A ma retraite, je me suis mis à lire dans des centres de long séjour, avec pas mal de vieilles dames qui avaient perdu la tête, s'endormaient ou m'appelaient parfois "papa" ou "maman" en me tendant les bras. Par la suite, j'ai déménagé et j'ai recommencé en maison de retraite, durant , la plupart du temps, avec des pensionnaires qui avaient leur tête, mais parfois au "cantou". J'ai complété la lecture par de l'écriture et ensuite des émissions de radio. La poésie aussi (lecture et écriture), l'ouverture au slam... Une heure par semaine. En poésie collaboration entre quatre maisons de retraites. Que du bonheur. Des animatrices ouvertes, sympas. Par contre, dans ma ville j'ai connu trois directrices et je n'ai été reçu que par la troisième qui avait élaboré une charte du bénévole dont les premiers articles égrenaient les obligations du bénévole. Je lui ai dit que je signerai la charte lorsque le premier article dirait : l'équipement reconnaît l'importance du bénévolat et remercie les bénévoles. J'ai eu bien des remarques d'ami(e)s du genre "Qu'est-ce que tu vas faire là-bas ? Tu vas voir comment tu seras plus tard !" et quand j'ai déménagé, je n'ai pas trouvé de remplaçant. Durant les émissions de radio, avec la permission des pensionnaires, nous avons fait une galerie de portraits "dans le feu de l'action". Les visages étaient magnifiques et le maire de la commune a été scotché en les découvrant en expo dans le hall de la mairie.
Après un an ou deux, je pouvais les interpeller sur leurs visions souvent négatives de jeunes, leur parler des banlieues, des migrants et même de la Palestine où j'ai été cinq fois en mission civile.
J'ai 76 ans. Je suis encore assez autonome pur vivre seul la plupart du temps. Je me dis vieux sans complexe (quelques douleurs chroniques sont là pour me le rappeler) et me surprends à me donner les conseils d'hygiène et de santé entendus de la part des aides soignantes...
J'ai aussi recueilli des souvenirs, j'en ai fait des plaquettes pour les familles...
Les vieux sont des personnes dignes d'intérêt, capables d'échanges affectifs et intellectuels riches.
"Nous voulons une société d'individus, qui n'aient plus entre eux que des rapports commerciaux, sans qu'ils soient besoin, ni qu'ils se parlent, ni qu'ils s'aiment" (Milton Friedmann). Contre cette inhumanité, développons les rapports non commerciaux, parlons-nous et aimons-nous, entre genres, ethnies, pays.... et même avec des vieilles et des vieux qui ne sont pas toutes et tous beaux et riches.
Cordialement
