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Billet de blog 18 février 2011

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Medialogie : lepost.fr en sursis

À la suite de la diffusion d'un communiqué de la « rédaction » (ou ce qu'il en reste) du site Le Post (lepost.fr), le second depuis l'arrivée des nouveaux actionnaires du Monde et du Monde interactif, on peut s'inquiéter de la survie de ce site qui se voulait d'information participative.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À la suite de la diffusion d'un communiqué de la « rédaction » (ou ce qu'il en reste) du site Le Post (lepost.fr), le second depuis l'arrivée des nouveaux actionnaires du Monde et du Monde interactif, on peut s'inquiéter de la survie de ce site qui se voulait d'information participative.


Le Post a été lancé à la fin de l'été 2007 et dès septembre, avec quelques autres futurs fidèles, dont Tian (un pseudo), j'ai embrayé, publiant d'abord de réelles contributions, puis, de guerre lasse, des « accroches » renvoyant vers les mêmes sujets sur Come4News.
Je ne sais au juste quand a été lancé Come4News, mais un article de David Come, daté du numéro de décembre 2006 d'Internautes magazine, en faisait déjà état. Issuepedia indique : « En avril 2007, un groupe d’investisseurs français, ayant à sa tête le journaliste Fabien Bardoux, rachète le site Technoblog ». Mettons donc fin avril 2007.

Faible antériorité donc pour Come4News, lequel contrairement au Post, n'aura jamais droit à une page de Wikipedia (trois tentatives, trois... suppressions de page). On ne prête qu'aux riches. Cela étant, les concepts sont voisins : presse d'information citoyenne pour l'un, presse participative pour Le Post. Les deux titres ne sont pas comparables puisque d'un côté, les contributrices et participants rédigeant des « papiers » sont faiblement rétribués, qu'il n'est d'autre hiérarchie de l'information si ce n'est aléatoire (toutes les contributions passent en page d'accueil, selon un système de rotation) pour C4N, et qu'une rédaction professionnelle, au Post, choisit de mettre en valeur, en « une », ses propres papiers et ceux d'invités permanents (dont Guy Birenbaum, par exemple, un temps), et de quelques rares « posteuses » ou « posteurs ».

C'est là l'une des différences essentielles. Dans un cas, la rédaction intervient fortement (sur Le Post), dans l'autre, les fondateurs (pas tous journalistes) se font fort discrets et ne mettent qu'exceptionnellement davantage en valeur (bandeau éventuel de page d'accueil surmontant les autres) les contributions des très rares journalistes « bénévoles », qui ne sont pas plus privilégiés que d'autres « amateurs ». Côté rémunération, sur Come4News, tout le monde est à la même enseigne : un euro par papier publié (de plus de quinze lignes, pour éviter des abus, même si quartorze bonnes lignes valent mieux que seize mal foutues et de valeur informative proche de zéro). Pas de régie publicitaire pour C4N, un possible couplage entre le site du Monde et celui du Post en regard.

Que croyez-vous qu'il adviendra ? Serait-ce Le Post qui crèvera ? La question est posée puisque, depuis une date incertaine, la direction du Post (l'actionnariat) donne un semestre à la rédaction posteuse pour « faire ses preuves ». J'ai connu cela avec un autre Dreyfus, venu de Rotschild au Crédit mutuel puis à L'Alsace, et le regretté Jean-Marie Hæffelé qui annonça aux futur·e·s « employé·e·s de rédaction » (c'est à ce titre que je donnais le BAT, au mettage de L'Alsace, de la une d'un quotidien comportant plusieurs éditions), qu'ils seraient journalistes du Pays de Franche-Comté ou au chômage au bout d'une année. On connaît la suite. Goguillot, de L'Est républicain, ne nous donnait pas plus d'un an et espérait récupérer une partie du lectorat ainsi créé. La relance des éditions belfortaines de L'Alsace sous un nouveau titre reste l'un des rares succès de la PQR. La rédaction d'alors n'avait pas démérité. Je ne pense pas davantage que la rédaction (ou plutôt les rédactions successives) du Post aient jamais démérité. Celle du Pays de Franche-Comté ne se voyait pas trop compter ses outrances, on se doute que celle du Post était et reste beaucoup plus contrainte.

Le Post ne s'est sans doute pas détérioré (comptablement, il aurait plutôt même progressé) du fait de sa rédaction mais plutôt, je le pressens, de celui des directives de « gourons » de la presse en ligne, pas tous journalistes, et sans doute, même, loin de là.

Rappelons au passage que Mediapart et Le Post ont désormais un actionnaire commun, crois-je du moins savoir.

Mais ce n'est pas le parallèle essentiel qu'il faut établir entre Le Post, Mediapart et d'autres titres, de « presse » (possédant un numéro de commission paritaire) ou non, tel, par exemple, AgoraVox ou Come4News. Il existe quelques similitudes et disparités à pointer. Mediapart, tout comme Rue89, ne dédaigne pas le « format long ». Come4News, comme AgoraVox, laissent toute liberté (ou presque, pour AgoraVox, dont la sélection en amont est drastique) du format, du nombre de feuillets. Le Post a essayé de « formater » ses bénévoles. De leur faire appliquer les recettes enseignées dans les écoles de journalisme encore fortement imprégnées des seules traditions et des seuls préceptes de la presse écrite, mal transposés. David Siegel, typographe devenu l'un des gourous du Ouaibe (de l'Internet graphique alors naissant avec le consortium World Wide Web), dans un entretien publié par Création numérique, m'indiquait quelques préceptes de base qui restent valables. Il semble que ses émules du Post n'avaient guère de culture de l'Internet (du Ouaibe, peut-être), mais une panoplie de recettes « tombant sous le sens » et éculées avant même d'avoir été testées.

Je ne sais ce que les rédactions successives du Post ont pu subir. J'aimerais leur dire, comme Ardisson à propos de L'Écho des savanes : « brûlez vos vaisseaux ! ». Ici, en ce sens : oubliez, transgressez. Allez-y à fond. On ne peut vous demander de faire vos preuves en un semestre sans vous laisser carte blanche. Ce que, peu ou prou, Jean-Marie Hæffelé avait fait avec des stagiaires dont certaines et certaiins ne sortaient pas vraiment des écoles de journalisme. Certes, nous n'étions pas tous inexpérimentés (simplement, après une bonne dizaine d'années de presse sans détenir la carte de presse, pour mon compte, je navais jamais travaillé en quotidien). Certes, nous avions une équipe de journalistes (pas tous issus d'écoles, loin de là...) encartés pour nous encadrer. Mais eux aussi ont osé. Parce qu'ils le pouvaient.

Sur Come4News, comme sur AgoraVox, mais de manière beaucoup plus légère, la modération s'effectue en amont, a priori. sur Le Post, la validation n'existe pas, une modération sous-traitée a posteriori est confiée à je ne sais quel automate qui en a découragé plus d'une et plus d'un de perdre son temps sur Le Post. La maîtrise du droit de la presse (diffamation, diffusion de fausse nouvelle, droit de réplique, droit de réponse, injures publiques) du sous-traitant est encore plus nulle que celle des amateurs de Come4News ou d'AgoraVox. Enfin, d'expérience, la mienne et celles d'autres, c'est le sentiment devenu général.

AgoraVox et Come4News ne sont pas des sites autogérés, mais la relation entre les Internautes se module plus ou moins d'elle-même. Les modes de convivialité ne sont pas identiques. Mais au moins, la discussion se fait entre soi. Pas de soi à un robot, puis face à un sous-traitant. Les rares discussions épistolaires (par courriel) que j'ai pu avoir avec la rédaction du Post étaient convenues. Pourtant, nous étions censés parler le même langage, avoir les mêmes références. Vous n'imaginez pas, ou plus, ce que des Internautes peuvent nourrir de prévention à l'encontre des journalistes. Le hiatus entre les modérés (« censurés » à tort parfois, souvent à raison) du Post et sa rédaction en ont dissuadé plus d'une, maints autres, de préserver la fiction d'un site participatif.

Bien sûr, ce n'est qu'un aspect très partiel des raisons qui font que la rédaction ne pourra espérer qu'un chiche soutien des Internautes (même s'il semble fort : voyez, sur Le Post, le nombre d'interventions à ce propos). De plus, on en vient à se demander si ce soutien ne serait pas contreproductif (pour la sauvegarde des emplois de celles et ceux qui ont osé publiquement s'exprimer).

La véritable question est la suivante : que veulent au juste Niel, Bergé et Pigasse ? Une toute autre formule ? Dans ce cas, qu'ils l'expriment. Dire à une rédaction de faire ses preuves, c'est concevable. Lui promettre des moyens qui tardent toujours à venir, cela peut être vivable (un temps...). Ne pas lui donner les plus coudées franches avant l'échéance, c'est plus qu'une erreur d'appréciation. Ou alors, il faut détailler clairement ses objectifs et ambitions et ouvrir la clause de conscience (bon, pour les stagiaires, les pigistes, cela leur fera une belle jambe).

Le Post, en dépit de ses défauts (survalorisation du spectaculaire, du convenu et du rigolo, pour résumer, mise en sommeil de la convivialité et du participatif), reste une semi-réussite dont les succès l'emportent sur les échecs. « Rédactionnellement » tout au plus ? Peut-être que le retour sur investissement n'est pas si minable, comme semble le penser la rédaction. Après un peu plus de deux ans, les résultats ne sont sans doute pas catastrophiques, à moins que la gestion ait été plombée par des erreurs flagrantes. Que, pour le moment, Come4News n'a pas commises en évoluant très doucettement avec une saine prudence. On a parfois besoin de s'inspirer de beaucoup plus petit que soi.

Un autre point de vue (très proche et cohérent, j'espère) :
¤ Le Post se meurt, vive Come4News !

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