La "doxa" est le nom que l'on donnaît à l'opinion publique dans la Grèce classique. Sur l'opinion publique, j'ai écrit pas mal de choses dans les débuts de Médiapart, disant qu'elle était formatée.
Il y avait eu plusieurs séries sur ce thème, et des variantes, avec la parenté entre l'opinion publique et la fille du même nom.
http://blogs.mediapart.fr/blog/jeanpaulyveslegoff/120908/l-opinion-publique-est-formatee-2
Bref. La doxa, pour Platon, c'était la vérité apparente, celle que tout le monde croit, opposée à l'opinion vraie, garantie par le savoir (philosophique, en l'occurrence, qui était l'épistémè.
Aujourd'hui, à propos d'opinion publique, on parle souvent de "pensée unique".
Je pense que l'expression de "pensée unique", tout en renvoyant à une certaine réalité, n'est pas juste. La pensée est diverse, en France. Il faudrait plutôt que parler de pensée unique, parler de pensée commune, de pensée conforme ou de pensée autorisée.
A quoi est-elle conforme, cette pensée autorisée ? Elle est conforme à des normes généralement non dites et au sujet desquelles on ne s'interroge ni sur leur origine ni sur leur légitimité.
Or, ces normes acceptent, de fait, une certaine diversité. Cette diversité offre un choix à ceux qui veulent, dans le marais de l'opinion publique, se faire leur opinion personnelle. Ce choix donne une impression de liberté.
Le problème est que cette doxa, cette opinion diverse, commune, et conforme, exclut un certains nombre de positions, un certain nombre de différences qui, de fait, sont interdites.
Ces opinions non autorisées ne sont pas, à proprement parler, interdites. L'interdiction leur donnerait une certaine forme d'existence. La stratégie de la doxa est beaucoup plus subtile, et beaucoup plus efficace.
Elle consiste à refuser aux opinions non-conformes la possibilité de s'exprimer, ou - dans le meilleur des cas, elle permet une expression, donc une existence, quasi-clandestine.
jpylg
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