Pourriture,il fallait bien en convenir,il n'y avait pas d'autre mot : pourriture.Le processus avait commençé depuis déjà fort longtemps mais,c'était un sujet qu'on osait pas trop aborder.Délicat pour des narines raffinées,touchant un bien commun,fort ancien,presque sacré.Processus dont on ignorait exactement la teneur,les limites,l'étendue,les implications comme les imbrications.Bref,on sentait ( c'était le cas de le dire ) un problème,on le reniflait: une odeur douce et sucrée finalement pas si désagréable à certains odorats et du reste beaucoup s'y habituèrent.D'autres,plus délicats,se tournèrent vers les larges plages d'air pur qui existaient encore,d'autres encore,tentèrent d'expliquer que,seul un ou peut-être a la rigueur extrême quelques fruits étaient touchés,pas de catastrophisme ,il suffisait d'attendre ,d'être vigilant pourque celà cesse.
Cela durait,durait donc mais le temps de la récolte approchait et l'on devait malheureusement constater que les fruits jadis de teinte appétissante ,d'aspect ferme et lisse,prenaient dans cette lueur mordorée de Printemps précoce des teintes livides et brunâtres,des tâches granuleuses,des peaux ridées et froissées qui n'auguraient rien de bon.Ouvert à coeur par le couteau de jardinier,il se révélait légérement putride avec toujours cette odeur fade et sucrée,musquée presque mais,cette fois,trop forte pour être soutenable.
Craignant des émeutes populaires si la récolte ne se faisait pas ,augurant les terribles hivers de faim et de froid,on fit venir après mûres réflexions de nouveaux jardiniers.Hélas,les remèdes souvent apparaissaient trop neuf aux yeux des anciens jardiniers toujours propriétaires des lieux;en fait ils mettaient en cause l'édifice sur lequel ils avaient si longuement travaillé et profité.D'autres experts encore et ceux-là plaisaient mieux en évoquant la possibilité d'une contamination par des fruits probablement étrangers maladie probablement curable par des thérapies dites " de choc ".Cette explication faisait l'affaire des anciens jardiniers qui y voyaient un apport à leurs survies personnelles et à la préservation de leurs autorités.
On palabra,palabra beaucoup pour finalement se décider à faire ce que dans d'autres pays on appelait " une votation ",enfin un choix qui serait fait par la communauté toute entière.On n'en eut pas le temps car à cette même période,le temps étant venu,tous les fruits tombèrent répandant sur le sol une lie verdâtre à l'odeur suffocante quoique toujours sucrée.Finalement les éboueurs se chargèrent de l'affaire.