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Billet de blog 18 février 2025

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Philosophie et christianisme depuis les origines (3)

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LA BIBLE ET PLATON. LE PHILONISME.

Philon puise dans renseignement des écoles grecqpcfç et vante la science supérieure de sa nation déposée dan^ les codes sacrés, daps la tradition des docteurs de la loi, dans celle de la kabbale, dans celle des thérapeutes et des esséniens, sectes ascétiques du judaïsme grec et du judaïsme palestinien. Il met au-dessus de tout sa pensée personnelle, considérée comme lumière naturelle, intuition du divin ou révélation descendue de Dieu en son esprit. Il fait l’éloge de la philosophie, mais à cette source éfémentaire il préfère de beaucoup la science sacrée de sa nation, qui commence à la Genèse et dont la fin n'est pas marquée. Puis au-dessus de la science il place hardiment l’illumination personnelle, parlant toujours comme un oracle, un prophète, ne doutant jamais et jetant sur les diverses branches de la philosophie des idées qui sont nouvelles, les unes pour la Judée, les autres pour la 

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Grèce^ le tout dans une terminologie empruntée aux deux. Ainsi se trouve exposée, dans ses œuvres, une théologie (jui dit avec les écoles grecques, que Dieu est une substance simple 3 non composée [Phil. 0pp. III, 185.], et ajoute avec les écoles juives non-seulement que Dieu est plus ancien que le monde, mais qu'il en est le démiurge comme disent les écoles gnostiques ou orientales. Philon enseigne donc, contre la Grèce, L’antériorité du Créateur sur la matière, et dénie à celle-ci la coéternité , en même temps qu'il enseigne contre la Judée la création par une sorte de démiurge. Non-seulement il établit la différence entre Dieu et les idées, mais il expose, si^ les rapports de Dieu avec le monde, des théories qui ont dû surprendre les Grecs d'Athènes encore plus que ceux d'Alexandrie; Dieu est le père dA monde, dit-il. Sa féconde sagesse a enfanté un fils chéri et unique, le monde qui a deux parties, l'ime intellectuelle, l'autre matérielle. Le premier monde est le type, l'idée des idées, la parole de Dieu , sa pensée, ce « logos »qui joue dans le philonisme un rôle si immense. Du moins, il a les attributions les plus étendues, il est « endiathetos »ou « prophoricos », en Dieu ou détaché de Dieu. Le deuxième monde, le matériel, est la copie du monde intellectuel, non pas de Dieu, mais du « logos » . Il est moins parfait que le premier, mais encore un type pour d'autres, car la copie est faite par le ^oyoç lui-même, l'organe de la création. En effet, le monde inférieur réfléchit le monde supérieur, ce lieu divin , ce saint espace rempli de paroles incorporelles, d'âmes immortelles , d'idées ou de types qui donnent leur forme aux choses^ par l'intervention d'un médiateur.

En vertu de ce principe emprunté à Platon, Philon jette de brillantes théories sur la psychologie de sa nation, science d'une si austère réserve. Il admet des âmes types, intelhgences célestes, distinctes des âmes humaines. Celles-ci ne sont pas nées de paroles incorpo-

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relies au contraire, Dieu a soufflé dans nos narines l'esprit ou l’âme, qui n'est pas faite à l’image de Dieu, car notre intelligence seule est faite à cette image, semblable au logos, et par lui semblable à Dieu. L'intelligence, descendue dans le corps, mais tenant au monde des idées, remontera vers sa patrie, tandis que la partie sensible et matérielle de l’homme n'a été créée ni par Dieu, ni par le logos, mais par les « polo » sur lesquels Philon ne s'explique que vaguement. Par eux , et par l'usage que l'homme fait de sa liberté, il est accessible au mal, qui estr restreint  à la région terrestre [III, 192.], et dont on peut s'affranchir, en fortifiant en soi l'image divine qui est appelée à la région supérieure au moyen de la sagesse terrestre, image de la sagesse céleste ou de la science des choses divines et humaines avecrteurs causes. La sagesse humaine a quelque chose de très inférieur, mais de très nécessaire dans la condition terrestre, où la vertu est composée de ces trois choses : l'instruction, la force innée dans l'homme, et l'ascétisme ou la mortification de la chair. En effet, chacun doit tuer le frère de l'esprit pour arriver à l' « apatheia ». La  « metriopatheia » ne suffit pas, car l'àme ne grandit qu'aux dépens du corps et l'intelligence gu'aux dépens de l'âme [III, p. 195.].

Philon jette aussi dans. la philosophie grecque, à côté de ses théories sur la création, des doctrines non moins nouvelles pour les Grecs, sur la providence spéciale, sur l'ascétisme, sur l'esprit de dévouement absolu de l'homme à Dieu et son union mystique avec lui. Mais s’ilveut plaire aux Grecs et leur donner une haute idée de sa religion, ce qu'il veut à la fois élever et enrichir, c'est sa religion, c'est-à-dire le judaïsme tel qu'il le conçoit. Et non-seulement il l'enrichit et l'élève , mais il le spiritualise de manière à en faire toute autre chose qu'il n'était au moment où le christianisme le spiritualisa à son tour pour en faire aussi une chose nouvelle. On a tiré

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grand fait deux conclusions. Tune vraie, l'autre fausse. La fausse, la voici.

S^il a été possible au Juif le plus éminent d' Alexandrie de spirituailiser le judaïsme au moyen de la philosophie grecque de manière à produire un enseignement aussi pur que le philonisme, il a dû être possible, au Juif Iç plus éminent de la Judée , de produire au moyen de la philosophie orientale un enseignement aussi pur que le christianisme. 

 La deuxième conclusion, la vraie, est celle-ci.

, Philon est venu providentiellement préparer le judaïsme à la grande révolution chrétienne, et la philosophie grecque à une théologie et à une morale nouvelles. 

(…)

Philon a-t-il. rempli sa mission tout entière? Jusqu'à quel poipt at-t-il agi sur la génération contemporaine de Jé^us-Christ^ pu sur celle des Apôtres, sur les Juifs et sur les Grecs? Quelle a été son action immédiate?. A cet égard, on a fort peu de données précises; mais on sait qu'il y eut en son temps une excitation religieuse et polémique très vive à Alexandrie, et que lui-même fut envoyé à Rome po]ir y soutenir la cause du judaïsme auprès de l'empereur. Or, s'il n'a pas fait pendant son ambassade

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à Rome^ ce qu'y avait fait un ambassadeur grec aux jours de Càtôia; sHl n'y à pas enseigné comme Càrnéades, du moins il n'a pas dû cacher sa pensée, tl Ta certainement manifestée aux Juifs: On sait qu'il retourna en Egypte, mais on ignote s'il eut une école, s'il fonda un enseignement et s'il vit le succès de ses écrite. Plus tard, ces derniers ont agi très puissamment; et si lèiir auteur n'eut pas de disciple^, il eut du liidins de nombreux imitateurs.' Son oeuvre fût continuée , sous iih autre point de vue, par Josèplie,'dahs V Histoire du Judaïsme, et grand en fut l'effet dans tou^ les' pays où se trouvaient des Juifs grecs, nous <eri verrons la preuve dans les écrits philosophiques du christianisme primitif.

Ces écrits', pour le langage, sont dirigés et inspirés par ceux de Philon.

À suivre : 

LA SPÉCULATION GRÉCO-JTJDAÏQUE JOINTE A LA SPÉCULATION ORIENTALE. LA KABBALE.

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