A seulement quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, l'on craint déjà le score de Marine Le Pen, qui a pris la relève de son père en 2011 et qui menace d'attendre des sommets bien plus élevés. Car même si elle baisse dans les sondages depuis quelques semaines, et même si sa campagne est en manque d'un indéniable dynamisme, dans un contexte où les deux principaux prétendants au trône ne suscitent aucune ferveur ni aucun enthousiasme, Marine Le Pen et son discours d'un populisme exacerbé peuvent dangereusement séduire des millions de français.
Le Front National est installé dans notre vie politique depuis les années 1980, et depuis il n'a cessé de grandir en influence, servant d'abord la gauche, dont le leader François Mitterrand l'instrumentalisait à souhait pour faire battre la droite, avant de servir la même droite en 2002. Mais aujourd'hui le FN est sorti des oripeaux d'un Nicolas Sarkozy qui en avait siphonné les électeurs en 2007. Discrédité par son bilan, il ne peut plus tenter l'omerta d'il y a cinq ans. Quant à la gauche et son candidat socialiste, elle ne séduit pas, elle ne convainc plus. On veut voter Hollande pour se débarrasser de Sarkozy, mais on ne croit plus que cela va changer la vie.
La montée de l'extrême-droite n'est pas inhérente à la France, elle est un phénomène qui concerne quasiment tous les pays d'Europe qui voient naitre, tour à tour, des partis populistes, islamophobes, et parfois franchement néonazis voire fascistes. Mais la différence est qu'en France, l'extrême-droite est très élevée, et très bien implantée. Le quinquennat qui s'achève a définitivement installé le Front National dans le paysage politique, en le banalisant, en légitimant ses thèses au plus haut sommet de l'état (quand un Claude Guéant reprend les arguments d'un Jean-Marie Le Pen qu'il distille à la radio mot pour mot). L'élection de 2012 sera cruciale rien qu'à cet égard : voter Sarkozy, et voir les thèses de l'extrême-droite banalisées, accréditées par une majorité de français ou voter Hollande, et stopper ce reflux extrémiste, mais sans pour autant relâcher toute prudence car le Front National et l'extrême-droite ne disparaitront pas, bien au contraire, ils feront tout pour se dynamiser durant le prochain quinquennat et remporter 2017.
Le Front National est un poison qui coule dans les veines de la société française depuis plus de trente ans maintenant. Insidieusement, malicieusement, il a fait son nid et ronronne désormais au chevet des français qui le considérent comme un parti politique normal. Son existence, son discours, son audience, c'est probablement l'échec le plus grand de la République française et de ses représentants ces dernières années. Et le pire dans cette situation est que l'antidote au poison n'a pas encore été trouvé.