La candidature de Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont reste un des événements politiques marquants de cette semaine qui a vu François Hollande arrive au pouvoir et Nicolas Sarkozy faire ses adieux. C'est un acte que la plupart, dont je fais partie, n'avaient pas vu venir, mais qui, à titre personnel, me laisse dubitative tant je me demande si le risque que prend le trublion de la gauche peut être payant.
Aller se confronter à Marine Le Pen, prendre le risque de se frotter à elle dans une ville qui lui a accordé un tiers de ses suffrages lors du premier tour de l'élection présidentielle est indubitablement un acte courageux, car Jean-Luc Mélenchon peut perdre, il a même, disons, une chance sur deux, de perdre. Une nouvelle défaite pourait faire mal à la suite de sa carrière politique, lui qui ambitionne de prendre le pouvoir dans cinq ou dix ans.
C'est courageux, mais est-ce pertinent ? En se jetant dans la bataille d'Hénin-Beaumont, le candidat du Front de Gauche focalise l'attention sur l'affreuse mégére de l'extrême-droite qui n'a absolument pas besoin de davantage de publicité qu'elle n'en obtient actuellement de la part de la plupart des medias. En arrivant un mois avant le scrutin, il donne également la désagréable impression qu'il vient là pour se chercher un peu de publicité, sans rien connaitre à cette ville du Pas-de-Calais qui sombre, scrutin après scrutin, dans la xénophobie sociale et culturelle, sans qu'aucun des grands pontes de l'UMP ou du PS ne lèvent le petit doigt contre ce danger, ce poison qui s'infiltre dans la république.
Sa conférence de presse donnée hier dans la ville rassure un peu. Il apaise les inquiétudes et rappelle que Marine Le Pen, cette héritière qui vit dans un chateau de Saint-Cloud, qui est inscrite sur les listes électorales de Hénin-Beaumont sans même y habiter et en n'y passant que quand elle a besoin de jeter la lumière sur elle en se faisant passer pour la candidate des pauvres, elle qui cumule les salaires, elle qui, pendant l'hiver 2012, arrivait en meeting pour parler aux oubliés vêtue d'un manteau de fourrure, n'a absolument aucune légitimité dans cette région.
La manière dont Jean-Luc Mélenchon fera campagne suffira à rassurer ou à inquiéter. Si le leader de la gauche fait campagne sur le racisme de Marine Le Pen, avéré, sur des insultes et des polémiques, il échouera lamentablement et offrira un accès au Palais Bourbon à l'extrême-droite. C'est une victoire que ne peut pas se permettre la république française actuellement. A ceux qui ont beau jeu de dire que Marine Le Pen est un acteur politique à part entière, qu'elle est une élue et doit donc pouvoir exprimer ses opinions et jouer un rôle dans la vie politique, on répondra que Hitler aussi fut élu, et que l'onction du suffrage universel ne sert pas de caution au racisme, à la xénophobie et au nationalisme exacerbé qu'incarne aujourd'hui le Front National. Elle a beau passer à la télé, secouer ses cheveux blonds et minauder auprès de journalistes trop serviles pour faire correctement leur métier, Marine Le Pen reste une figure politique antidémocratique et antirépublicaine. S'opposer à elle est un défi que Jean-Luc Mélenchon ne peut plus perdre. C'est courageux, mais cela requier de sa part une stratégie bien pensée, calibrée pour mettre à plat l'imposture Le Pen. Un mois, ce sera très court....