jeanpaulcoste (avatar)

jeanpaulcoste

Retraité

Abonné·e de Mediapart

41 Billets

0 Édition

Billet de blog 16 août 2017

jeanpaulcoste (avatar)

jeanpaulcoste

Retraité

Abonné·e de Mediapart

Insoumise et démocratique…

Nouveau défi pour La France Insoumise : réussir à structurer le mouvement, pour renforcer son efficacité et assurer sa pérennité, en respectant la diversité de ses membres et la variété de leurs attentes, en sortant par le haut d’oppositions et de représentations partidaires stériles… Par le haut, c'est-à-dire par le débat démocratique. Un vrai défi !

jeanpaulcoste (avatar)

jeanpaulcoste

Retraité

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

De la folie à la rigueur…

J’aurais volontiers écrit un billet sur « l’éloge de la folie » pour combattre un dogmatisme et un fanatisme hyper-rationnalisateur-moralisateur contemporains.
Pas de chance… Erasme s’en est magistralement chargé, depuis longtemps (en 1511) !

L’idée m’est alors venue, curieusement, de prendre le contre-pied en évoquant « un éloge de la rigueur »…
Pas de chance, décidément… Angela Merkel occupe le créneau, depuis longtemps,
( http://allemagne.blog.lemonde.fr/2014/09/10/merkel-appelle-leurope-a-plus-de-rigueur/ )
allant jusqu’à proclamer qu’en terme de rigueur « l’Allemagne est un exemple à suivre ».
Alors là, c’est trop !

Je vais donc, dans un premier temps, régler son compte à cette usurpation du terme de rigueur, car usurpation il y a dans ses usages et mésusages à contre-sens.
Pour ensuite en venir à mon propos principal qui vise à explorer quelques critiques (plus ou moins rigoureuses) formulées au nom des principes démocratiques à l’encontre de La France Insoumise (LFI), en pointant quelques difficultés spécifiques pour tenter d’en sortir par le haut.

L’usurpation

L’usurpation repose d’abord sur une absence de rigueur intellectuelle qui se traduit par une banale confusion entre domaines différents, hétérogènes et, corrélativement, par une confusion entre des règles (ou logiques) spécifiques à chacun de ces domaines.
Je précise : la rigueur comptable (arithmétique) est évidemment nécessaire, elle exige de ne pas confondre les crédits et les débits, les entrées et les sorties, les dépenses de fonctionnement et celles d’investissement... etc… Cette rigueur là est une vertu politique quand elle interdit la confusion entre ses comptes personnels et ceux de son mouvement politique ! Un.e insoumis.e qui ferait preuve d'une telle confusion, d'une telle absence de rigueur, devrait être mis.e à l'écart du mouvement !!!
Mais la rigueur budgétaire ne saurait se confondre à cette rigueur comptable.
Car l’élaboration d’un budget rigoureux est un exercice prévisionnel, fondé sur des choix politiques : quels types d’investissements privilégier, pourquoi investir dans tel contexte, dans tel domaine particulier plutôt que dans tel autre, pourquoi développer les énergies renouvelables plutôt que prolonger la gabegie de l’EPR… Mais aussi quels type d’organisation économique et sociale privilégier : laisser libre cours à la concurrence et au marché, dans tous les domaines, ou défendre le principe de régulations, de services publics, de biens communs non marchandisables…etc….

Alors qu’il faut revendiquer une véritable « rigueur budgétaire » qui consiste à identifier clairement la nature des recettes et des dépenses projetées dans un budget prévisionnel et à évaluer précisément l’impact (immédiat et à long terme) de chacun des choix politiques effectués, on nous vend la « rigueur budgétaire » sous une forme dégradée, comme une soumission stupide à la rigueur comptable qui interdirait, par exemple, le recours à un déficit en vue de réaliser des investissements d’avenir.
Et donc comme une forme explicite de démission du politique… puisqu’il n’y aurait pas d’autre choix possible.

L’usurpation réside donc essentiellement dans ce glissement de sens : au nom de « cette » prétendue « rigueur », il n’y aurait pas d’autre choix politique possible que celui d’un néo-libéralisme à la Merkel.
Cette prétendue rigueur est pure folie, folie destructrice… un type de folie dont je ne ferai pas l’éloge !!!

Dès lors, une question : comment est-il possible que « des intelligents » soient à ce point aveuglés par leurs représentations, au point d’en perdre la raison, question analysée magistralement par Jacques Généreux, dans son ouvrage « LA DÉCONNOMIE. Quand l’empire de la bêtise surpasse celui de l’argent. »

Il convient de noter que la question posée n’est pas celle du « pourquoi » qui attendrait une réponse « parce que », forcément réductrice. Mai!s celle du « comment », qui attend l’explication d’un processus et de rationalités pouvant induire un tel résultat.
J’évoque cette question parce qu’elle déborde largement le champ de l’économie…

Au premier plan, d’abord, la question de l’information.

Sur quelque sujet que ce soit, la situation réelle n’est généralement pas celle d’une absence d’information ; le problème est plutôt celui de la quantité considérable de relais d’informations (journaux, sites internet, blogs, pages Facebook, associations…) qui reproduisent en boucle des informations piquées quelque part, sans aucune procédure de vérification ni de validation.
Dès lors, l’information circule, se propage, se distord dans sa propagation, a d’autant plus de chance d’être prise pour la vérité que le nombre de relais est important et que des associations d’usagers, de riverains… s’en saisissent, comme si le mécanisme de reproduction était un gage d’authenticité.

Mais le plus souvent, le processus de « validation subjective » d’une information n’est pas une simple aberration, ce serait trop simple ! L’information comporte le plus souvent « une part de vérité » qui a le pouvoir fallacieux d’objectiver une « pseudo-validation »…
Un exemple : on sait qu’une exposition « prolongée » à des rayonnements électromagnétiques d’une certaine fréquence et d’une certaine intensité présente un risque « potentiel » . Sur cette base avérée pourront être menées des campagnes contre les lignes HT, contre l’installation d’éoliennes, contre les compteurs LINKY, contre les antennes relais… Seront alors produits, annoncés et diffusés des résultats (présentés comme scientifiques) attestant du bien fondé du « combat » contre ceci ou cela… même si les conditions réelles sont très différentes des conditions dans lesquelles un risque serait envisageable (pas de risque par exemple si l’on est à plus de 300 mètres d’une ligne HT !)…
Quelques histoires sont entrées dans les annales, comme ces antennes-relais installées à Saint-Cloud qui avaient « provoqué » des tas de troubles physiologiques chez les riverains… alors qu’elles n’étaient pas encore en service.
https://www.generation-nt.com/orange-antenne-relais-saint-cloud-radiofrequences-sante-mobile-actualite-269721.html
Ou comme le fameux compteur LINKY dont le rayonnement serait potentiellement cancérigène, eu égard à de sérieux travaux de recherche sur la question… alors que lesdits travaux supposent une norme d’exposition d’environ 7 heures par jour, que ledit compteur n’émet que quelques minutes par jour, avec une intensité qui se situe à un niveau entre 150 et 300 fois inférieurs aux normes en questions…
http://www.ouest-france.fr/sante/linky-le-rayonnement-magnetique-serait-bel-et-bien-tres-faible-4518196
En réalité, cette information journalistique est assez imprécise... Quand on lit le rapport technique final de la CONVENTION RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT ANSES - CSTB - on découvre une conclusion assez différente qui devrait clore définitivement le débat à ce niveau :

<<… Toutes configurations de mesure confondues, à 20 cm du câble le niveau maximum de champ magnétique mesuré en laboratoire est environ 15000 fois inférieur à la valeur limite d’exposition …>>
<<…Toutes configurations de mesure in situ confondues, le niveau maximum de champ magnétique mesuré est environ 6000 fois inférieur à la valeur limite d’exposition…>>

Bref, on comprend le processus : des informations, même sans fondement, peuvent s’inscrire dans un système structuré de représentation qui lui donne un sens, à titre individuel… et constituera dès lors une opinion : une opinion individuelle solide, structurée, mais sans fondement !
Après tout, on a bien le droit d’avoir l’opinion qu’on veut, sur quelque sujet que ce soit. Mais pas lorsqu’il s’agit de construire une politique, de construire un mouvement politique, il y faut plus de rigueur que cela et ne pas se contenter de simples opinions, même si elles peuvent donner « l’impression » de sonner juste…

D’une manière générale, a contrario, on peut remarquer que le mouvement de La France Insoumise (LFI) a su élaborer des propositions programmatiques avec une rigueur notable, faisant appel à des militants connaissant bien les sujets dont ils avaient la charge.
Mais maintenant, comment poursuivre, comment améliorer ce processus, de façon à corriger certaines erreurs éventuelles ou affiner les propositions dans certains domaines cruciaux…
Il est important de s’appuyer sur des études techniques, réalisées par des spécialistes d’un domaine sans pour autant perdre un point de vue politique, critique à leur égard.
Je pense par exemple au scénario NEGAWATT dont on a pu s’inspirer mais qui est, sur certains points, critiquable : notamment, il est vraisemblable que la part d’énergie produite par biomasse dans le scénario NEGAWATT soit clairement exagérée. On le voit concrètement sur l’exemple de l’usine de biomasse de Gardanne (13) dont le fonctionnement relève de ce qu’on a pu appeler une « biomascarade » qui n’a rien d’écologique (importation de quantités considérables de bois, destruction de forêt…etc…).
Plus généralement, sur quels critères définir les questions qui devront être remises ou non en chantier ?
A n’en pas douter, certains souhaiteraient remettre sur la table la question du revenu inconditionnel, d’autres, celle de la propriété des moyens de production, du contrôle de l’économie… etc… Comment décider, où placer la ligne de démarcation entre la partie intangible du programme et ses possibles évolutions ?
La structure du mouvement LFI devra satisfaire, pour progresser, une exigence de débats argumentés tout en fixant des règles de prises de décisions…

Se pose aussi la question des « représentations » de la politique…

Quelles conceptions de la politique animent les insoumis.es ? Le mouvement LFI est-il constitué de militants prêts à investir du temps et de l’énergie pour faire vivre une forme de démocratie directe ? sous quelles formes militantes ? Ou plutôt de sympathisants qui adhèrent à l’idée de « représentants politiques » élus pour faire le boulot… qui approuvent globalement et de loin les orientations de LFI, tout en souhaitent se tenir à distance (une distance éventuellement critique)…
Vraisemblablement, LFI n’est pas un mouvement homogène et sa structure devra permettre d’intégrer cette hétérogénéité, accepter des niveaux d’implication différents, voire occasionnels.
Mais dans ces conditions, comment assurer la pérennité des décisions et des moyens d’action ? comment éviter que la structure du mouvement (y compris sa structure locale) ne reproduise une hiérarchie entre ceux qui savent et qui s’impliquent… et les autres ?

Des distorsions entre différents positionnements politiques…

Voilà un problème majeur qu’on ne peut pas occulter.
Certain.e.s insoumis.es proviennent de différents partis ou mouvements politiques et le mouvement LFI est riche de cette diversité : Parti Communiste, Ensemble!, Parti de Gauche et quelques autres affiliations (partidaires ou pas)... Ils sont, à leur façon, représentants de l’histoire et des implications de leur parti ou de leur groupe. Certain.e.s n’ont pas coupé « le cordon » qui les relie à leur groupe et ne sont pas prêts à le faire, et c’est leur droit. Certain.e.s défendent dans le mouvement LFI des positions opposées à celles du mouvement, positions qu’ils ont concrétisé par des initiatives politiques en opposition à LFI … tout en se réclamant de LFI, ce qui n’est pas admissible…
D’autres (essentiellement les membres du PG) ont théorisé l’idée de dissoudre leur propre parti dans le mouvement LFI, au profit du mouvement LFI… position d’autant plus facile à tenir que ce mouvement s’est (au départ) constitué sur la base de militants et de représentants du PG, y compris via son fondateur Jean-Luc Mélenchon.
D’autres enfin, peut-être les plus nombreux, ont appartenu à un parti mais ont rompu le lien ou n’ont jamais voulu adhérer à une quelconque organisation structurée… pour des raisons variées qu’il conviendrait d’approfondir très sérieusement.
Le rejet d’une structuration en partis politiques pour « faire de la politique autrement » et la critique des partis politiques « traditionnels » ne sont pas exempts de toute critique… La structuration en partis politiques (et en syndicats) peut, sous certaines conditions, constituer un élément absolument fondamental dans la vie démocratique du pays.
Chacun devra donc faire cet effort auto-critique, consistant à analyser ses propres résistances pour aller à l’essentiel : la non-reproduction des défauts avérés de certains partis, de certaines associations, de certains mouvements… en réalité de tous ces groupements… dans la mesure où ils ont ceci en commun : de regrouper des êtres humains réels, imparfaits, capables parfois du pire pour peu que les circonstances les y portent, mais aussi capables de se transformer eux-mêmes en transformant les rapports avec le monde dans lequel ils vivent.

Tel est le contexte dans lequel on peut comprendre certaines accusations de « sectarisme » proférées à l’encontre de la structure nationale de LFI .
Le fait, par exemple, de demander aux candidat.e.s aux législatives sous l’étiquette LFI de signer une charte a parfois été taxée de sectarisme. De quoi s’agissait-il donc ? cette charte comportait essentiellement deux volets : un engagement anti-corruption, un engagement programmatique.
Et à l’issue du vote où LFI a « fait le plein » de voix, le mouvement a parfois été traité d’hégémonisme…
Au fond, la question que pose la constitution et la croissance d’un mouvement tel que LFI est aussi (et surtout) celle des résistances à ce mouvement…
Ne parlons pas des calculs foireux qui ont conduit certains à parier sur l’émergence d’un « candidat commun » à l’issu d’une primaire de « la gauche »… ce serait faire preuve de cruauté.
Ne parlons pas non plus de ces tentatives de récupération et de ré-écriture d’une histoire engagée depuis la constitution du mouvement LFI, sur lequel ont vomi bon nombre de commentateurs (et militants) politiques, entonnant le thème éculé de « l’homme providentiel qui crée son propre mouvement », sans avoir compris que le mouvement en question s’auto-constituait largement sur la base d’engagements personnels, imprévisibles, autonomes, volontaires… sur la base d’une analyse et d’un projet politiques partagés.
Comment ne pas admettre cette évidence que, de ce fait, la résistance, l’opposition, le dénigrement du mouvement se transmutait en auto-exclusion…
Comment imaginer qu’il aurait été possible, sous couvert de « rassemblement », de brader un programme et des engagements longuement mâturés et argumentés, ayant recueilli 500.000 soutiens et 7 millions de voix ? Comment ne pas reconnaître qu’exiger qu’il en soit autrement revenait à exiger une démission et un renoncement politiques, sur un motif électoraliste, comment ne pas voir qu’il n’y avait pas d’issue politique honorable autre que celle, courageuse et rigoureuse, adoptée par LFI…
Mais cette démarche (la seule politiquement cohérente de mon point de vue) se heurta à des calculs contraires, de la part de candidat.e.s aux législatives qui n’étaient pas prêts à s’engager (c’est leur droit) sur le programme de LFI... après avoir fait mine de soutenir le candidat Mélenchon. Et ils-elles devaient alors choisir !!!

Avec quelques exceptions à la règle…

A ce niveau, ce qui pose un autre problème est que la règle générale ait connu quelques exceptions notables… (que l’on peut comprendre et admettre, car on n’est pas sectaire !).
La question concerne précisément celles et ceux qui ont souhaité (ou exigé ?) pour eux-mêmes une « situation d’exception » : être candidat.e sans avoir à signer la charte.
Au nom de quel individualisme ou de quelle volonté d’affirmation personnelle ou partidaire devrait-on défendre l’idée qu’un point de vue, personnel, doive à tout prix prévaloir dans une stratégie de groupe ? au point de garder le droit individuel à défendre une position contraire à celle du mouvement dans lequel se présente une candidature, sur la base du programme et des engagements de ce mouvement… ?
On pourrait donc être candidat.e de LFI et défendre la poursuite du nucléaire, promouvoir un revenu universel inconditionnel, s’opposer à la stratégie européenne plan A / plan B…
Quelle confusion, quel manque de rigueur politique… dans l’espoir piteux de grappiller quelques sièges supplémentaires !

Plus largement, ce débat débouche inévitablement sur la volonté affichée par certain.e.s, que chaque insoumis.e pourrait défendre localement des positions contraires à celles du mouvement LFI… tout en se réclamant bien sûr de ce mouvement. Cette étrange conception s’est développée, localement (notamment via la création d’associations d’insoumis.es), sous couvert justement de « démocratie locale » contre « des décisions venant d’en haut ». Cette conception a été parfois soutenue en toute honnêteté par des insoumis.es qui n’avaient pas décodé la situation, parce qu’ils n’avaient pas les clefs pour interpréter cette tentative de « phagocytage » du mouvement et de détournement de LFI au profit de positions particulières définies ailleurs…
On ne peut pas ignorer cette difficulté. Il s’agira de trouver l’articulation entre le mouvement des insoumis.es et le niveau national de LFI pour éviter un risque évident d’éclatement.

Une structuration autour des tâches.

Au risque d’enfoncer une porte ouverte, on pourra conclure à la nécessité d’une structuration du mouvement LFI : autour de ses parlementaires élus qui ont fait la démonstration de leurs belles qualités ; autour de l'équipe nationale qui a mené campagne sans relâche mais peut-être en prévoyant à terme le principe de son renouvellement partiel (par tiers, par exemple, selon des modalités à discuter) pour préparer l'avenir dans la continuité ; autour des groupes d'appui, bien sûr, en organisant leur contribution tout en évitant les "phagocytages" partidaires de la part de prétendus « insoumis » revendiquant leur opposition aux « directives nationales ».

Mais aussi sur la base des différentes tâches qui incombent au mouvement : promouvoir les droits des citoyens et contribuer à leur défense contre les attaques du système néo-libéral, promouvoir le programme politique et les idées de LFI, sous toutes ses formes, assurer la formation des militants, assurer le débat d’idées en progressant dans l’analyse politique et les proposition de LFI, assurer un fonctionnement démocratique à l’image de la société que nous voulons construire. En bref, qu’on le veuille ou non : des tâches qui incombent traditionnellement à un parti politique démocratique « de gauche »… (qui pourrait mettre en débat et revendiquer l'éco-socialisme !).

J’ajoute (après coup) un mot à ce propos : pour que La France Insoumise puisse s’affirmer comme un mouvement politique démocratique, capable de proposer des orientations débattues par ses « adhérents » et de mettre ces orientations en débat dans la société… il me semble nécessaire que soit précisée la qualité  d’ « adhérent à LFI ». De façon ouverte, en incluant tous ceux qui adhèrent à son orientation politique actuelle, qui participent aux actions menées en cohérence avec son programme… Mais en rejetant fermement toute tentative de phagocytage mal intentionné (comme on a pu en voir à l’occasion de la campagne législative).
Bien évidemment, n’importe qui doit pouvoir défendre publiquement n’importe qu’elle idée… mais à titre strictement personnel, mais pas au nom de LFI, pas en impliquant l’ « insoumission » ou l’ « Avenir en commun » : c’est une simple question de clarté et d’honnêteté politique.
Il me semble donc nécessaire de définir la « qualité d’adhérent » par l’adhésion explicite et l’engagement au respect d’une charte politique. Cette qualité serait validée au niveau national et les adhérents pourraient se regrouper au niveau local, toujours sur cette même base.
L’initiative locale serait ainsi garantie en cohérence avec les choix politiques validés nationalement. Des initiatives sortant du champ politique défini à un instant donné seraient possibles dans le cadre « insoumis » sous réserve d’avoir obtenu l’aval explicite du niveau national. Ou bien elles devraient se faire hors ce cadre, en précisant bien leur caractère marginal… sachant qu’il peut être utile aussi de préserver une « marge » qui se définit comme telle.

Voilà pour le principe général. Si l'on est d'accord sur ce principe, il ne devrait pas être trop difficile de s'accorder sur la structuration des relations entre le niveau national et les groupes locaux, en évitant les "travers" de certains partis ou associations.

Je me suis permis de publier ces quelques réflexions, à titre strictement personnel, comme contribution à un débat sur la structuration du mouvement de LFI.
Cette contribution n’est pas « secrète » car la volonté de démocratie s’accommode mal du secret. Elle n’engage que moi et aura forcément des détracteurs : c’est ce qui caractérise un débat démocratique.

___________________________________________________

Suite du billet précédent, le 6 novembre 2017

___________________________________________________

Une première synthèse des contributions sur les principes de La France Insoumise est maintenant publiée (voir le lien). Une synthèse nécessairement subjective, qui fait le tri entre diverses propositions et fixe le cap : on peut dire maintenant que La France Insoumise est un mouvement humaniste, ouvert et populaire, réseau, tourné vers l’action, utile tout de suite, collectif, bienveillant et inclusif, polycentrique, qui se prépare à gouverner, culturel, évolutif…
Qualités essentielles qui devraient faire consensus bien au delà du cercle des insoumis.
Mais le mouvement de LFI ne revendique pas le qualificatif de démocratique, ce qui semble cohérent avec certaines positions exprimées par JLM que je cite en vrac :
« La France insoumise est un mouvement, pas un parti. Son but n'est pas d'être démocratique mais collectif… Le parti, c'est l'outil de classe. Le mouvement c'est la forme organisée du peuple. Et pour le reste, le mouvement ne fait que des campagnes… Le mouvement n’est ni vertical, ni horizontal, il est gazeux… J'ai une foi totale dans la capacité auto-organisatrice de notre peuple. ».

Dans cette pensée, la vertu auto-organisatrice semble cruciale. Mais elle ne coule pas de source et les conditions de l’auto-organisation ne sont pas évidentes… Exemple récent, on aurait pu espérer que la confiscation de la démocratie par Macron et sa loi travail XXL soient le catalyseur d’un mouvement populaire de masse… 1 million de personnes sur les Champs Elysées.
Et bien non !

Quand JLM dit que le mouvement est gazeux, la métaphore me semble juste, au delà même de ce qu’il exprime lui-même… En effet, dans un gaz, il y a une agitation permanente des atomes et molécules, qui partent dans toutes les directions, entrent en collision entre elles et avec les parois. Plus ça chauffe, plus l’agitation est importante, plus les molécules et atomes ont de chance de se rencontrer. Les molécules et atomes n’ont pas une place attitrée et échangent en permanence de l’énergie entre elles. Jusque là tout va bien…
Mais ce mouvement n’est qu’une « agitation thermique », il n’a pas de direction privilégiée, il est désordonné, n’a pas de structure. Il est vrai qu’il existe aussi des situations très spéciales où des mouvements désordonnés peuvent produire des structures ordonnées. On sait très bien déterminer ces conditions (de création d'ordre à partir du désordre) lorsqu’il s’agit de phénomènes physiques.

Voir par exemple cette vidéo montrant une structuration en Cellules de Rayleigh Bénard...

Mais qu’en est-il des mouvements sociaux ?

Quelles sont les conditions pour que le peuple s’auto-organise dans un mouvement, dans le mouvement LFI ?
On n’a pas de recette mais quelques pistes, celles très justement évoquées plus haut et qui pourraient faire consensus au delà du cercle des insoumis…
A ceci près que l’une des conditions nécessaires pour qu’un mouvement s’ancre dans les esprits, me semble t’il, pourrait être que les esprits de chacun soient subjectivement et objectivement convoqués, que chacun puisse non seulement comprendre les situations mais aussi participer à l’élaboration de propositions, par des décisions prises selon des « règles démocratiques » claires, avec des contraintes acceptées.
C’est à ce niveau qu’une structure stable présente un intérêt : le solide plutôt que le gaz, la décision collective assurée dans une structure démocratique plutôt que le chacun comme il veut, « justifié » par l’exercice d’une prétendue démocratie locale ou d’une prétendue autonomie dans laquelle risque de se perdre la vision collective de l’intérêt commun.

Un mouvement n’est pas auto-justificateur.
Peut-on approuver, assumer sans réserve n’importe quel mouvement de quelque nature qu’il soit : mouvements nationalistes, mouvement contre la vaccination, contre le principe d’enfouissement des déchets nucléaires, contre les éoliennes …???…
Selon la tradition démocratique, on dirait par exemple que le mouvement doit poursuivre un objectif politique de libération, visant l’égalité des citoyens… Qu’il doit exclure la constitution de tendances destructrices (comme on a pu le voir dans beaucoup de partis politiques). Qu’il doit exclure aussi que, sous couvert d’autonomie, chacun se croit habilité à prendre n’importe quelle initiative pouvant même aller à l’encontre de l’orientation du mouvement.

L’insoumission que nous revendiquons est une réponse à la situation de soumission des citoyens face à leur oppression. On sait bien que cette situation d’oppression personnelle n’est pas très favorable à l’exercice de la démocratie, pour trouver les meilleures réponses politiques possibles basées sur une vision commune de l’intérêt général.
Peut-on le redouter au point de ne pas reconnaître aux citoyens le droit d’exprimer leurs choix ?
Mais alors, pour les mêmes raisons, comment seraient possibles une prise de conscience émancipatrice et une mise en action d’un mouvement auto-organisateur ?

Il y a une réponse possible, me semble t’il, sous l’hypothèse que l’exercice de la démocratie n’est pas l’obstacle mais la condition.
La campagne présidentielle en a fait la démonstration : faire le pari d’une intelligence collective permet d’engager un processus d’explication et de formation politiques qui est à la base de l’exercice de la démocratie et qui devrait permettre aux citoyens de se mettre en action.
Je ne vois, pour l’heure, aucune justification pour changer de stratégie et pour écarter un débat d’orientation politique fondé sur des prises de décisions démocratiques. Il serait dangereux, pour sa cohésion, que le mouvement LFI redoute d’expérimenter en interne un exercice de la démocratie qu’il considère comme fondamental pour la société, alors qu’il prône, entre autres, la mise en oeuvre d’une assemblée constituante où c’est le peuple souverain qui définit les nouvelles règles.
Je veux bien admettre, provisoirement, que nous n’en sommes que dans une phase préparatoire…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.