuscule patelin où il s'est installé voilà sept ans. Ce matin, en voici une quatrième, plus grosse. Curieux il quitte son bureau et descend vers la place. Les blouses blanches y montent une tente, déroulent un câble et vont se brancher directement dans le secrétariat de la mairie. Ils installent des barrières pour organiser les files d'attente. Pierrot remarque qu'ils ont aussi dressé un relais satellite. C'est vrai que ça capte mal au fond du vallon.  Il les mate un moment et s'en va.

La nuit dernière  il a vu passer le train de l'espace, sans doute pour la dixième fois en trois mois. Une giclée de satellites Starlink basse altitude qui foncent comme des bolides les uns derrière les autres comme s'il s'agissait d'une attaque extra-terrestre, des satellites qui promettent d'être un jour des milliers, des satellites qui brouillent les prises de vue des astronomes et désorientent les oiseaux migrateurs. Des satellites lancés à coup d'hydrogène liquide dans des fusées SpaceX affrétées par Elon Musk, un milliardaire et bienfaiteur de l'humanité « pour permettre l'accès à Internet au plus grand nombre partout sur la planète », et ceci « en raison de l'augmentation de la demande de bande passante pour les visioconférences et le visionnage vidéo », mais aussi « pour rendre le temps de réponse compatible avec le jeu et la finance en ligne ».

Ça fait deux semaines que Pierrot a entreposé son smartphone déchargé dans une boite en plomb. Demain, il ne se présentera pas à la tente. Il s'est auto-immunisé mais n'a pas envie de porter un brassard orange.

Pierrot aurait aimé que ce soit la peste plutôt que le corona. Il rêve d'une civilisation de pangolins prenant la relève de la race humaine.

***

- Ils nassent la place !

Le type qui crie  dans les oreilles de Thomas, est petit et chauve. il porte un gilet jaune couverts de stickers CGT et a le visage en sang. Au début c'est à peine si on l'entend à dix mètres, mais immédiatement la rumeur se répand et couvre les discours des orateurs.

- A chaque fois c'est pareil !

Grogne un autre Gilet Jaune. 

- à peine on a le temps de commencer à débattre du fond que l'urgence réapparaît !

 Immédiatement la discussion sur l'organisation de comités d’action est remplacée par des propositions contradictoires : barricader la mairie, publier un communiqué ? Publier le communiqué mais abandonner la mairie avant que la charge ne devienne meurtrière ? Mais qui écrit le communiqué ? Contacter les médias ? Non ! ne surtout pas contacter les médias ! Tout le monde sort son smartphone et filme comme des acharnés.

- Faut témoigner de ce que fait la police !

Mais la police n'est pas encore là. Alors quoi ? C'est l'urgence, mais personne ne sait quoi faire, et les flics progressent dans le hall d'entrée. On entend des cris, des explosions.

Thomas joue encore des coudes, se fait à nouveau insulter par des types collés à lui. S'il ne choppe pas le covid aujourd'hui, c'est à n'y rien comprendre. Il se rapproche enfin de la tribune où les intervenants sont maintenant plongés dans une vive discussion.

- Samira !

- Samira Benziane !

Elle n'entend pas.

Il se penche sur la tribune, et de sous la table, parvient à lui accrocher le bas du pantalon et tire. Elle  le remarque enfin.

- Samira Benziane, Madame Benziane, je suis Thomas, un copain de votre neveu, Abdelkrim.

Elle se penche vers Thomas, l'air étonné.

- Oui, et alors, c'est bien le moment ?

Il se colle à son oreille.

- Madame Benziane, il a renversé là, hier, il a renversé un flic, il faut le cacher.

***

Thomas veut quitter Paris, enfin quitter Pantin, Paris, l'île de France. En fait il voudrait quitter la France, l'Europe, la planète. Ça lui tape dans la tête. Non seulement le fait qu'il n'y ai pas d'échappatoire au Covid, nul part, mais aussi qu'il n'y ai pas d'échappatoire à la lutte contre le Covid. Nulle part aussi.

Il se dit depuis quelque temps que ça y est, que la planète est devenue un laboratoire, et qu’on y mène la première expérience d'échelle mondiale. Il se sent comme une souris coincé dans une cage avec 7,8 milliards d'autres souris angoissées. Il a lu quelque part que les poissons rouges n'ont pas plus d'une minute de mémoire et oublient avoir fait le tour de l'aquarium une fois celui-ci achevé. Comme les poissons rouges n’angoissent pas, il se dit qu’il aurait préféré en être un plutôt qu’une souris. L'avenir appartenait maintenant  aux simples d'esprit.

Son père, tant qu'il le croisait encore de loin en loin, généralement le matin dans la cuisine ou à la porte de la salle de bain, kiffait grave la situation. Les grenades de désencerclement, les LBD, les éborgnés, les mains arrachées, tout ça c'était maintenant autorisé. Les bourgeois comme lui s'étaient confinés, les pauvres avaient été confinés, enfin ceux dont on avait pas besoin. Les autres avaient été laissés au travail, à chopper le Covid et à amorcer la meilleure des immunisations collectives qui soit : celle qui se faisait par les pauvres. Et c'était Christophe Castaner qui avait été à la manœuvre.

Coincé deux mois dans un appartement de 250 mètres carrés du 16° arrondissement, où sa mère s'occupait de développement personnel et alimentait un blog sur le bien-être en confinement, Thomas avait suivi  les cours de Sciences Po délivrés dans le cadre du télé-enseignement. Au début ça l'avait rassuré de voir que les connections n'étaient pas mortes et que  les profs ne les avaient pas oublié. Etudier l'avait obligé à ne pas tourner en rond autour de ses angoisses.  Puis, très vite, il s'était étonné de voir à quel point ces enseignants  bossaient d'arrache-pied, fournissaient des contenus pédagogiques astucieux, contournaient les bugs des serveurs universitaires... il avait alors pris l'habitude de noter les horaires d'envoi des messages : 8h du matin, 23h, 5h du matin... Et puis ça avait  été 1h du matin, 3h du matin... Thomas ne compris plus si les enseignants écrivaient avant de se coucher ou en se réveillant au milieu d'une insomnie ou s'ils n'avaient simplement plus d'horaires du tout. Il les imagina errant dans des appartements beaucoup plus petits que le sien, décalant les horaires pour éviter leurs mômes, le téléphone collé à l'oreille, organisant des réunions zooms pour décider des modalités d'évaluation des étudiants.

Quand la direction de son diplôme exigea que l'examen relatif au cours de Bruno Latour se déroule à domicile, en simultané, en temps limité, camera allumée pour permettre la télésurveillance, se fut une certitude : l'institution universitaire dans son ensemble était devenue folle.

Les profs remplissaient leurs journées en se plongeant dans le travail. Comme des zombies errant dans les allées des supermarchés à la recherche de leur vie d'avant, ils faisaient tout comme si cette situation inédite ne l'était pas tant que ça, comme si finalement, on allait y arriver, faire une année normale, surveiller les étudiants pour qu'ils ne trichent pas, évaluer, et comble de la normalité : faire redoubler les mauvais.

Ça, c'était leur Graal. Faire le tri, virer les cancres. Il consulta alors un peu  les blogs d'universitaires : DiffParis1, Facs et Labos en lutte, Univ-Covid entraide. Et il hallucina. Tout tournait autour de la manière d'assurer une évaluation « juste ». Le mot « juste » signifiait ici une évaluation qui permette de faire le tri entre les bons et les mauvais, ceux qui travaillent et les autres. La tendance majoritaire était à éviter la validation automatique du semestre que réclamait paraît-il une « l'habituelle conjuration des médiocres » rassemblant syndicats étudiants et enseignants gauchistes « piliers de manifs et incapables de briller par leur production scientifique ».  Surtout il s'agissait, au-delà d’un verbiage bienséant ou haineux, de faire en sorte qu'un nombre contrôlé de bacheliers (donc, pas tous les candidats au bac) puissent tenir sur les bancs des universités. Il s'agissait de même de faire redoubler des L1 pour qu'ils n'encombrent pas les salles de TD réservées aux L2, pareil pour les L3 et ainsi de suite. Il s'agissait d'une gestion de grands nombres avec laquelle on ne rigolait pas. L'institution gérait ses souris de laboratoires en espérant qu'elles aient la mémoire des poissons rouges.

C'est là que Thomas commença à déserter l'espace numérique de travail de Sciences-po, à négliger Whatsapp et à s'abonner à des comptes Telegram cryptés ( tant qu'à se faire fliquer se disait-il, autant que ce soit par les Russes). Il y avait d'abord retrouvé des potes de classe issus des quotas prioritaires pris en ZEP. Notamment Abdelkrim Benziane, avec qui il échangea pas mal de commentaires acerbes sur l'inégalité d'accès aux cours en ligne car Abdelkrim habitait encore avec ses parents et trois de ses frères et sœurs dans un F4 à La Courneuve où régnait une guerre pour la connexion.

Mais sur Telegram, les conversations avaient vite dérivées sur des considérations politiques, et notamment le traitement policier du 93. Et c'est via Telegram, sur le fil d'info de  « La conjuration des médiocres », que, le 8 mai, Abdelkrim  avait annoncé la mort de son cousin Soufiane, tué par la police à l'âge de 5 ans. 

Ça avait été la goutte d’eau en trop. Dans un passé proche, et sans se flatter de ses ascendances généalogiques, Thomas avait déjà défilé contre la loi-travail puis avec les Gilets Jaunes. Abdelkrim se foutait alors un peu de sa gueule et se tenait soigneusement éloigné de ces gesticulations dangereuses. Lui de son côté, les violences policières, il les avait découvertes à l'âge de 8 ans et il regardait les manifs un peu comme un militant de gauche regarde les bourgeois emperlousés de la manif pour tous apprendre ce que c'est que de se prendre des coups.

Thomas avait donc déjà pas mal entrepris son père sur le sujet des bavures policières, mais ne s'était jamais pris que des réponses lapidaires sur la raison qui vient avec l'âge, sur la nécessité de faire faire le sale boulot par quelqu'un, sur les Gilets Jaunes qui n'étaient que des cassos, jouets d'une mécanique sans tête, sans revendications et apte seulement à tout bousiller.

Puis Thomas avait lui-même pris part aux cortèges de tête des opposants à la casse des retraites et s'était pris un éclat de grenade dans le mollet. Alors qu'un street médic lui faisait un bandage le long d'un mur, du côté du boulevard Diderot, une charge de CRS avait tout balayé, et quand il avait pu relever la tête du nuage de lacrymo, ça avait été pour voir que le street médic gisait inconscient à côté de lui, l'arcade ouverte.

Alors, le 8 mai, quand il avait parlé de Soufiane à son père pendant que ce dernier ajustait sa cravate, la conversation avait franchement dégénéré. Et depuis, Abdelkrim et lui n’avaient plus eu qu'une seule idée en tête : se barrer. Première étape, l'Orne, où une bande de potes avait monté un lieu collectif et semblait à peu près partant pour accueillir quelques transfuges de la grande ville, à condition de monter des quarantaines sous tentes à l'intérieur même de leur confinement.

C'est en allant chercher une voiture pour s'exfiltrer de Paris qu'Abdelkrim était tombé sur la BAC, le 13 juillet 2020, avenue du président Wilson, à Saint Denis, au-dessus de l'autoroute A1.

C'était hier.

Et le prudent Abdelkrim avait foncé dans le barrage, poursuivi par un drone.

***

- Monsieur Latour, vous avez écrit qu'il y a des productions qui pourraient éventuellement ne pas reprendre une fois la crise sanitaire passée. Plus exactement, des productions qui ne devraient surtout pas reprendre. Qu'en est-il de vos propres actions, avez-vous mis un frein à certaines consommations qui vous paraissent désormais superflues ?

- J'ai écrit cette tribune il y a trois mois, dans les premières semaines du confinement et vous n'imaginez pas la volée de bois vert que je me suis pris. A la fois par ceux qui ne jurent que par l'emploi, la mobilisation générale et la reprise économique, et à la fois par ceux pour qui ce genre de pensées fades passent directement pour de la mauvaise foi. Je l'ai bien cherché, et je crois que je méritais ces critiques.

- Une critique de vos pensées fades ? A qui faites-vous allusion ?

- Je pense aux groupes anti-industriels comme PMO à Grenoble, aux décroissants radicaux, aux héritiers de Bernard Charbonneau, de Jacques Ellul, et de manière plus générale à tout ce qui ramène à Günther Anders. Günther Anders était un philosophe qui parlait de la honte prométhéenne de l'homme. Pour lui les prouesses techniques de son époque, disons juste après la guerre de 40, faisaient honte. Chacun faisait semblant d'en être fier, mais chacun avait en fait intimement honte de n'être plus à la hauteur de ces merveilleuses créations. Le Covid de l'époque, c'était la bombe atomique qui promettait un hiver nucléaire apte à supprimer la race humaine. Le danger était certainement plus réel qu'aujourd'hui mais il y a trois mois, certains en doutaient.

- Oui, la bombe disait que l'homme avait créé les conditions de sa propre destruction... C’était effrayant.

- Pas seulement effrayant. Pour Anders, même en feignant d'en frémir, les humains admiraient et continuent d’admirer la bombe. Il suffit d'ailleurs de rajouter « française » ou « américaine » ou « chinoise » pour que l'admiration redevienne sensible chez les Français, les Américains ou les Chinois. Si demain il devait exister une bombe atomique bretonne ou basque, on peut parier que le FLB et ETA changeraient immédiatement de discours sur le nucléaire.

- Heu... On s'écarte non ? Vous voulez faire la pause, je coupe l'enregistreur ? On prend un café ?

- Ce que je veux dire c'est que Günther Anders a senti que sous cette admiration il y a la honte de soi, de son incapacité à gérer sa propre vie, puisque nos vies sont marquées du sceau de ce dépassement par la technique. Vous savez que les riverains des centrales nucléaires en France s'adressent à elles comme à des divinités ?

- vraiment, pas de café ?

- Il y a des gens dans le Cotentin qui croient que les routes traversant les marais de Catentan sont minées et que le gouvernement les fera sauter en cas d’accident nucléaire à Flamanville ou à La Hague.

- moi j’en prend un.

- Le centre d'enfouissement des déchets nucléaires à Bures, dans la Meuse, ça relève du même ordre d'idée. On sait que c'est pour l'éternité, on sait que c'est dangereux pour toujours ou presque, mais on appelle ça du « temporaire » et du « réversible ». On sait qu'on ment en le disant. L'entreprise qui gère ça s'appelle Cigéo, allez voir sur leur site, il y a des choses très surprenantes dès la page d'accueil. Ils disent que c'est temporaire, mais que, après sa fermeture, le site devra rester sûr, même s'il est oublié.  Ils se demandent s'il faut favoriser cet oubli pour que personne dans cinq mille ans ne vienne fouiner à la recherche d'un trésor caché. Vous savez, il y a en Finlande une énorme pierre dressée sur laquelle est gravé une rune.

-... il est où le sucre ?

- Une rune, l'écriture nordique...

- Oui, oui.

- Quand les épigraphes ont enfin réussi à déchiffrer la rune, que disait-elle ? Elle disait : « Ne retournez pas cette pierre ». Devinez ce qu'ont immédiatement fait les archéologues, excités comme des puces ?

- Ils l'ont retournée ?

- Oui, et savez-vous ce qu'ils ont trouvé dessous ?

- … Pas le sucre en tout cas.

- Rien. Ils n'ont absolument rien trouvé. Rien de visible, rien de sensible, de visible, de palpable.

- …

- Rien de sensible, un peu comme de la radioactivité, un peu comme un virus.

Jean Gardin

à suivre ... Prochain épisode sur le blog de MEDIAPART,

samedi 13 juin

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