jtombeur (avatar)

jtombeur

Journaliste bientôt « honoraire »

Abonné·e de Mediapart

31 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 janvier 2012

jtombeur (avatar)

jtombeur

Journaliste bientôt « honoraire »

Abonné·e de Mediapart

Médialogie : la mort de Gilles Jacquier à Homs, VF et VO

jtombeur (avatar)

jtombeur

Journaliste bientôt « honoraire »

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Allez, vite fait, mal fait. Je n'avais pas l'intention de traiter de la mort de Gilles Jacquier, grand reporter français, à Homs, en Syrie. À chaud, qu'en aurais-je dit de plus ou de mieux qu'Aliocha (la journaliste-blogueuse de la Plume d'Aliocha), qui évoquait le traitement médiatique du cas Taponier et Ghesquière, retenus otages en Afghanistan. Alors, dans un premier temps, j'ai passé mon tour.
Non sans avoir, préalablement, procédé à ma revue de presse internationale. Divers articles, dont d'envoyés spéciaux à Homs, de journalistes ayant recueilli les témoignages de confrères ayant assisté aux faits. Par exemple, l'article de Ian Black, du Guardian, qui était à Homs, donne sa propre version et celle de Joseph Eid, photographe de l'AFP. On comparera utilement avec la version postérieure de Thierry Thuillier, directeur de l'information de France Télévisions, largement reprise et détaillée par Le Point.

Confronter, recouper, prolonger, voilà, me semble-t-il, avec du recul, un bon sujet pour Mediapart : quelle sont les perceptions, impressions, des confrères et consœurs qui se trouvaient à Homs, où Thierry Thuillier est-il allé pêcher ses révélations. Second point, comment, où, ont-elles été reprises, voire amplifiées, par la presse française, éventuellement par la presse étrangère ?

La Libye, vous vous souvenez ? Ce n'est pas si lointain, le traitement médiatique de la guerre civile. Puis ce qui filtre à présent… A-t-on, par exemple, recueilli l'avis d'un pilote de chasse sur l'opération de bombardement du convoi de Kadhafi. Il se trouve que j'ai fait la connaissance d'un ancien de Salon-de-Provence (Armée de l'Air), ex-pilote de chasseurs-bombardiers. Pour lui, c'est évident, il fallait deux passages. Mais bon… Allez vraiment savoir…

Dans le cas présent, il en faudrait peut-être trois. Voir ce qui s'est dit et imprimé à chaud, ce qui a été écrit et diffusé ultérieurement, laisser reposer, reprendre. Je le dis tout net, en dépit de ma faible expérience des conflits, déjà ancienne, les arguments de Thierry Thuillier me semblent sujets à caution. Je décortique ailleurs, sur Come4News, mes impressions. Elles ne valent que ce qu'elles valent.
En revanche, l'argument de la fameuse source élyséenne du Figaro me semble pour le moins farfelue. « Les responsables syriens étaient seuls à savoir qu'un groupe de journalistes occidentaux visitait Homs ce jour-là, et dans quel quartier il se trouvait… ». Sur le front serbo-croate, j'accompagnais feu Bernard Stasi. Bien évidemment, il est possible que notre visite, qui nous mit à vue d'un char serbe, qui surveillait « notre » tranchée croate, ait été ébruitée. Sans doute ne peut-on exclure que le commandement croate ait envoyé un pigeon voyageur à son homologue serbe, histoire de l'inviter à nous pilonner. C'est sans doute en raison du fait que la fanfare était retenue ailleurs qu'elle n'a pu nous accompagner, pour mieux nous signaler à « ceux d'en face ». Nous aurions pu arriver aussi précédés d'un largage de tracts, pendant qu'on y était. Franchement, plus c'est gros, mieux cela passe, et le ridicule ne tue pas les communicants reprenant les éléments de langage.

J'en sourirai si ce n'était tragique. Je sais qu'ironiser est déplacé : désolé, je ne parviens pas à m'en empêcher. Tout est possible, de fait, mais la prose « officielle » me laisse plus que perplexe. Je comprends trop bien que Le Point et d'autres, n'aient pas trop cherché à comparer la version française et les diverses versions originales de la presse étrangère. J'admets la possibilité que la presse française puisse se rattraper, revienne sur le sujet. Dois-je vraiment ajouter que je n'y crois guère, sauf élément vraiment probant, fait nouveau indubitable ?

Aliocha a fort raison de rapprocher l'affaire des journalistes otages en Afghanistan et la plus récente, à Homs. Il y a du grain à moudre. Voire même un mémoire d'étudiant en journalisme, de Sciences Politiques ou d'une autre école, à rédiger, en prenant son temps. Une petite analyse sémantique serait aussi bienvenue. The Guardian évoque les réactions de la Syrian Revolution General Commission. L'Élysée parle encore de « rebelles » : on n'a pas encore tout à fait bien tirer les leçons du conflit libyen quant à la manière de le présenter, dirait-on. Il y a encore un léger retard à l'allumage.

Christophe Kenck, caméraman de Jacquier, évoque « un premier mortier (...) tombé à 500 mètres de la manifestation ». Faut quand même ne pas savoir ajuster un tir, mais admettons. Puis on nous certifie qu'il s'agit de « tirs de roquette RPG ». Ce ne serait pas plus précis ? Ah, non, le premier tireur devait être un débutant. Tout est possible, forcément, tout est envisageable. Et comme aucun militaire syrien déserteur n'a eu la bonne idée de s'encombrer d'un mortier en rejoignant – sous les projecteurs des caméras de télévision ? – les rangs adverses, forcément, il n'y a que l'armée syrienne à être dotée de mortiers. Et jamais, au grand jamais, le Qatar ne fournirait de mortiers aux thowars locaux. Ni personne d'ailleurs. Il faut un Bernard-Henri Lévy pour annoncer des parachutages d'armes, pour s'en féliciter. Auparavant, tout est étanche, entre la Turquie ou le Liban, et la Syrie. Nous sommes priés de le croire. Pas de déclaration de B.-H. L., pas de mortiers.

La conclusion de Loïc de la Mornais pour Le Point est la suivante : « Soit des éléments de l'Armée syrienne libre ont aperçu un convoi officiel entouré de militaires, et ont attaqué, en ignorant la présence de journalistes occidentaux. Soit il s'agit d'un coup monté par les services syriens, qui ont fait venir des journalistes pour organiser un attentat visant à faire peur. Le régime syrien en est largement capable. ». Ce ne sont certes pas les seules hypothèses envisageables, mais au moins de la Mornais s'est-il épargné le ridicule. Lequel n'étouffera pas trop certaines ou certains, ayant largement commenté l'affaire Dominique Strauss-Kahn et Nafissatou Diallo, si jamais une totale certitude se faisait jour, contredisant leurs affirmations péremptoires. Quant aux « services », de tous pays, il semble qu'un passé d'antan, de naguère, et plus récent, pourrait établir que la fin justifie très souvent les moyens. C'est la seule quasi-certitude que je nourris. Mais s'il vous prenait l'envie de vous intéresser davantage au traitement médiatique de cette affaire, vous pouvez aussi consulter « Syrie : un journaliste mort très communicant », et bien sûr, la presse VO et VF du jour et des suivants…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.