Jérémie. (avatar)

Jérémie.

Abonné·e de Mediapart

15 Billets

4 Éditions

Billet de blog 8 juillet 2008

Jérémie. (avatar)

Jérémie.

Abonné·e de Mediapart

Amazonie, mon Amour...

Il y a parfois des voyages qui dépassent vos attentes.

Jérémie. (avatar)

Jérémie.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a parfois des voyages qui dépassent vos attentes.

De ces voyages qui, au-delà de l’attrait touristique, se muent en un autre chose qui vous dépasse, quelque chose dont il est impossible de prendre la mesure immédiatement, d’en mesurer la portée. Ce genre de voyage confine au pèlerinage, ou, plutôt, à la profession de foi.

Sortir de l’aéroport de Manaus est un défi en soi pour qui porte 30 kilos sur le dos : on passe de la fraîcheur climatisée (voire congelée) du hall d’arrivée pour foncer… dans un mur : il est 18 heures, il fait 35°C , il y a 90% d’humidité.

D’emblée, ça vous pose une atmosphère.

Et quelle gueule elle a, cette atmosphère ! A peine un pas dehors, et déjà une vision incroyable :

Et pourtant, ce n’est pas – encore – l’Aventure. Manaus est avant tout une ville en pleine reconstruction, avec notamment un théâtre à faire pâlir d’envie nombre de nos théâtres occidentaux.

L’Aventure, elle, il faut attendre le lendemain pour La trouver… Deux heures de vol pittoresques, puis une heure et demie de bateau rapide sur le Rio Solimões, l’Amazone avant son mariage avec le Rio Negro. Et La voila enfin. Un lodge flottant, à peine quelques chambres rustiques, en plein cœur d’une des deux seules réserves fédérales en Amazonie brésilienne.

Et quelques jours fabuleux dans un autre monde, où les animaux de compagnie sont des caïmans, où les sirènes de nos villes sont les cris des singes hurleurs. Il y a de la magie dans ce lieu, de la magie dans les gens du coin. De la magie, et une gentillesse, une spontanéité incroyable, comme si le stress et les mœurs abrutissants de notre « civilisation » n’avaient pas cours ici, et glissaient sur eux comme l’eau sur le dos des dauphins roses, vestiges d’un temps aboli où les cétacés couraient les fleuves de la planète. De la magie, et cet indéfinissable quelque chose qui nous renvoie au plus profond de nous-mêmes, à la recherche d’une pureté que nous avons perdue depuis longtemps, à la recherche d’un sens à donner à notre vie, mais aussi à notre monde.

Le rêve s’est poursuivi encore un peu, au fil de l’eau, à bord du bateau qui nous a ramené à Manaus, nous les gringos dont la pâleur malgré le bronzage était l’objet de toutes les curiosités. Il s’est poursuivi, puis s’est évaporé à travers le hublot, à mesure que l’avion prenait de l’altitude et que nous découvrions, atterrés, que l’océan de verdure dont nous étions tombés irrémédiablement amoureux était, ça et là décousu, défait, défriché, comme autant de plaies ouvertes dont le sang s’échappait en volutes de fumée grise et noire.

L'Amazonie se découvre à chaque instant, terre féconde au sol pauvre, terre de richesses inouies dans les rêves de certains, terre de désillusions pour ceux qui n'ont pas cherché la vraie richesse. Car enfin, cette terre est immensément riche : riche de ces gens qui connaissent les vertus et les dangers de chaque plante, chaque arbre, chaque animal. Richesse de ceux qui vivent en harmonie totale avec la nature, la sachant généreuse, et n'en abusant pour ne pas l'épuiser. Ils ont compris, eux, que la terre sera notre leg à nos enfants. C'est là une richesse qui ne peut et ne doit pas se monnayer.

Car enfin, il serait temps que l'ONU se penche sur la question : de cette richesse, ne pourrions nous pas faire don à l'Humanité ? Des milliers, des millions de principes actifs ne sont pas connus, alors qu'ils pourraient combattre bien des maladies. Alors, pour une fois, ne pourrions-nous pas soustraire ce bien à l'hégémonie des grands laboratoires pharmaceutiques pour l'offrir à tous ? Créer des réserves naturelles, inscrire au patrimoine mondial de l'Humanité, c'est bien, mais il faut aider les Etats à protéger ce bien. Ne serait-il pas temps de créer les "casques verts", qui s'interposeraient entre l'homme et la nature commes les casques bleus s'interposent entre les hommes ? Le principe est le même : protéger un camp de l'extermination pure et simple, puisque cette richesse est menacée par la surexploitation forestière et le défrichage sauvage - le bioéthanol est tendance en ce moment, et le soja sert à nourrir les animaux d'élevage...

Il faut créer des casques verts, pour protéger l'Amazonie, mais aussi Sumatra, Java, Borneo, l'Amérique centrale, le sous-continent indien... C'est l'ensemble des forêts primaires qu'il faut sauvegarder, collectivement. Et cela donnera un sens à la mort de toutes celles et ceux, indiens et occidentaux, qui sont morts pour avoir voulu protéger l'héritage de nos enfants.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.