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Billet de blog 7 juillet 2015

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Le printemps citoyen

Les professions de foi et autres programmes des candidats aux élections locales du printemps 2014 ont montré la volonté de nombreux futurs élus d’associer davantage les habitants à la préparation des futures décisions prises la commune. Il ne s’agit désormais plus de se contenter des commissions de quartiers et autres conseils. Il est aujourd’hui question que les citoyens s’emparent du processus de décision, pour en faire une sorte de gouvernance renouvelée.

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Les professions de foi et autres programmes des candidats aux élections locales du printemps 2014 ont montré la volonté de nombreux futurs élus d’associer davantage les habitants à la préparation des futures décisions prises la commune. Il ne s’agit désormais plus de se contenter des commissions de quartiers et autres conseils. Il est aujourd’hui question que les citoyens s’emparent du processus de décision, pour en faire une sorte de gouvernance renouvelée. La pénétration massive des moyens de communication fait des collectivités locales des utilisatrices massives des nouvelles technologies. Ces dernières appellent les citoyens à jouer un rôle plus important que celui de déléguer leurs compétences à la souveraineté nationale. Cela peut donc aller jusqu'à demander l’avis des citoyens par des référendums locaux et cela remet en selle la souveraineté populaire. Dans nos sociétés en perte de repères, il faut davantage demander l’avis du corps électoral pour redonner un véritable sens et une certaine espérance dans l’action publique, tant au niveau national que local.

Cet appel à la consultation locale n’est pas récent. Déjà, les dispositions de la loi du 5 avril 1884, dite grande loi municipale, permettaient à tout habitant ou contribuable de « demander communication sans déplacement et de prendre copie totale ou partielle des procès-verbaux du conseil municipal ». En ce temps-là, les citoyens ne participent pas vraiment à la décision locale. Cette dernière est d’ailleurs toute entre les mains du préfet, qui assure un contrôle a priori de tous les actes des communes. Les décisions locales sont placardées devant la porte d'entrée de chaque mairie. Pour les grandes occasions, le garde champêtre parcourt même la commune pour relayer les informations. C'est ainsi que la mobilisation de 1914 fut largement relayée par ce media. Nulle association donc à cette époque de l'usager, du citoyen ou de l'électeur au processus de décision. Ce dernier subit l'événement. Il est totalement passif, une fois passé le temps de l’élection.

La démocratie locale souffre aujourd’hui de la complexité de la mise en œuvre de l’action publique locale. En 1982, les objectifs de la décentralisation sont de supprimer les tutelles a priori par la libre administration des collectivités ; de donner aux collectivités locales les moyens de remplir les missions dévolues par l’autonomie financière et pouvoir rapprocher le citoyen de la décision via la démocratie de proximité. Force est de constater que les élus se sont emparés des libertés locales en exerçant de nombreuses compétences. Mais la question du rapprochement du citoyen de la prise de décision locale n’est pas aboutie ; loin s’en faut ! La difficulté aujourd'hui réside moins dans la prise de décision que dans l'acceptation de ladite décision publique. On ne prend bien sûr plus une décision comme au sortir de la guerre, alors que l'Etat était tout puissant, ou comme dans les années 1980, à l'heure de la décentralisation triomphante. Est à l'œuvre désormais le quarteron de la décentralisation. Le quarteron est composé de l'usager, du contribuable, de l'électeur et du citoyen. Le quarteron, c'est chacun d'entre nous en fonction de la journée et de nos intérêts. Pour ce qui est de la concertation et de consultation, il convient de rappeler que, depuis 1976 et 1983, les procédures ont été considérablement renforcées, dans un sens de plus grande concertation. Mais il est vrai que, parfois, ces procédures peuvent apparaître confisquées par certains groupes de pression.

Les  projets contestés tels que ceux du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (44) ou du barrage de Sivens (81) sont emblématiques parce qu'il contiennent les ingrédients d'une contestation de terrain, relayée et amplifiée par le niveau national, jusqu'à ce que cela devienne une question d'ordre public. Ainsi ce projet de barrage n'est pas sans rappeler l'aménagement du Larzac dans les années 1970 ou les manifestations liées au projet de centrale nucléaire de Plogoff (29) entre 1978 et 1981. Plus près de nous, il est quasiment certain que de nombreux projets de lignes ferroviaires à grande vitesse auront le plus grand mal à voir le jour, non par contestation mais simplement par absence de financement ! À plus de 25 millions d'euros le kilomètre, il est certain que les financeurs potentiels ne se bousculent plus...

La Constitution de la Cinquième République ne ressemble plus guère à celle votée par le peuple en 1958. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que l’on invoque souvent la nécessité de faire appel au peuple pour légiférer sur les grands sujets. En réalité, son recours effectif est particulièrement peu fréquent. Cela est regrettable et le Président de la République pourrait utiliser la procédure référendaire directe, en estimant qu’il s’agit de l’organisation des pouvoirs publics. Car à tout prendre, ne vaut-il pas mieux donner la parole au peuple avant qu’il ne s’en saisisse de lui-même, au terme d’une contestation larvée qui pourrait dégénérer en « poussée de fièvre hexagonale », pour reprendre l’expression de l’historien Michel Winock ? Soyons optimistes ! Avec cette réelle prise de conscience, l’acceptation de la participation réelle des citoyens permet aux administrés de redonner vie à la démocratie locale.

Jean-Luc Bœuf

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