VOICI VENU LE TEMPS DES POL POT EN CRAVATES
En France, nous avions été un peu épargnés jusqu'à présent. Nos hommes politiques, même partisans avoués ou cachés, par choix, par inconscience, par habitude du libéralisme pur et dur, avaient gardé quelque chose d'humain, de Chirac à Hollande, en passant par Sarkozy, si, si. Leurs colères, leurs frasques sentimentales, leurs hésitations, leurs contradictions, leurs plaisanteries pas toujours très futées, leurs maladresses dans la com, leurs « casse-toi pauv'con » nous donnait le sentiment qu'ils étaient « à notre niveau », partageant nos propres qualités et défauts. Des membres de la famille ayant mal tourné certes, mais quand même de notre famille.
Les restes d'un modèle social conquis de haute lutte, la difficulté pour nos gouvernants à le mettre par terre (leurs hésitations nous donnait le temps de construire des résistances et certains mots avaient encore un sens valorisant, clair pour nous), tout ceci nous donnait l'illusion que nous n'étions pas si mal lotis, que ça n'arriverait jamais jusque chez nous. Il se passait des choses étranges en Afrique ou en Amérique du Sud par exemple : des émeutes de la faim, des dictatures sanglantes et corrompues... Mais cela nous semblait si loin. Puis est venue la chute du mur de Berlin et de drôles d'événements inquiétant se sont produits plus près (la guerre des Balkans, le pillage des économies des ex-pays de l'Est et la misère qui s'y installait, les gouvernements qui effaçaient d'un coup tout l'aspect intéressant des régimes socialistes, par exemple). Avec le temps, nous avons vu les premiers signes qui auraient dû nous alerter sur ce qui « nous pendait au nez », comme disaient nos grands parents et parents. Ce furent les pays développés de l'Europe du Sud qui connurent des cures d'austérité motivées aux yeux de la population par l'existence de dettes dont la majeure partie était illégitime. Nous avons fait preuve de bien peu de solidarité d'ailleurs.
Parallèlement il y eût la guerre Iran-Irak, les guerres du Golfe, la Syrie, la Libye, la destruction d'états entiers et la mise à mal de civilisations millénaires. Et Al Quaïda et Daesh. Et la montée des inquiétudes écologiques. Les événements se sont rapprochés dans le temps et dans l'espace. Mais tout ceci nous semblait un film avec un scénario décousu. Nous n'imaginions pas d'une part que ces violences militaires, économiques, climatiques, sociales puissent avoir un lien entre elles, ni qu'elles puissent être orchestrées par des personnages partageant une idéologie commune et puissent nous toucher brutalement nous aussi à brève échéance. Bien sûr il se produisit deux séries d'événements qui ont été comme les derniers avertissements avant l'arrivée de l'orage. Je veux parler des nouvelles migrations qui touchent nos frontières et des attentas qui se sont produits sur notre sol.
Si nous avions lu par exemple « La stratégie du choc » de Naomie Klein, nous aurions pu nous dire, à ce spectacle, « notre tour est venu ». Il y aura aussi en France un Pol Pot en cravate et nous allons « saigner » comme l'a dit fort justement dans le terme, Mélenchon qu'on n'a pas eu à appeler « Monsieur le Président ».
J'ose le dire : Manu est le Pol Pot en cravate qui a été chargé de nos appliquer les « remèdes » de l'idéologie néo-libérale sauvage et sanglante dont même le FMI a dû reconnaître la nocivité à partir de l'exemple grec. Car il s'agit bien d'une idéologie au sens d'une doctrine dont on applique les principes à n'importe quel prix pour celles et ceux qui la subissent, avec une violence et une soudaineté qui empêchent les résistances de se mettre en place. Et tant pis si la réalité vient dévoiler les buts réels de son application et mettre à nu la supercherie du discours. Nous n'avons plus à faire dans les puissances économiques et politiques avec des êtres humains tels ceux que j'évoquais au début de cet article. Nous avons à faire à des sortes de robots programmés qui vont droit devant eux, écrasant toute velléité de contestation, toute possibilité de débat, avec une brutalité et une rapidité qui ne sont dictés que par la certitude absolue d'avoir raison. Ce furent, en leur temps, les élèves de l'école de Chicago, formés par le pape de cette nouvelle religion, Milton Friedman, qui déclarait « Nous voulons une société d'individus, qui n'aient plus entre eux que des rapports commerciaux, sans qu'il soient besoin, ni qu'il se parlent, ni qu'ils s'aiment ».
Tel Pol Pot ils ont une vision précise de la forme d'organisation idéale de la vie en société et prennent les moyens de l'imposer par la force. On me dira que Manu, pardon Monsieur Macron, ne tue pas, ne déplace pas les populations de force. Pas directement, certes, mais si nous dépassons un peu les apparences, nous savons que le néolibéralisme sauvage et sanglant tue, y compris chez nous. Il a tué chez les Grecs où des millions de gens ont connu la malnutrition, la manque d'accès aux soins, avec les vagues de suicides qui ont accompagné la mise en place cette « société d'individus » voulus par les disciples de Milton Friedman et les autres. Il a commencé à tuer chez nous, sur les brancards et dans les lits des hôpitaux surchargés, dans les lits des Ehpad en manque de personnel, par le suicide de salariés ne pouvant faire face au management « moderne », par toutes celles et ceux qui seront victimes des dégâts causés à l'air, à l'eau par des multinationales en quête de marchandisation de la nature, par la diminution des aides sociales de ces assistés qui doivent choisir en hiver entre manger ou se chauffer, par la destruction des droits fondamentaux sur lesquels pouvaient s'appuyer les forces de résistance. La France de Manu tue aussi très directement en Syrie, au Mali... dans ce qu'on appelle « les dégâts collatéraux ». Elle tue par les dictatures qu'elle soutient au Tchad ou ailleurs. Par le refus de l'accueil des migrants renvoyés chez les chefs de guerre libyens et les exploiteurs turcs.
Pas de déplacement forcé de population ? Délocalisations, fermetures d'usines, concentration et éloignement grandissant des services publics.... n'obligent-elles pas des populations à changer de région ? Parmi les dogmes de cette nouvelle secte, on retrouve la béatification de n'importe quelle mesure pouvant servir à la « mobilité », à la « modernité », aux privatisations, à l'accroissement de ce fameux PIB comptabilisant chaque jour davantage des échanges commerciaux où la valeur d'usage s'efface derrière la valeur d'échange. Dans de gigantesques brassages de population.
Cette immense présence prégnante de la violence est partout jusque chez des enfants et des ados. Dans cette société in-humaine nous ne connaissons qu'une seule question avec ses deux déclinaisons : « Combien ça coûte et combien ça rapporte ».
Il y a tout de même, je vous le concède, une différence de fond entre Monsieur le Président et Pol Pot. Derrière ce dernier, il n'y avait personne, Seul le guidait son fanatisme. Monsieur le Président a été mis en place, chez nous, par un petit groupe d'oligarches pour organiser de manière plus systématique, plus rapide, plus efficace le pillage en règle de la planète à leur profit. Les quelques unes et quelques uns qui possèdent autant que la moitié de l'humanité. Ne nous y trompons pas. ELLES ET ILS N'ONT AUCUN SOUCI DE L'AVENIR. Ils ne cherchent qu'à jouir tout de suite un maximum. Le désordre politique, social, militaire, sanitaire, les catastrophes naturelles leur vont bien. C'est là où ils font un profit maximum. Après eux, le déluge.
Une seule issue, l'union de toutes celles et ceux qui souffrent de diverses manières de leurs actes. A l'échelle de la planète. Impossible ? Certes très difficile chez nous où l'émiettement de forces de résistances est une tradition qui frise la trahison. Mais, amies et amis lecteurs, allez sur le site de Via Campesina et vous verrez comment 250 à 300 millions de paysans expérimentent cette nouvelle forme de relation non-marchande, en se parlant et en s'aimant. En effet, l'épouvantable déclaration de Milton Friedman et sa mise en œuvre, ont le mérite de nous donner un cap : « Développons toutes les relations non marchandes, solidaires, gratuites. Parlons-nous (toutes celles et ceux qui ont, comme moi, connu la chance de mai 1968 en ont retenu cette liberté dans les échanges et les prises de paroles). Aimons-nous : développons, l'empathie, la compréhension, l'accueil... ET RETROUVONS NOS MOTS A NOUS POUR NOUS LE DIRE. Les pillards et leurs laquais nous ont aussi volé nos mots et les ont travestis.
Elle est pas belle la tâche qui nous attend ?