La vasectomie est une méthode de stérilisation à visée contraceptive.
Cette opération se pratique de plus en plus dans l'Hexagone : en 2010, on comptait 1940 vasectomies réalisées. En 2022, le chiffre a explosé pour atteindre 30 288 opérations, soit une multiplication par 15, d'après l'ANSM et l'Assurance Maladie.
C'est un sujet de conversation que l'on entend plus fréquemment. En famille ou entre amis, la vasectomie n'est plus un sujet tabou. C'est le saint graal tant attendu pour les femmes : la fin de la charge contraceptive. Pilule, implant, dispositif intra-utérin : libérée, délivrée.
Encore considérée comme une perte de virilité dans de nombreux milieux, la vasectomie est tout de même de plus en plus acceptée dans la société française.
Il est vrai que la vasectomie comporte un très gros avantage : elle est beaucoup plus simple à réaliser qu'une stérilisation dite féminine. Deux petites incisions, une quinzaine de minutes d'intervention, parfaitement réalisable sous anesthésie locale, soins locaux légers, convalescence extrêmement courte : un vrai bonheur.
Alors les hommes, la plupart du temps en couple hétérosexuel de longue date et ayant déjà des enfants avec leur compagne, décident de prendre les choses en mains : tel de preux chevaliers sur leur fidèle destrier, ils viennent à notre secours, nous les pauvres femmes victimes de notre utérus fertile.
De nombreux articles de presse nous présentent ces hommes valeureux qui ont fait le choix de la vasectomie. Ils sont de bons compagnons, de bons époux : ils soutiennent leur femme. Grâce à eux et à leur courage incroyable, elles sont libres.
Alors, la liberté des femmes en couple et fertiles dépend elle du bon vouloir des hommes ?
A priori, oui.
Alors que le nombre de vasectomies explose, le chiffre de la stérilisation dite féminine, lui, a été divisé par deux entre 2013 et 2022. A première vue, on imagine que c'est intimement lié à l'augmentation des vasectomies : les hommes ont enfin pris la mesure de nos besoins, nous sommes écoutées, nous n'avons plus besoin de passer sur le billard.
Pourtant, il y a une réalité tout autre.
Lorsqu'un homme se présente chez son médecin afin de parler de vasectomie, il est écouté. Sa démarche est prise au sérieux, il est informé (méthode, anesthésie, risques, caractère définitif) et la démarche commence. Hormis quelques médecins réfractaires, il est assez facile en France d'accéder à la vasectomie.
Qu'en est-il de la ligature des trompes, méthode de stérilisation dite féminine la plus plébiscitée ?
Cette démarche est beaucoup plus difficile d'accès. Les femmes sont toujours considérées comme étant trop jeunes, n'ayant pas assez d'enfants, trop radicales, peu prises au sérieux et souvent dirigées vers une nouvelle pilule contraceptive parce que "vous ne l'avez pas essayée, celle-ci".
Sur Facebook, il existe plusieurs groupes de discussions autour de la stérilisation à visée contraceptive. Parfois, et même souvent, les femmes expriment leur désarroi : le gynécologue refuse, infantilise, tente d'effrayer la patiente. Pourtant, la loi est claire : toute personne majeure a droit d'accès à la stérilisation. Si le gynécologue ne souhaite pas pratiquer d'intervention, il devrait - normalement - envoyer sa patiente vers un confrère, et a minima l'informer sur les différentes méthodes. Ce n'est que trop rarement le cas. Sur ces réseaux, on en vient à s'échanger des noms de praticiens, quitte à faire des centaines voire des milliers de kilomètres, pour être prise en charge.
C'est à ce moment là qu'arrivent les hommes valeureux. Ils nous aident, nous sauvent, nous évitent un long parcours du combattant afin d'arriver au saint graal : la fin de notre fertilité, et une sexualité heureuse sans risque de grossesse, jusqu'à la ménopause.
Même s'il est évidemment une bonne chose que la vasectomie se démocratise, elle n'en reste pas moins problématique dans l'image qu'elle renvoie aux hommes. Et si, finalement, la vasectomie était une nouvelle forme de virilité ? Celle ou l'homme peut choisir de nous soulager -ou pas- de ce risque de grossesse ? La vasectomie n'est-elle pas une nouvelle forme de dépendance des femmes envers les hommes ?
Et si, plutôt que d'encourager nos compagnons à prendre cette charge contraceptive en mains, nous devions avoir accès aux mêmes droits ? L'information, le choix libre et éclairé, l'écoute, la prise en compte de nos souhaits et, surtout, le luxe de disposer de notre corps comme nous le souhaitons ?