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Billet de blog 25 décembre 2022

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L'AFFAIRE QUATENNENS...

J’hésite à reprendre encore le clavier, parce que je me suis déjà exprimé sur ce sujet… et que tout (ou presque) a déjà été dit !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Partant du principe que le débat reste l’une des méthodes pour tenter de clarifier les points de vue, sachant que je respecte les auteures  Emmanuelle Johsua, Ingrid Hayes  du papier qu'elles ont co-écrit : L’affaire Adrien Quatennens et ses leçons,  je vais malgré tout me soumettre à l’exercice de la critique, en reprenant quelques uns des arguments développés par les auteures (que je citerai << entre guillemets et en italique >>).


<<... le lendemain même, le député prenait la parole pour « donner son point de vue. » A notre sens il eut été préférable qu’Adrien Quatennens comme tant d’autres suive un stage avant, tant il apparaît évident qu’il n’a pas compris où était le problème. >>

Je n'ai pas d'opinion définitive concernant ces stages. De ce que j'en ai lu, certains s'apparenteraient à une entreprise lucrative, un peu sur le mode des stages pour récupérer des points du permis de conduire … et ne seraient pas à la hauteur des exigences. Il me semblerait donc nécessaire de réaliser des suivis sérieux de ces stages et de les évaluer. Mais ce n'est pas le sujet principal.

Les deux auteures se positionnant, dans leur texte, comme organisatrices potentielles d'un tel stage, nous suivrons leurs recommandations.

Elles explicitent leur désaccord en forme de jugement (disons... dédaigneux) :

<< Voilà ce qu’il aurait pu entendre s’il avait daigné suivre un stage...>>

Se pose donc concrètement la question du statut d'un tel stage.

Comment les organisatrices le conçoivent-elles : stage de formation ? de prise de conscience ? de réprimande ? de renouvellement de la condamnation ? de ré-insertion sociale ?

Il est clair qu'ici, la tonalité n'est pas celle d'une écoute psychanalytiquement neutre … mais plutôt de donneuses de leçons militantes.

C'est une option à débattre, qui ne va pas de soi.

Elles expliquent alors :

<< Sans doute aurions nous commencé par une mise au point... Une des sources d’incompréhension dans le débat en cours, tient nous semble-t-il à la confusion entre le champ judiciaire et les règles qui s’y appliquent, et le champ politique qui est celui sur lequel nous nous situons.. >>

Cette affirmation est politiquement ambivalente, car elle pourrait sous-entendre l'idée que le champ politique serait habilité à s'abstraire du champ judiciaire et des règles qui s'y appliquent.

Il n'y a aucune confusion : le champ politique n'est pas au-dessus des lois (dont il participe à la rédaction et au vote).

Même si le doute est levé par cet argument :

<< Rappelons surtout que le terrain sur lequel nous nous plaçons est différent. Une organisation politique ne rend pas la justice, elle n’en a ni les compétences ni les moyens. >>

cet argument perd malheureusement de sa force par la revendication politique d'un respect sélectif des principes :

<< Elle se pose la question du respect de ses principes, de la protection des militantes et des femmes victimes de militants. >>

De fait, l'analyse omet de poser la nécessité d'une institution judiciaire qui se doive de protéger toutes et tous, citoyennes et citoyens, victimes et agresseurs ou agresseuses.

Toutes et tous.

On est donc en droit de se questionner sur des principes politiques qui s'opposeraient de fait à l'application universelle du droit … même si ce droit est imparfait (et doit en permanence être amélioré).

Ensuite est posée cette question :

<< Est-ce qu’un homme condamné à 4 mois de prison avec sursis pour violences conjugales peut prétendre représenter un mouvement politique attaché aux principes féministes ? Non, un délai est indispensable >>

LFI a fait un choix. Sans délai, Adrien Quatennens s'est vu retirée sa fonction de représentant de LFI. Puis, après le jugement et après de nombreux débats internes, un délai de quatre mois a été fixé pour qu'il puisse à nouveau représenter le mouvement ... Même si ce délai est un peu arbitraire, c'est tant mieux que ces débats n'aient pas donné lieu à un déballage public.

Pourquoi donc re-poser cette question ?

La réponse est contenue dans la définition de ce que les auteures définissent comme « principes féministes ». Avec leur définition, un délai est indispensable (la cause est entendue) ... mais un délai qui devrait renforcer la condamnation ... jusqu'à son exclusion définitive de LFI comme certain-e-s l'ont revendiqué ?

Telle est bien la question : au nom de quel « principe supérieur à la justice » y aurait-il lieu de prononcer la mise à mort symbolique d'un élu ayant été jugé (après avoir reconnu et regretté une faute), au risque d'une instrumentalisation par des considérations politiques sans aucun rapport ou à l'opposé de la cause féministe ?

Il est question ensuite d'un

<<...écart grandissant entre d’une part des militantes féministes et des jeunes militant.es, qui ont intégré dans leur réflexion et leur pratique politique la question de l’oppression spécifique des femmes et d’autre part tout une série de militant.es, de cadres, de représentant.es, jeunes et moins jeunes, femmes et hommes, qui ont ajouté la revendication féministe à leur catalogue, sans en comprendre les fondements, faute de s’y être suffisamment intéressé.es....>>

C'est une accusation grave …

Mais quel est son fondement, sa valeur de vérité ?

D'où sort ce jugement vis à vis de jeunes, de moins jeunes (et de beaucoup moins jeunes... pour ce qui me concerne), qui auraient ajouté une revendication féministe à leur catalogue ?

Ce jugement résonne comme un pré-jugé qui vise à disqualifier des opinions opposées pour couper court au débat, sans s'intéresser aux arguments : c'est donc un mauvais signal !

On a même vu une déclaration de quelques membres du « discord insoumis » se déclarant « en grêve » de militantisme … formule inquiétante quant à la conception d'un tel militantisme !

La suite du texte précise le contenu du stage.

<< Le privé est politique ... Ce que nous disons par-là, c’est que l’oppression est un système complexe, fort présent dans les relations de couple. >>

Très bien... mais précisément, cette complexité constitutive des relations humaines, assujetties à un imaginaire qui structure les représentations sociales, devrait interdire formellement de prendre argument sur la majorité des cas comme élément de condamnation d'un cas spécifique.

Ça, c'est une grave erreur !

Pour reprendre l'exemple cité, montrer les déterminations systémiques de la violence de « la » police est nécessaire pour condamner politiquement le système

Mais ça ne vaut pas condamnation des policiers violents voire meurtriers : ils doivent être entendus ainsi que les responsables politiques et les donneurs d'ordre, et ils doivent être condamnés en tant que tels, pour leurs actes, pour leur responsabilité personnelle dans leur assujettissement éventuel à leur hiérarchie.

Mais pas pour le système policier proprement dit.

<< Parole, silence et lynchage médiatique. >>

D'où sort ce mauvais procès, selon lequel :

<< Adrien Quatennens accuse son ex-épouse de l’avoir jeté en pâture en exposant sa vie privée. >>

Adrien Quatennens (ou son avocate) a dénoncé des accusations mensongères de sa femme, mais ne lui a pas reproché à elle d'avoir jeté en pâture sa vie privée.

Par contre, Adrien Quatennens a subi pendant plusieurs mois un lynchage médiatique d'une rare violence. Ce n'est pas une opinion, c'est un fait incontestable.

Devant un tel déferlement de haines diverses (exprimées par ses ennemis politiques mais pas que...) << Il fait donc le choix de ne pas se taire >>.

C'est vrai.

Mais qui peut oser lui reprocher d'être sorti du silence pour se défendre ?

Qui peut se croire habilité à lui faire un tel procès, au nom de quoi ?

<< Quand la victime est méthodiquement dévalorisée >>

Ce scénario est de pure invention.

La parole de la victime a été écoutée, avec bienveillance semblerait-il, et le jugement rendu a été généralement salué.

En droit (sauf dans la CRPC), l'accusé est présumé innocent tant qu'il n'a pas été jugé.

Cependant, dans l'approche politique qui est défendue par les auteures, il devient présumé coupable au nom << des principes, de la protection des militantes et des femmes victimes de militants. >>

Ça n'est pas acceptable.

<< Quand le coupable devient victime.>>

<< Au regard des deux prises de parole d’Adrien Quatennens, il semblerait que son ex-femme lui faisait une vie horrible.>>

C'est une interprétation déloyale. Il est vrai que Quatennens a évoqué des difficultés de couple. Mais il est clair que dans un système de pensée qui a pour but de désigner UN coupable, toute contextualisation des difficultés est caricaturée en victimisation. C'est l'une des raisons qui doit bannir toute pratique de substitution de la justice par n'importe quel groupe d'individus. Tout le monde y perd : l'accusé, la victime et la cause qui doit être défendue.

<< Qu’est ce qui n’est pas compréhensible dans l’envie de se séparer ? >>

Drôle de question ...

Il serait bon que les organisatrices de stage ait une pratique approfondie des relations de couple et de leur écoute. Elles découvriraient alors la réponse à leur question.

Et elles découvriraient peut-être les raisons pour lesquelles une femme a bien le droit de vouloir se séparer alors qu'elles ne reconnaissent pas forcément ce même droit à un homme en situation symétrique, accusé d'abandon et autres lâchetés machistes quand il souhaite se séparer. À voir cet autre homme politique harcelé et traqué par des ex-compagnes dont l'une déclarait publiquement qu'elle aurait sa peau.

<< Faire du féminisme une question politique à part entière reste un enjeu et une priorité.>>

Tout à fait d'accord, mais pas comme ça … Pas au prix d'un déni de réalité qui enferme un peu plus les femmes dans un rôle de victime sans leur donner les moyens de se sortir de ce rôle institué, sans considérer la complexité des situations réelles et des enfermements dans les rôles qui s'instituent.

« Faute avouée est à moitié pardonnée »

Une féministe devrait être capable de reconnaître la part d'honnêteté et de courage intellectuel qui consiste à reconnaître publiquement une faute, avant même qu'elle n'ait été publiquement énoncée.

Car tel a bien été le cas … à tel point que certain-e-s ont reproché à Adrien Quatennens d'avoir commis une erreur de communication en avouant la gifle donnée !

De fait, cette formule des auteures :

<< En quoi dire « j’ai fait ce dont on m’accuse » atténue ce que l’on a fait ? >>

est une distorsion de la réalité qui nuit à la crédibilité de leur propos..

C'est dommage.

La << remise en cause profonde de règles qui s’imposaient tacitement jusqu’alors >> n'a d'intérêt que si elle permet de faire mieux, d'avancer vers une libération de toutes et tous.

La réflexion sur un tel sujet exige la plus grande rigueur pour bannir toute régression du droit et dépasser les possibles réflexes d'exclusions genrées.

Je termine par ce résumé de « Le capitalisme patriarcal » de Silvia Federici

« La lutte contre le sexisme n’exige pas tant l’égalité de salaire entre hommes et femmes, ni même la fin de préjugés ou d’une discrimination, mais la réappropriation collective des moyens de la reproduction sociale, des lieux de vie aux lieux de consommation – ce qui dessine l’horizon d’un communisme de type nouveau. »

Cet énoncé est discutable, car cette réappropriation collective passe aussi par la lutte contre toutes les discriminations … Mais ce débat doit être ouvert !

Par contre, j'ai tendance à penser que celles et ceux qui profitent du trouble de cette situation pour engager un combat de type clanique (contre la gifle) sont politiquement très mal inspiré-e-s.

Le combat contre le capitalisme patriarcal ne s'arrête pas là !

jeanpaulcoste@free.fr

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