Cher Manu,
Vous permettez que je vous appelle ainsi puisque vous avez eu la gentillesse de m'appeler Bibi. Je voudrais vous dire à quel point j'ai pris conscience en vous écoutant que nous étions si semblables. A la fois dans ce que nous affirmons si souvent, dans ce que nous faisons et finalement dans ce que nous sommes profondément.
Nous sommes deux personnes qui avons une vue simple du monde. Il se compose de deux types d'individus et de peuples. Les individus et les peuples qui sont nés et existent pour guider, dominer et les autres qui sont faits pour se soumettre ou se démettre.. Nous sommes vous et moi de ces premiers.
Nous sommes résolument libéraux, jusqu'au sens le plus extrême de ce mot. Tout ce qui est collectif ne saurait qu'être nuisible à plus ou moins brève échéance. Nous sommes sûrs que l'initiative individuelle totalement libérée de toute contrainte morale ou réglementaire créée la meilleur société possible. Pour celles et ceux qui tentent de s'opposer à cette évolution inévitable, nous luttons, vous et moi de manière très ferme et nous n'hésitons pas à employer la force, même très violente, le plus souvent possible, de manière à décourager à l'avance celles et ceux qui seraient tentés de se lancer à leur tour dans une contestation rétrograde et négative. Pour celles et ceux qui n'ont jamais pu ou ne peuvent plus prendre les initiatives individuelles nécessaires (vieux, handicapés...), leur prise en charge doit combiner l'appel à la générosité du public et/ou être confiés à des organismes privés financés par l'impôt prélevé sur celles et ceux qui sont naturellement solidaires appartenant à la même catégorie sociale. Pas par les premiers de cordées dont la motivation financière est indispensable et doit être maximum. Un simple exemple : nos attitudes vis-à-vis des handicapés. Il y a eu chez nous et il y aura chez vous des protestations, mais nous ne céderons en rien sur nos principes économiques et politiques.
J'ai beaucoup apprécié en ce sens vos nombreuses références à la technologie la plus novatrice et sa traduction en terme de start-up, modèles d'entreprises modernes. Cela est d'autant plus vrai que ces nouvelles technologies sont mises au service des activités qui permettent de dégager un profit maximum comme l'armement, la sécurité et la chimie, particulièrement agricole et pharmaceutique. Vous laissez encore croire (c'est très adroit je dois l'avouer) qu'il est souhaitable de maintenir ou de développer des entreprises industrielles en les aidant par l'impôt collecté dans le public. Aider à quoi ? A robotiser et à automatiser chaque jour davantage. Ainsi les salariés d'aujourd'hui auront financé leur mise au chômage demain.
Les aides sociales doivent être calculées au plus juste, pour permettre une simple et unique survie physique minimum, les pauvres, comme vous l'avez rappelé récemment sont pour la grande majorité des assistés, responsables quelque part de leur pauvreté. En ce qui concerne le minimum de survie, nous expérimentons en grandeur réelle avec le blocus de Gaza. C'est à Gaza aussi, que tous les trois ans, sous prétexte de répondre aux agressions (qui ne sont pas bien dangereuses), nous entrons dans des conflits où nous pouvons expérimenter nos armes nouvelles. Vous avez vu récemment, dans la répression d'individus désarmés, ce que donnaient les balles à fragmentation ? Pas mal non ? Certes, dans le cas de l'industrie d'armement, vous ne pouvez pas disposer comme nous, avec Gaza, d'un laboratoire « in vivo », mais vous avez les guerres en Afrique et la guerre en Syrie.
J'ai apprécié, à propos de Gaza et de la Palestine, votre silence total. Il est vrai que, là encore, nos pays se ressemblent, même si les conditions sont légèrement différentes. Nous voulons récupérer la terre qui nous échappe encore et sur laquelle nous pourrions faire de lucratives activités immobilières ou de loisirs. Vous tentez de votre côté, légitimement de mon point de vue, de conserver des territoires riches de ressources naturelles ou d'enjeux stratégiques comme la Nouvelle Calédonie, la Guyane, les Antilles... et ce par tous les moyens, et nous nous moquons bien du droit international et de l'éthique.
De même ; j'ai admiré la manière dont vous résistez à l'accueil (l'accueil!) des migrants dits économiques. Nous partageons les centres de rétention, les retours aux frontières ou dans les pays d'origine. Vous devriez vous mettre à la construction des murs, des clôtures... Ca donne aussi de bonnes occasions de profits à certaines entreprises .
En matière de politique étrangère, nous sommes vous et moi des pragmatiques. Vous soutenez des régimes dictatoriaux en Afrique, dans votre zone d'influence ; j'ai accueilli pour l'inauguration de l'ambassade américaine à Jérusalem deux membres éminents de partis d'inspiration évangélique, très antisémites, mais pourvoyeurs de fonds et je suis allé rencontrer le premier ministre hongrois qui ne cache pas, lui non plus ses positions antisémites. Business is business ! Quelle belle idée de qualifier le BDS d'indigne ! J'en souris encore ; Ainsi l'attention est détournée de nos actions qui mériteraient à coup sûr et réellement le même qualificatif.
Quand vous êtes allé jusqu'à dire que nous partageons les mêmes valeurs, celles qui sont inscrites sur les frontons de vos édifices publics, je dois avouer que j'ai failli siffler d'admiration. Liberté ? Dans nos deux pays qui ne cessent de faire voter des lois restreignant celles-ci et de construire de nouveaux lieux d'enfermement. Egalité ? Vous avez un peu de retard, mais je suis sûr que vous nous rattraperez rapidement dans le classement des pays les plus inégalitaires. Fraternité ? Notre ultralibéralisme prône le chacun pour soi, la compétition féroce et sans pitié. C'était du beau travail de communication. Je vais retenir la leçon et émailler mes discours de références philosophiques et littéraires. Comme le sucre et le miel, ça permet de couvrir le goût amer de la potion que subissent la majorité des citoyens de nos pays.
Merci mon cher Manu. Levons nos verres à la santé de Milton Friedman , ce génie qui a théorisé la meilleure manière de drainer la totalité des ressources disponibles sur la planète (matérielles, naturelles, animales et humaines) pour une minorité de plus en plus restreinte dont je souhaite que vous et moi, nous faisions partie encore longtemps.