Le capital attaque tout azimut, l'enseignement supérieur n'y fait pas exception. Attaque en règle du statut du producteur (les étudiants sont utiles mais non productifs, ils doivent donc relevés de la solidarité) et introduction du capital dans le financement des études par le biais du crédit. Il s'agit, encore une fois et inlassablement, de se mettre à l'école de la classe ouvrière.
Un premier enseignement, celui de la commune
"Dans l'analyse des idées de la Commune sur l'enseignement, ce qui étonne le plus, c'est le fait qu'elles portent surtout sur la structure plus que sur le contenu et à l'inverse, dans la culture, plus sur le fond que sur la structure. Les trois grands thèmes de la Commune sur l'enseignement, nous les trouverons exposés dans un texte que le groupe l'Education nouvelle, composé d'enseignants et de personnes de bonne volonté se retrouvant dans un lycée de Paris régulièrement, transmit à la Commune. Ce sera la laïcisation, la gratuité et l'obligation scolaires qui serviront de base à l'action de la Commune dans l'enseignement. Pour bien comprendre ces trois revendications, il faut noter que l'enseignement en France était alors entièrement aux mains des congrégations religieuses, l'école se comportait comme l'annexe de l'église, même quand elle ne se situait pas dans un des bâtiments de la paroisse; en plus elle était payante pour tous, et donc seulement ouverte à la fréquentation volontaire des élèves; il faut préciser toutefois que les curés avaient institué un système de bourses distribuées par l'évêché, qui leur permettait d'écrémer quelques intelligences brillantes qui surgissaient parfois des milieux pauvres ; les heureux bénéficiaires étaient ainsi récupérés par la religion et intégrés dans le système, la grande masse des malchanceux restait pauvre et ignare. Il faut cependant dire que certains laïques entreprirent d'édifier des écoles non-confessionnelles, mais elles furent rares et vécurent de façon très sporadique." Paul CHAUVET - 1971 dans la revue "la Rue"
Dans un pays ravagé par la guerre, la Charte de Grenoble (1946)
Les représentants des étudiants français, légalement réunis en Congrès National à Grenoble, le 24 avril 1946, conscients de la valeur historique de l’époque
- Où l’Union Française élabore la nouvelle Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ;
- Où s’édifie le Statut pacifique des Nations ;
- Où le monde du travail et de la jeunesse dégage les bases d’une révolution économique et sociale au service de l’Homme ;
- Affirment leur volonté de participer à l’effort unanime de reconstruction ;
- Fidèles aux buts traditionnels poursuivis par la Jeunesse étudiante française lorsqu’elle était à la plus haute conscience de sa mission ;
- Fidèles à l’exemple des meilleurs d’entre eux, morts dans la lutte du peuple français pour sa liberté ;
- Constatant le caractère périmé des institutions qui les régissent ;
- Déclarent vouloir se placer, comme ils l’ont fait si souvent au cours de notre histoire, à l’avant-garde de la jeunesse française, en définissant librement, comme bases de leurs tâches et de leurs revendications, les principes suivants
Article 1 L’étudiant est un jeune travailleur intellectuel.
Droits et devoirs du travailleurs
Article 4 En tant que travailleur, l’étudiant a droit au travail et au repos dans les meilleures conditions et dans l’indépendance matérielle, tant personnelle que sociale, garanties par le libre exercice des droits syndicaux.
Article 5 En tant que travailleur, l’étudiant a le devoir d’acquérir la meilleure compétence technique.
Le Plan Langevin Wallon (1947)
Où l'on découvre donc la lutte sur le statut du producteur: les étudiants sont des travailleurs, qui produisent de la valeur. La reconnaissance de production de valeur économique se fait par un SALAIRE. Ce dernier sera revendiqué comme tel, et formalisé dans le Plan Langevin Wallon, issu de communistes, qui hélas restera lettre morte, les fenêtres de l'Histoire étant courtes. On peut notamment y lire ceci: "La gratuité inscrite dans les textes serait un leurre si on la limitait à la suppression des frais d'études sans s'inquiéter des conditions et des moyens de vie des élèves et des étudiants. Dans les familles ouvrières, le gain de l'adolescent est escompté. L'apprenti, le jeune ouvrier doivent apporter leur contribution au budget familial, et de cette contribution il est matériellement impossible de se passer. la gratuité de l'enseignement ne peut être effective que si on instaure un régime nouveau et plus réaliste pour l'attribution des bourses, si l'on prévoit l'allocation d'un pré-salaire au troisième cycle du premier degré (de 15 ans révolus à 18 ans), si l'on considère enfin l'étudiant comme un travailleur, qu'il est en réalité, et qu'on lui alloue un salaire en rapport avec les services qu'il rend et qu'il est appelé à rendre à la collectivité."
Nous devons donc imposer un contre récit: les étudiants sont des travailleurs, méritant un salaire, et comme il n'est pas nécessaire de s'endetter pour produire, récusons tout crédit fut-il public... Sortons du cortège funéraire, et affirmons, la stratégie défensive ne suffisant pas. Le problème n'est pas la sélection à l'entrée ou l'autonomie des universités. L'enjeu, c'est le salaire et la subvention. Le mode de financement doit être celui de la cotisation, pour ne pas réitérer l'échec stratégique de 1948.
Nous produisons actuellement sur ce mode la santé, 220 milliards, ou la retraite, 270 milliards. Il faut partir sur des montants équivalents, socialisé dans une nouvelle caisse, unifiée dans le régime général.
Billet librement inspiré de ce livre: Un salaire étudiant - Aurélien Casta

Et surtout grâce à l'entretien, dans le texte, de J. Bernard
https://www.hors-serie.net/Dans-le-Texte/2018-05-19/Un-salaire-etudiant-id307