Je reproduis ci-dessous quelques extraits de son entretien.
- Quelle guerre a commencé selon vous ?
E.B. << C’est bien d’une « guerre européenne » qu’il s’agit.
Et, à ce titre, il faut à tout prix éviter de « dresser un rideau de fer moral entre eux et nous », explique-t-il.
Cela suppose qu’on se donne une définition large de l’espace européen. Je pense à ce que Gorbatchev avait appelé la « maison commune ».
Il faut une définition ouverte de l’Europe, conformément à son histoire.
Il y a des racines encore plus anciennes, dans l’histoire de l’Empire russe et des autres empires européens, mais je crois en effet que ce qui arrive aujourd’hui vient pour une part essentielle de la grande division de l’Europe à la fin de la Première Guerre mondiale et après la révolution russe, suivie bien entendu du nazisme et de la guerre froide. >> …
<< La conclusion que j’en tire, pour proposer des perspectives, c’est que l’objectif doit être une recomposition de l’Europe, dans l’intérêt des Russes, des Ukrainiens et du nôtre, où la question des nations et des nationalités soit repensée de fond en comble.
Je crains terriblement l’escalade militaire, y compris nucléaire. C’est terrifiant et, visiblement, ce n’est pas exclu. >>
Proposer des perspectives satisfaisant les intérêts de tous (y compris ceux de l’agresseur Russe), voilà une parole de bon sens.
Comment imaginer une autre perspective … sinon la guerre jusqu’au bout ?
Mais c’est ensuite que les choses se gâtent dans l’entretien quand E.B. affirme :
E.B. << Mais le pacifisme n’est pas une option.
L’impératif immédiat, c’est d’aider les Ukrainiens à résister. Ne rejouons pas la « non-intervention ».
L’Union européenne est de toute façon déjà impliquée dans la guerre. Même si elle n’envoie pas de troupes, elle livre des armes – et je pense qu’elle a raison de le faire. C’est une forme d’intervention ...
Si l’on veut forcer Poutine à reculer, il faut que les coups portés soient forts….
L’impératif, je le répète, est d’abord de soutenir les Ukrainiens. Je ne veux donc pas ouvrir de porte de sortie à Poutine …>>
Ainsi, la position de E.B n’est-elle « pas anecdotiquement » anti-pacifiste : son objectif n’est plus la paix, son objectif est de faire reculer Poutine, par la force des coups, en lui fermant toute porte de sortie. qui permettrait d’éviter une guerre généralisée…
C’est une application de l’absurde théorie du maintien de l’ordre par le « nassage » des manifestants : on coincerait donc Poutine comme on a pu coincer des manifestants sur une place publique, en leur barrant toutes les issues qui leur permettraient une sortie apaisée…
Ainsi, quand E.B ne veut pas ouvrir de porte de sortie à Poutine, entre t’il en totale contradictoire avec sa position première qui consistait à proposer des perspectives dans l’intérêt des Russes, des Ukrainiens et du nôtre…
E.B. donc, authentiquement belliciste.
Ses propos font écho aux positions de quelques « leaders politiques » qui n’hésitent pas à convoquer JAURÈS à contre-sens, pour tenter de discréditer Mélenchon en falsifiant ses propositions résolument pacifistes.
« Par distraction » sans doute, E.B. aura zappé la précision cruciale apportée par Mélenchon dans ses discours :
<< pacifisme n’est pas neutralité >>.
Le pacifisme prôné par Mélenchon est un engagement actif POUR la PAIX qui implique de défendre avec acharnement des possibilités concrètes d’éviter un conflit généralisé, comme le formulait E.B. lui-même avant son trébuchement belliciste. C'est ainsi que Mélenchon martèle la nécessité d'ouvrir des perspectives de réunions non pas sous l'égide de l'OTAN mais de l'OSCE et de l'ONU, pour de nécessaires discussions sur les frontières de l’Europe, dans l’intérêt des Russes, des Ukrainiens et du nôtre …
Manifestement dans sa critique de Mélenchon, François Hollande aura lui aussi zappé ce détail crucial en la période…
Mais qu’importe. Il sait de quoi il parle quand il parle de président utile :
"Il faut avoir un président utile, pas simplement seulement un vote utile" … lui dont la présidence a été d’une "utilité" absolument incontestable quant à la destruction de « la gauche » socialo-libérale, pour la régression des droits des travailleurs, pour le marche-pied offert à Macron dans la mise à sac débridée de notre économie, de notre démocratie, de nos libertés …
Pour en finir avec E.B., on ne sait plus où donner de la tête … C'est ainsi qu'il cite et critique les propos de Noam CHOMSKY
CHOMSKY a dit qu’ << il fallait soutenir les Ukrainiens, mais en laissant à Poutine une porte de sortie, et qu’il ne fallait pas que ces sanctions économiques entraînent des réactions excessives de la part des Russes. >>
L’intelligence de la situation me semble bien résumée dans cette position de CHOMSKY pour résoudre ce conflit : en créant les conditions pour arrêter le bruit des bombes.