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Billet de blog 20 août 2013

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2013 : Célébration du Centenaire de la naissance de Charlotte Delbo

 Charlotte Delbo, écrivaine, secrétaire de Louis Jouvet, résistante, déportée à Auschwitz-Birkenau par le convoi du 24 janvier 1943, n°31661. 

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Charlotte Delbo, écrivaine, secrétaire de Louis Jouvet, résistante, déportée à Auschwitz-Birkenau par le convoi du 24 janvier 1943, n°31661. 

1913 - 1985

"Je vous en supplie

faites quelques chose

apprenez un pas une danse

quelque chose qui vous justifie

qui vous donne le droit

d’être habillés de votre peau et de votre poil

apprenez à marcher et à rire

parce que ce serait trop bête à la fin

que tant soient morts

et que vous viviez

sans rien faire de votre vie "

Une connaissance inutile, éditions de Minuit

 Charlotte Delbo

Le centenaire de la naissance de Charlotte Delbo a été mis au nombre des commémorations nationales par le Haut Comité des Commémorations nationales

Cette page annonce les événements et manifestations initiés et soutenus par l'Association des Amis de Charlotte Delbo. Mais d'autres que nous ont des projets pour célébrer le centenaire Delbo. Vous les retrouverez ici. Ce calendrier a été mis à jour en février 2013. Il est susceptible de varier.

Site du Centenaire Charlotte Delbo : http://www.charlottedelbo.org/centenai

La résistance et la déportation au camp d'Auschwitz-Birkenau

En 1940, après l’arrivée des Allemands à Paris, les limites imposées à la troupe par les occupants deviennent insupportables à Jouvet. Il décide donc d’emmener la troupe en tournée, en Suisse d’abord, puis en Amérique latine. Charlotte accompagne la troupe mais lorsque le Patron décide de ne pas rentrer en France, en septembre 1941, elle refuse de le suivre et, seule, rentre en France où elle retrouve Georges Dudach, entré dans la clandestinité. Rattaché au réseau Politzer, il s’occupe notamment des aspects techniques de publication de la revue clandestine La pensée libre. Pour le compte du Comité National des Ecrivains qui donnera naissance aux Lettres Françaises, il est également le lien avec Louis Aragon et Elsa Triolet, réfugiés en zone libre. A son retour d’Amérique latine, Charlotte prend sa place dans le réseau. Elle est officiellement chargée de l’écoute de Radio Londres et Radio Moscou, de la dactylographie des tracts et revues. Actions qui lui vaudront, après la guerre, d'être homologuée adjudant-chef au titre de la résistance française.

Le 2 mars 1942, cinq policiers des brigades spéciales font irruption dans leur studio du 93 rue de la Faisanderie. Ils tombent dans un vaste coup de filet qui décapite le mouvement intellectuel clandestin du PCF. Avec eux sont arrêtés Georges et Maï Politzer, Danielle Casanova, Jacques Decour, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Marie-Elisa Nordmann et beaucoup d’autres.

Après interrogatoires, Georges et Charlotte sont transférés à la Santé.

Dudach est condamné à mort. Le 23 mai 1942, il est fusillé au Mont Valérien. Le matin de son exécution, Charlotte peut lui dire adieu.

Le 24 août, Charlotte est transférée au fort de Romainville. Le 20 janvier, 230 déportées politiques partent pour le camp de Compiègne où, le 23 janvier au matin, elles montent dans le train qui les emporte vers Auschwitz-Birkenau.

Biographie de Charlotte Delbo : http://www.charlottedelbo.org/biographie

Charlotte Delbo et son œuvre

Bibliographie : http://www.charlottedelbo.org/bibliographie

Asoociation "Les amis de Charlotte Delbo"

http://www.charlottedelbo.org/

Inlassablement, écrire, raconter, témoigner, transmettre, dire…

Nous savons que dans un futur proche, les rescapé(e)s, survivant(e)s des camps de concentration et d’extermination auront disparu.

Ces femmes et ces hommes ne seront plus là pour nous raconter, pour témoigner, pour nous dire l’inconcevable expérience qui fut la leur et celles de leurs compagnes et compagnons…

Inlassablement, pour que l’on sache et que l’on n’oublie pas, qu’on ne les oublie pas, il faut, il faudra qu’à leur tour les jeunes générations et les suivantes prennent le relais de leurs voix, de leurs paroles, en puisant dans les œuvres qu’ils nous auront laissé en héritage.

Ce passage de témoin, déjà entrepris, pourra ainsi perpétuer et maintenir au-delà de leur mémoire un état d’éveil aux menaces toujours présentes d’inhumanité.

Claude Alice Peyrottes

Il faudra dire la vérité, même aux mères

 « On trouve chez Charlotte Delbo comme chez tous les rescapés la même obsession : revenir pour raconter, et son corollaire : la peur de ne pas être entendu. (…)

 La plupart des survivants ont cherché, à leur retour, à démonter les mécanismes de la Shoah, ou à nous faire connaître ce que devinrent les femmes et les hommes déportés, ce qu’était un camp de déportation ou d’extermination. Charlotte Delbo, elle, suppose que nous sommes déjà informés. Son propos n’est donc pas de nous apprendre ce qu’elle croit que nous savons déjà, et c’est bien là son originalité. Elle nous fait sentir, voir, toucher, éprouver dans notre corps ce que signifient ces mots de tous les jours : faim, soif, peur, désespoir, courage, amitié, solidarité, etc. (…)

 L’œuvre de Charlotte Delbo est écrite pour être dite à voix haute et entendue. Le lecteur ou le spectateur que nous sommes et auquel elle s’adresse, même s’il ne peut pas tout comprendre, même s’il ne peut pas voir ce qu’elle a vu, est atteint dans son corps, touché au cœur par ces paroles.(…)

 Charlotte n’édulcore pas la réalité, n’enjolive rien, n’omet rien. (…) Elle nous donne à voir ce que ses yeux ont vu ; la réalité est nue, telle qu’elle l’a perçue. « Il faudra dire la vérité, même aux mères. » « C’est bien pour que la vérité se sache que nous voulons rentrer. Nous aurons eu la force de la vivre, pourquoi les autres n’auraient-ils pas la force de l’entendre ? disent les femmes de Qui rapportera ces paroles ? »

                                                                        Cécile Godard - Postface de Qui rapportera ces paroles ? de Charlotte Delbo (HB Editions, épuisé)

 *« Expliquer l’inexplicable » extrait d’un texte dans La mémoire et les jours de Charlotte Delbo (Edition Berg International)

« Cette façon d’écrire après Auschwitz est unique »

Annette Wieviorka

 http://www.charlottedelbo.org/wieviorka

Transmettre malgré tout par Anne Martine Parent : http://www.erudit.org/revue/pr/2009/v37/n2/038456ar.html

Texte intégral : http://www.erudit.org/revue/pr/2009/v37/n2/038456ar.pdf

Charlotte Delbo est déportée à Auschwitz le 24 janvier 1943 ; elle fait partie d’un convoi de deux cent trente femmes, dont quarante-neuf seulement reviendront. En 1946, Delbo écrit Aucun de nous ne reviendra, témoignage de son expérience concentrationnaire. Elle ne le publie toutefois qu'en1965 (chez Gonthier; il sera ensuite publié chez Minuit en 1970), et ce n’est qu’en 1970 et 1971 que paraîtront chez Minuit les deux autres livres formant avec ce premier la trilogie d’Auschwitz et après : Une connaissance inutile (1970b) et Mesure de nos jours (1971). À lire Aucun de nous ne reviendra, on peut imaginer les raisons qui ont poussé Delbo à attendre près de vingt ans avant de le publier. En effet, un des enjeux principaux du témoignage de Delbo estde montrer le fossé d’incompréhension qui sépare les rescapés des camps de ceux qui n’ont pas connu la déportation. Elle doute donc que ses lecteurs non déportés puissent la comprendre. Elle instaure ainsi avec ses lecteurs un rapport complexe et ambigu, elle leur lance plusieurs appels directs, mais aussi plusieurs défis. Elle en appelle aux non-déportés, les prend à témoin, mais doute qu’ils puissent répondre puisqu’ils sont sur «l’autre rive»

Extraits d'Aucun de nous ne reviendra de Charlotte Delbo :

"Rien n’entendait ces appels du bord de l’épouvante. Le monde s’arrêtait loin d’ici.

Le monde qui dit: «Il ferait bon de marcher».

Seules nos oreilles entendaient et nous n’étions déjà plus des vivants.

Nous attendions notre tour."

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"Les joues collent aux dents, la langue est dure, raide, les

mâchoires bloquées, et toujours cette impression d’être morte,

d’être morte et de le savoir. Et l’épouvante grandit dans les

yeux. Je sens grandir l’épouvante dans mes yeux jusqu’à la

démence. Tout sombre, tout échappe. La raison n’exerce plus

de contrôle. La soif. Est-ce que je respire? J’ai soif. Faut-il sortir pour l’appel?

Je me perds dans la foule, je ne sais où je vais. J’ai soif.

Fait-il plus froid ou moins froid, je ne le sens pas.

J’ai soif, soif à crier. Et le doigt que je passe sur mes

gencives éprouve le sec de ma bouche. Ma volonté s’effondre.

Reste une idée fixe : boire" 

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"J’avais soif depuis des jours et des jours, soif à en perdre la

raison, soif à ne plus pouvoir manger, parce que je n’avais pas

de salive dans la bouche, soif à ne plus pouvoir parler, parce

qu’on ne peut pas parler quand on n’a pas de salive dans la

bouche. Mes lèvres étaient déchirées, mes gencives gonflées, ma

langue un bout de bois. Mes gencives gonflées et ma langue

gonflée m’empêchaient de fermer la bouche, et je gardais la

bouche ouverte comme une égarée, avec, comme une égarée,

les pupilles dilatées, les yeux hagards. Du moins, c’est ce que

m’ont dit les autres, après. Elles croyaient que j’étais devenue

folle. Je n’entendais rien, je ne voyais rien. Elles croyaient

même que j’étais devenue aveugle. J’ai mis longtemps à leur

expliquer que je n’étais pas aveugle mais que je ne voyais rien.

Tous mes sens étaient abolis par la soif."

Vous qui savez

Ô vous qui savez

saviez vous que la faim fait briller les yeux et que la soif les ternit

Ô vous qui savez

saviez vous qu'on peut voir sa mère morte et rester sans larmes
Ô vous qui savez
saviez vous que le matin on veut mourir
et que le soir on a peur
Ô vous qui savez
saviez vous qu'un jour est plus qu'une année
une minute plus qu'une vie
Ô vous qui savez
saviez vous que les jambes sont plus vulnérables que les yeux
les nerfs plus durs que les os
le cœur plus solide que l'acier
Saviez vous que les pierres du chemin ne pleurent pas
qu'il n'y a qu'un mot pour l'épouvante
qu'un mot pour l'angoisse
Saviez que la souffrance n'a pas de limite
l'horreur pas de frontières
Le saviez vous
Vous qui savez


Charlotte Delbo

Charlotte Delbo, in. Aucun de nous ne reviendra, Editions Gonthier, 1965

Le théâtre dans les camps de concentration : http://www.regietheatrale.com/index/index/thematiques/theatre-et-camps-de-concentration.html

Livre : "Ces voix toujours présentes", anthologie de la poésie européenne concentrationnaire, éditée en 1995 par les presses universitaires de Reims et la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes. Cette anthologie a été publiée à l'occasion de la commémoration du cinquantième anniversaire des débarquements et de la la Libération de la France.

Anthologie présentée et préparée par Henri Pouzol. Né le 29 mai 1914 à Jarnac (Charente) et mort le 14 avril 2000, est un poète français.Ami de Pierre Boujut qui dirige alors la revue Reflets (laquelle deviendra Regain en 1938) et qui animera plus tard La Tour de feu. Il entre en résistance en 1942. Arrêté par la Gestapo en septembre 1942, il est interné à la prison de La Rochelle-Lafonc, transféré au Front-Stalag de Compiègne en novembre 1942 puis déporté à Oranienburg-Sachsenhausen le 23 janvier 1943 sous le matricule 58131, avant d'être transporté à Dachau en juillet 1944. Il sera délivré par les Alliés en avril 1945. Poète, il est l'auteur d'une douzaine d'ouvrages dont un essai sur La Poésie concentrationnaire publié en 1977 chez Pierre Seghers. En 1976, il voyage en Israël et en Europe de l'Est pour constituer une somme de poèmes écrits dans les camps nazis entre 1933 et 1945. Le résultat de ce travail est la publication de "Ces voix toujours présentes."

http://www.livre-rare-book.com/book/17104926/KXI-18103

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