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Billet de blog 1 mai 2013

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Tu t'en fous toi du Tibet ?!

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Qui soutient le front de gauche se retrouve un jour à parler du Tibet.

Forcément.

Avec parti pris, je retrouve un article du monde diplomatique que je m'empresse de vous transmettre:

Du féodalisme absolu à l'édification d'une société nouvelle
Le Tibet sort de la nuit
        
Le 1er septembre 1965, l'accession au statut de région autonome du Tibet occupé par les Chinois était officiellement proclamée à Lhassa, lors de l'ouverture de la session de la première Assemblée populaire tibétaine. Le discours d'inauguration fut prononcé par M. Hsieh Fuchih, vice-premier ministre chinois. Si la République populaire de Chine, à côté de ses provinces, comprend plusieurs « régions autonomes » (Mongolie-Intérieure, Sinkiang, Ouighour, Kwangsi et Ninghsia), le Tibet est celle où les dirigeants chinois auront rencontré le plus de difficultés.
L'esprit dans lequel cette autonomie décidée en 1954 avait été conçue a profondément été modifié sous la pression de divers événements qui s'y sont déroulés depuis. Plus qu'aux causes qui ont amené ces modifications, nous nous attacherons à faire ressortir les changements intervenus dans la vie de ce peuple, qui du féodalisme absolu passe à l'édification d'une société nouvelle sans connaître les stades intermédiaires par lesquels d'autres peuples ont dû obligatoirement passer.       
Le Tibet mystérieux, le pays des lamas, le toit du monde... Etrange et majestueuse région où s'élèvent les plus hautes montagnes du monde. Elle forme un vaste plateau qui s'étend au nord de l'Inde et de la Birmanie sur une superficie de 1 200 000 kilomètres carrés (un peu plus de deux fois celle de la France). Géographiquement, cet immense plateau, d'une altitude moyenne de 4 500 mètres, est traversé de chaînes parallèles dont les crêtes culminent à plus de 7 000 mètres ; au sud, à la frontière de l'Inde et du Népal, le plateau est bordé par la chaîne gigantesque de l'Himalaya, qui dresse en territoire tibétain l'Everest appelé par les habitants « Djomoloungma ».
Pour arriver à Lhassa, la capitale, il faut passer quatorze cols situés entre 3 600 et 5 000 mètres, traverser le cours supérieur des grands fleuves d'Asie : Yang-tsé-kiang, Mékong, Salouen, longer le Brahmapoutre, qui est aussi, comme l'Indus, un fleuve prenant naissance au Tibet. Au nord, c'est la redoutable chaîne des monts Kouen-Loun, une région désertique, un climat terrible.
Les récits abondent sur ce pays, qui fut un pôle d'attraction pour les explorateurs et les aventuriers pendant des siècles, décrit comme une terre mystérieuse où il se passe à toute heure du jour et de la nuit des choses surnaturelles. Il semble que le mystérieux, au Tibet, doit être cherché non pas dans des spéculations ou pratiques charlatanesques communes à toutes les époques semblables au Moyen Age — elles étaient les mêmes en Mongolie, — mais d'abord dans les raisons qui ont fait que le peuple tibétain en soit resté au stade du Moyen Age.
La première raison se trouve sans aucun doute dans l'isolement géographique du Tibet, dans les difficultés de pénétration — naguère elles ne pouvaient s'effectuer qu'à l'aide de caravanes de yacks, chevaux, mules et ânes — qui, en tenant cette région à l'écart du reste du monde, n'ont jamais permis qu'une quantité dérisoire d'échanges avec l'extérieur.
Vivant en économie fermée, étranger à l'évolution, assez lente d'ailleurs, des pays et des régions d'alentour, le Tibet a encore été retardé pendant quatre cents ans, du neuvième au treizième siècle, par les luttes épuisantes entre tribus, luttes sans résultat parce qu'il ne s'est pas trouvé un chef de tribu assez puissant pour dominer et soumettre durablement les autres et entreprendre la centralisation des pouvoirs l'unification politique.
Lorsque le lamaïsme vit le jour sur ce fond de sorcellerie et d'occultisme qu'était le chamanisme, lorsque la secte jaune, fondée par le réformateur Tsoung Kapa eut dominé les autres sectes Rouge, Blanche et Noire. la théocratie vit le jour, pouvoirs politiques et religieux mêlés. C'est ce régime qui a été la cause du retard social du peuple tibétain, de l'arrêt de la civilisation il y a plusieurs siècles. A l'isolement géographique, et, par conséquent, économique, s'ajouta la paralysie, la fixation des formes sociales, dues à l'énorme emprise de la religion sur les esprits.
Les évaluations démographiques sont très controversées. Les écarts et les erreurs de calcul viennent surtout de ce que, sur les 4,5 millions de Tibétains, 1,2 million habitent le Tibet même, le reste étant réparti dans les provinces limitrophes du Setchouan, du Yunnan, du Tsinghaï. Avant l'insurrection des féodaux en 1959, la population se répartissait approximativement comme suit : 650 000 serfs agriculteurs, 300 000 serfs pasteurs, 150 000 lamas, 70 000 artisans, nobles, marchands, etc.
« Les différenciations sociales étaient des plus faciles à faire, écrit A. Harrer ; il y avait les serfs et les propriétaires de serfs. » Ces derniers étaient les « trois grands » : le Kasha (gouvernement local), les nobles et les monastères. Ces trois groupes totalisaient environ 5 % de la population. Ils possédaient toutes les terres (Kasha, 38,9 % ; nobles, 24,3 % ; monastères, 36,8 %).
Il a fallu la révolte des féodaux en 1959 pour pénétrer certaines réalités de la société tibétaine. Ce qui laisse penser que le gouvernement chinois lui-même, en raison des clauses de l'accord sino-tibétain (mai 1951), accord qui promettait l'autonomie politique, la liberté religieuse, le maintien des structures existantes, ne connaissait ni toutes les formes ni toute l'étendue de l'exploitation et de l'oppression dont était victime la majorité de la population.
Dans les régions agricoles, la division des couches de la population était la suivante :
— le maître : noble, monastère ou Kasha, possédant la terre et les hommes ; — le ou les agents du maître, parfois fonctionnaires, parfois serfs ; – les serfs, divisés en trois catégories : tsaïpas, duitchungs et langsuns.
Les « tsaïpas » représentaient la catégorie supérieure des serfs. Ils étaient attachés à la terre, appartenaient au maître, ainsi que leurs enfants. Ils recevaient une « terre de corvée » dont la récolte leur revenait. Ils employaient des « duitchungs », serfs de la catégorie inférieure, pour faire les corvées dues au maître. C'est parmi les « tsaïpas » que les maîtres recrutaient une partie de leurs agents.
Les « duitchungs » venaient au second rang dans la hiérarchie du servage. Comme les « tsaïpas » ils étaient attachés au maître, mais ne recevaient de lui aucune « terre de corvée » et devaient, en signe de leur aliénation, payer un impôt de tête. Pour subsister Ils consacraient le moindre temps qui leur était laissé à des travaux auxiliaires.
Les « oula » et les « monié » étaient les sous-catégories des duitschungs. Le mot « oula » signifiait corvée. Aucun serf, quelle que soit sa condition sociale, n'y échappait. Les services de l'« oula » étaient prescrits par la coutume locale, ou bien simplement réclamés d'office par le propriétaire. Ils touchaient un petit salaire en plus de la nourriture et du vêtement. Le titre d' « oula » était héréditaire.
Les « monié » travaillaient toute l'année pour le monastère. Ils étaient autorisés à louer des parcelles qu'ils ne pouvaient travailler que lorsque le monastère n'avait plus besoin d'eux et pour lesquelles ils payaient un fermage. C'était généralement des hommes et des femmes qui faisaient la corvée permanente, mais qui ne payaient pas d'impôt de tête comme les duitchungs.
Les « langsuns » étaient non des serfs, mais des esclaves. Ils formaient environ 5 % de la population. Ils appartenaient au maître, qui en disposait à sa guise, ne percevaient aucun salaire et donnaient dans les couloirs, étables et bergeries. Le langsun ne devait sortir du domaine sous aucun prétexte. On était langsun héréditairement, avec l'impossibilité de changer d'état.
Dans les régions pastorales – elles occupent près de 1 million de kilomètres carrés — les « trois grands » : Kasha, nobles et monastères, détenaient tous les pâturages ainsi que 30 % du cheptel. Ils formaient 1 % de la population de pasteurs. Les pasteurs riches et autres grands propriétaires de bétail possédaient 30 % du cheptel, n'avaient aucun pâturage en propriété et représentaient 3 % de la population pastorale. Enfin, les pasteurs moyens et pauvres, qui avec les « yopo-yomo » (1) constituaient plus de 95 % de la population pastorale, se partageaient 40 % du cheptel et n'avaient, eux non plus, aucun pâturage en propriété.
Possédant tous les pâturages, 30 % du cheptel et toutes les terres de culture, les féodaux tibétains disposaient d'une puissance considérable et dominaient toutes les catégories de pasteurs, même les plus riches, qu'ils pouvaient exploiter et opprimer à volonté. Cette exploitation, poussée dans de telles conditions, mettait en danger l'existence même de certaines tribus.
Aux formes d'exploitation que nous venons d'énumérer —il y en avait encore beaucoup d'autres — il convient d'ajouter l'usure qui était pratiquée aussi bien dans les régions agricoles que pastorales. En brisant ces rapports féodaux, il est incontestable que, dans un certain sens, la Chine a libéré cette population et a apporté une vie meilleure aux anciens serfs et pasteurs (2).


Le soulèvement de 1959
Les Chinois ont coutume de dire, à propos du Tibet : « Man man ti laï », c'est-à-dire « cela vient lentement, mais cela viendra ». Jamais proverbe n'a mieux trouvé sa justification qu'au « pays des lamas ». Lorsque, le 9septembre 1951, les forces armées chinoises font leur entrée à Lhassa saluées par le dalaï-lama, les féodaux tibétains ont le pressentiment de leur fin.
On les retrouve comme « forces dirigeantes » du « Front uni patriotique anti-impérialiste » fondé sur la base du traité du 23 mai de la même année, dit « traité pour la libération pacifique du Tibet ». Si les clauses du « traité » étaient relativement souples, leur mise en application, toutefois, dépendait du milieu intrinsèque, du stade d'évolution, du rapport des forces, de la superstructure existant qui doit se modifier. Dans le cas du Tibet, le problème consistait à transformer la situation des couches les plus défavorisées en tenant compte des intérêts des couches féodales. Il est bien évident que les serfs, toujours en servage, ne furent pas consultés. Les hostilités, rivalités entre chefs de province, entre clans politiques ou religieux, reprirent. Au fil des mois, une sourde résistance commença à se manifester. Et à la fin de 1956 la situation politique était tellement inquiétante que le gouvernement chinois jugea prudent, dès le début de 1957, de suspendre toutes réformes pendant six ans, jusqu'en 1962. Le soulèvement de la population khamba, en 1959, sera l'étincelle qui fera éclater le Tibet.
Le 28 mars 1959 le Conseil des affaires d'Etat ordonna la dissolution du gouvernement local, dont le dalaï-lama était le président. Après la fuite de ce dernier en Inde (3), les dirigeants chinois changèrent complètement leur politique. A une volonté initiale de ménager certaines coutumes tibétaines succéda la volonté d'introduire le plus rapidement possible d'indispensables « réformes démocratiques ». Que s'est-il passé depuis ? Quelles ont été les conséquences du contact de la Chine nouvelle avec l'une des sociétés les plus rigides et les plus lointaines du monde ?
La masse des serfs, qui représentaient les neuf dixièmes de la population, fut la force principale sur laquelle s'appuyèrent le gouvernement chinois et le comité préparatoire pour la région autonome du Tibet pour promouvoir les réformes indispensables. Dans toutes les sphères, la première étape de ces réformes consistait dans les «  trois anti » : anti-rébellion, anti-travail forcé et anti-esclavage, et les « deux moins »  : réduction du taux de fermage et des intérêts sur les dettes.
Les féodaux qui n'avaient pas participé à la rébellion furent autorisés à conserver leur propriété. On leur racheta une partie de la terre et du bétail pour les remettre aux paysans. Les autres virent leurs propriétés confisquées et leurs terres distribuées à leurs anciens serfs. Il en fut de même pour les grands propriétaires de bétail. Ceux qui n'avaient pas participé à la rébellion purent conserver leur bétail. Ils durent cependant diminuer le taux d'exploitation des pasteurs, annuler toutes sortes d'impôts et taxes, augmenter et donner des salaires. Les autres eurent leurs troupeaux confisqués et répartis entre les pasteurs.

Des réformes profondes
Une réforme agraire fut également promulguée. Dans ce pays où la surface des terres cultivées était alors d'environ 200 000 hectares, elle était indispensable pour asseoir la transformation sociale, politique et économique et rénover les méthodes agricoles du système social tibétain, qui, depuis mille trois cents ans, étaient demeurées figées dans une routine profondément enracinée. La religion condamnait l'emploi des insecticides, et déconseillait le labour profond afin de ne pas déranger les esprits de la terre. Dans le domaine des instruments aratoires, on en était encore au VIIe siècle. « On se croirait au Moyen Age, raconte A. Winnington, qui visita le Tibet en 1955. Les charrues étaient remplacées par un pieu terminé par une pointe de fer que tiraient des ''dzo'' (croisement entre le yak et le boeuf). »
Aujourd'hui, la plupart du million de serfs émancipés se sont groupés en équipes d'entraide qui embrassent 95 % des familles rurales. C'est là, sans nul doute, un facteur important qui a contribué au rapide progrès de la production.
De plus, depuis 1959, de nouveaux instruments aratoires métalliques ont été fabriqués ou remis au Tibet en quantité suffisante pour que chaque famille dispose en moyenne de huit instruments différents. Rien qu'en 1965, le gouvernement a fourni 90 000 instruments aratoires de toutes sortes, dont 4 000 charrues de type nouveau, ainsi que des prêts considérables sans intérêt ou à court terme. La surface cultivée s'est accrue de 40 000 hectares en six ans et les récoltes ont augmenté dans des proportions non négligeables. Celle de l'an dernier a été suffisante pour donner à chaque habitant 36,4 % de plus de grain qu'en 1959. Dans la vallée de la rivière Lhassa, une des plus grandes régions agricoles du pays, sur une superficie de 20 000 hectares, la récolte céréalière a accusé une augmentation de 6 % par rapport à 1964, ce qui a permis à chaque habitant d'obtenir environ 500 kilogrammes de grains.
L'utilisation de méthodes scientifiques dans le domaine des cultures et sept bonnes récoltes successives ont fait mentir ce vieux dicton chinois : « L'homme sème, mais les dieux donnent la récolte. » En 1964, la production céréalière totale a été de 45,71% plus élevée que celle de 1958.
De tout temps, le problème de l'irrigation s'est posé au Tibet. Au printemps, la sécheresse sévit sur les hauts plateaux, mais personne ne songeait à tirer parti des eaux de la fonte des neiges. Sous ce rapport également un effort considérable fut entrepris. Les travaux d'irrigation réalisés ont permis d'augmenter la surface cultivée de 20 %,la surface ensemencée de 30 %, sans compter que le rendement de la terre s'est accru de plus du quart.
Dans le domaine de l'élevage, l'application des nouvelles méthodes commence à porter ses fruits. Les pasteurs, qui autrefois plaçaient toute leur confiance dans les prières pour protéger leurs troupeaux des épidémies, découvrent les vertus de l'aiguille hypodermique, qui donne des résultats plus sûrs. La peste bovine a été éliminée, le charbon et la fièvre aphteuse enrayés, la mortalité du bétail, qui était de 20 % dans les années précédant la libération, est tombée à 3,5 %. Le cheptel en 1964 était supérieur de 36% à celui de 1958 (une estimation évaluait le cheptel à six millions de têtes en 1959).
L'un des handicaps les plus sérieux au développement des ressources agricoles et à celui du cheptel résidait dans le manque de main-d'œuvre. Avant 1959, la situation allait empirant du fait que le quart de la population mâle, confinée dans les monastères, ne pouvait servir au repeuplement du pays ni au travail de la terre. Depuis l'abolition du servage, le taux annuel moyen d'accroissement de la population est de 2 %. Celle-ci maintenant s'élève à 1 321 500 habitants, répartis entre 274 400 familles, contre 230 000 en 1959. Une sensible élévation du niveau de vie, un nombre sans cesse croissant d'établissements médicaux, des soins gratuits, des méthodes d'accouchement modernes, le traitement sur une grande échelle des maladies vénériennes, la vaccination obligatoire pour tous, ont permis un accroissement de la population de 10,4 % en cinq ans.

Vers la fin de l'isolement
Le Tibet compte aujourd'hui quinze hôpitaux modernes et cent quarante-neuf centres sanitaires et cliniques. Les régions les plus accidentées, les plus difficiles d'accès, ont leurs propres dispensaires, tandis que des équipes médicales itinérantes visitent régulièrement villages et agglomérations les plus reculés.
L'isolement du « Toit du monde » est en train de prendre fin. Quatre routes permettent aux véhicules d'arriver à la capitale : la route Sikang-Tibet (2 143 kilomètres), venant de l'est par le Setchouan ; la route Tsinghaï-Tibet (1965 kilomètres), venant du nord ; la route Sinkiang-Tibet, venant de l'ouest, et la route de Yatoung venant de l'Inde par le Sikkim. Aujourd'hui, 15 000 kilomètres de routes desservent 90 % des districts tibétains. Ajoutons à cela la ligne de chemin de fer — sa construction est fort avancée – qui doit relier Lhassa à l'intérieur de la Chine et la ligne aérienne Pékin-Lhassa. Cette infrastructure routière va permettre à l'économie tibétaine de prendre, dans les années à venir, un réel essor.
Bien que la première coulée d'acier produite par des fondeurs tibétains remonte à 1958, l'industrie est encore élémentaire. Soixante-sept petites installations tant soit peu modernes ont fait leur apparition : usines pour accessoires de camions, huileries, cimenteries, minoteries, fabrique d'instruments aratoires, briqueteries, tuileries, etc. La centrale hydro-électrique de Ngachten, sur la rivière Lhassa, terminée en 1960, est la plus grande des trente stations construites au Tibet. L'industrie emploie vingt-cinq mille ouvriers tibétains, dont beaucoup de femmes. L'artisanat traditionnel est en expansion.
L'instruction est obligatoire. Près de mille cinq cents écoles primaires et secondaires accueillent soixante mille enfants. Des cours du soir fonctionnent pour les adultes. La radio fait ses débuts. Un journal tibétain est publié à Lhassa à huit mille exemplaires. Les éditions chinoises diffusent quantité de livres et magazines en tibétain. La langue populaire remplace le langage littéraire archaïque réservé autrefois aux « trois grands ». Un nouveau vocabulaire politique et technique, traduit du chinois, est introduit. Les formes de la culture tibétaine sont maintenues, mais le contenu est de plus en plus transformé. La liberté du culte est officiellement reconnue. Une forte majorité de moines ont été reconvertis. Les lamaseries sont maintenant administrées par des comités élus par les lamas eux-mêmes.
Le système social si particulier du Tibet, fondé sur un passé historique lointain et des traditions profondément ancrées, qui se refléteront sans doute pendant longtemps encore (4), est en train de subir un. changement sans précédent dans l'histoire.
Bernard Couret
(1)  Ils sont serfs d'un des « trois grands » comme tous les pasteurs, mais avaient un deuxième maître, pasteur riche pour lequel ils travaillaient, sans salaire la plupart du temps.
(2)  Toutefois les réformes réalisées entre 1951 et 1959 ne modifièrent pas les rapports existants. En 1953, le panchenlama et ses conseillers décidèrent que l'accumulation des dettes, devenant un problème insurmontable pour le paysan, retardait le développement de l'agriculture. Chaque cas fut examiné. Les intérêts à payer furent annulés pour les uns, sensiblement réduits pour les autres. En même temps on supprima certaines taxes secondaires. Les « vieilles dettes » contractées avant 1951 furent plus facilement remises que les dettes récentes. Encore convient-il de préciser que cette politique gouvernementale fut plus ou moins suivie dans les grands domaines des monastères et des nobles, chacun d'eux étant un Etat dans l'Etat, possédant sa propre police, ses lois et sa justice.
(3)  On estime à 150 000 environ le nombre des Tibétains qui ont suivi le dalaï-lama dans sa fuite. On les retrouve au Népal, en Inde, au Bouthan, au Sikkim, en Suisse (300) et en France, où trente petits Tibétains sont hébergés dans un village des Pyrénées.
(4)  La septième session du Comité préparatoire pour la région autonome du Tibet, qui s'est tenue à Lhassa de septembre à novembre 1965, a condamné « avec vigueur les activités de sabotage d'une poignée de propriétaires et leur conspiration en vue de restaurer le vieil ordre abhorré ».

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