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Billet de blog 8 octobre 2008

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Lobbying politique et politique professionnelle

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Lettre ouverte à Mathilde Matthieu.

chère Mathilde.

Vous avez fait paraître une série de trois articles entre le 30 septembre et le 3 octobre, sur le lobbying à l'assemblée nationale, les deux premiers s'intitulant "les lobbyistes du médicament à l'assaut de l'Assemblée nationale", le troisième avec un titre un peu différent le "du médicament" ayant disparu , bien que , dans le contenu, il ne soit fait référence, dans le troisième comme dans les deux premiers, qu'à l'industrie pharmaceutique.

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Vous savez qu'en exerçant à Médiapart, vous inaugurez une nouvelle forme de journalisme qui risque d'être très difficile à maîtriser, mais qui n'en est que plus passionnante, se caractérisant, entre autres choses, par le fait que les lecteurs peuvent vous répondre et contester votre travail, et non seulement vos lecteurs le feront-ils, mais aussi le cas échéant, vos informateurs pourront le faire, rectifiant les déformations qu'à leur point de vue vous auriez pu apporter à leur propos.

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C'est au titre de lecteur, bien sûr, que je veux intervenir. Bien sûr aussi, je vous reconnais le droit de concevoir vos articles comme vous l'entendez et de choisir telle ou telle orientation. Par exemple, un angle d'approche, l'industrie pharmaceutique, et une conclusion : la situation est sous contrôle. Mais vous m'accorderez, en revanche, le droit d'avoir un autre point de vue et vous me pardonnerez sans doute si,l' exprimant j'en vienne à critiquer, peut-être un peu durement vos propres options.

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Parmi le petit nombre de commentaires qui ont salué votre troisième article, je note celui de Sergeh qui disait qu'il suffisait de remplacer dans votre papier les termes de lobby, lobbying, lobbyistes, par corruption, corrupteurs, corrompu pour en obtenir "une lecture effrayante". Ce sont, justement, des termes que vous avez soigneusement évité, permettant de faire de ces trois articles "une lecture rassurante".

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Quant à Robby barbe, il disait "hallucinant d'apprendre que des lobbyistes se promènent dans l'Assemblée nationale comme dans un moulin, grâce à des badges qu'ils ont obtenu auprès d'élus complaisants qui les font passer pour leurs collaborateurs".

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Ce à quoi je répondais que les lobbyistes ne se promènent pas à l'Assemblée nationale comme dans un moulin, mais comme chez eux et je répétais ce que j'avais dit dans un commentaire du premier article de la série, à savoir que votre choix de traiter le lobbying sous le seul angle de l'industrie pharmaceutique était une façon de cacher le problème, en prétendant le révéler.

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Le lobbying est, en effet, la face cachée de l'Assemblée nationale. Du moins, il l'est devenu.

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En effet, comme dit Robby barbe, il se passe des choses "hallucinantes", parmi lesquelles la rémunération de certains assistants parlementaires par les lobbies- ce que vous signalez - n'est des éléments parmi de nombreux autres - ce que vous ne développez pas -. Cependant, le pire reproche que je dois faire à votre article, chère Mathilde, est sa conclusion. Vous faites allusion à un projet de loi en cours - le projet de Marc Le Fur, (il y en a d'ailleurs un autre, celui de Jean-Paul Charié) qui viserait à réglementer l'état de choses et que vous qualifiez de "progrès indéniable". Ce sur quoi se termine votre article. Par conséquent, après l'état des lieux que vous dressez, parfaitement édulcoré, vous prétendez que quelques dérives ayant été observées, on est en train d'y porter remède. "Circulez ! Il y avait quelque chose à voir, mais il n'y a plus...."

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C'est exactement ainsi que l'on chloroforme l'opinion. Il est vrai que toute critique du fonctionnement de l'Assemblée nationale (et du Sénat) se voit immédiatement balayée, évacuée, par les fabricants de l'opinion formatée, par l'argument du "tous pourris". La moindre critique du système est amalgamée à la critique populiste que l'on a résumée par cette expression "tous pourris". Pour ce qui me concerne, j'assumerai volontiers d'être assimilé à cette forme de critique, si je pensais que les députés sont, effectivement, tous pourris. Malheureusement, ce n'est pas le cas, je pense seulement qu'ils sont tous suspects.

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L'accusation fatale du "Tous pourris" (qui n'a d'autre but que d'invalider toute critique sans avoir à l'examiner) est, évidemment, le sort qui a été réservé au livre que vous avez qualifié dans l'onglet "Prolonger" de livre-référence, à savoir Députés sous influences" d'Hélène Constanty et Vincent Nouzille, que donc vous connaissez mais que vous avez choisi de traiter par l'ignorance, une fois que vous l'avez mentionné. Sans doute ne vouliez-vous pas qu'à votre tour on vous porte la même accusation.

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Contrairement à vous, j'ai l'intention d'utiliser ce livre dans les messages à venir. Je signale, au passage, qu'Hélène Constanty est une journaliste qui travaille à AgoraVox.com et que Vincent Nouzille, ancien grand reporter à l'Express et à l'Expansion, jusqu'à une date récente travaillait à Backchich.info. "Il est hallucinant d'apprendre..." écrivait donc Robby barbe, en commentaire de votre 3ème article qui, cependant, ne nous avait à peu près rien appris. C'est évidemment Députés sous influences (sous-titre: le vrai pouvoir des lobbies à l'Assemblée" que je recommande de lire si l'on veut connaître la réalité, hallucinante ou non. Il se trouve que l'introduction de ce livre s'intitule "il se passe des choses bizarrres à l'Assemblée nationale et se termine par cette phrase : "il se passe vraiment des choses étranges à l'Assemblée nationale et personne ne semble vouloir les regarder en face" (page 18). Je ne sais pas si le terme adéquat est bizarre, étrange ou hallucinant... (J'aurais, personnellement, une légère préférence pour scandaleux). En revanche, je sais qu'il est parfaitement vrai que personne ne veut regarder les choses en face. Ce qui est toujours la caractéristique pour cette question et pour tant d'autres d'une opinion formatée et chloroformée.

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On formate pour chloroformer. On chlorforme pour que bien des choses demeurent ignorées.

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Je suis certain que tous ceux (peu nombreux) qui ont écrit des commentaires à vos trois articles ne savent rien de la réalité du lobbying,pas plus après qu'avant, sinon ils écriraient autre chose que ce qu'ils écrivent. Je le sais d'autant mieux que j'étais dans ce cas, bien qu'ayant écrit en 2007 un opuscule sur le détournement de la fonction de réprésentant du peuple (4 propositions simples pour améliorer la démocratie grandement). J'ignorais à peu près tout du lobbying avant d'avoir lu le livre d'Hélène Constanty et Vincent Nouzille. J'ai d'ailleurs appris d'autres petites choses intéressant l'Assemblée nationale, grâce à Médiapart, notamment sur la transmission héréditaire de certains sièges de députés , ainsi que sur le métier d'Assistant parlementaire. Je les intègrerai d'ailleurs dans une prochaine édition de "4 propositions simples pour améliorer la démocratie grandement".

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C'est parce que je considère que Médiapart est, ou peut être, une entreprise de déformatage de l'opinion que j'y suis abonné et que je prends la liberté, Mathilde, d'être un peu dur avec votre travail. J'aurai volontiers considéré que, malgré ses insuffisances, il allait dans la bonne direction, si vous n'aviez pas eu cette regrettable conclusion, disant que grâce à la loi qui se prépare, tout allait rentrer dans l'ordre. Dans le commentaire que j'ai fait de ce troisième article, j'ai immédiatement dit qu'au contraire, il me semblait voir dans ce projet et rapports préalables des "manoeuvres pour officialiser ce qui est un véritable scandale, c'est-à-dire le mélange de la politique et des affaires, la confusion systématisée entre les intérêts particuliers et l'intérêt général".

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Je me rends compte que mon blabla est très long; pourtant, moi non plus, je n'ai rencore rien dit sur le lobbying. Bien que m'estimant informé par l'ouvrage de Constanty et Nouzille, ce n'est pas la seule source disponible et je ne les rejoins pas entièrement. J'y reviendrai donc plus tard. Pour conclure aujourd'hui, permettez-moi de résumer les reproches que je fais à votre article :

- Braquant le projecteur sur l'industrie pharmaceutique, il cache ainsi que c'est l'ensemble du monde des affaires qui est concerné (et aussi, pour une part, le monde de l'idéologie).

- Il omet de dire que le Sénat n'est pas moins concerné que l'Assemblée nationale. Demain, ce seront les collectivités locales.

- Il ne montre pas le caractère évolutif du phénomène : le lobbying n'a pas toujours existé et ne demeurera certainement pas sous la forme actuelle.

- Il oublie de dire que le lobbying est explicement interdit par le règlement de l'Assemblée nationale; ce qui ne l'a pas empêché de se développer, et cela, forcément, d'une manière particulièrement perverse, à laquelle je doute que la loi qui se prépare mette un terme.

- Il ne dit à peu près rien du lobbying lui-même, la façon dont il est organisé, la façon dont il agit.

- Il ne dit pas que le lobbying politique (autorisez-moi ce pléonasme volontaire) va de pair avec le professionnalisme politique et qu'ils sont l'un au l'autre, exactement au même titre, totalement incompatibles avec les principes de base de la démocratie.

- Il conclut (à tort, selon moi) que la solution est en vue.

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Donc nous y reviendrons. Merci de votre attention et de votre patience.

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jean-paul yves le goff

démocrate utopiste

républicain réaliste

http://www.lelivrelibre.net

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