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Billet de blog 20 décembre 2025

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Le Banquier de l'Élysée

55 milliards d'intérêts par an. Cinq fois l'ISF supprimé. Qui sont les vrais clients du président ?

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Le Banquier de l'Élysée

Macron n'a jamais cessé de servir ses clients


On dit qu'Emmanuel Macron fut banquier d'affaires chez Rothschild. On utilise le passé. On a tort.

Emmanuel Macron est toujours banquier. Il a simplement changé de bureau. De la rue de Messine au palais de l'Élysée. De client en client, de deal en deal, avec la même méthode, la même logique, les mêmes bénéficiaires.

La seule différence : il ne gère plus les affaires des autres. Il gère les nôtres. Mais pas pour nous.


Ce que fait un banquier d'affaires

Avant de comprendre ce que Macron fait à l'Élysée, il faut comprendre ce qu'il faisait chez Rothschild.

Un banquier d'affaires ne produit rien. Il ne crée rien. Il structure des opérations entre des parties qui ont des intérêts divergents. Son talent consiste à maximiser le gain de son client — jamais celui de l'autre partie.

Chez Rothschild, Macron excellait dans cet exercice. Son coup de maître : convaincre Nestlé de surenchérir sur Danone pour racheter la division nutrition de Pfizer. Résultat : 11,9 milliards de dollars. Pfizer empoche 600 millions de plus que prévu. Nestlé obtient ce qu'il voulait. Rothschild touche sa commission.

Et l'autre partie ? Danone, en l'occurrence. Elle a perdu. C'est le jeu.

Le banquier protège ses clients. Pas les autres.


La France comme « autre partie »

Observons maintenant la politique économique du président Macron. Non pas avec les lunettes du citoyen indigné, mais avec celles de l'analyste froid.

2017 : Suppression de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune. Trois milliards d'euros rendus chaque année aux 350 000 foyers les plus riches. Officiellement, pour qu'ils « investissent dans l'économie ».

2018 : Instauration du Prélèvement Forfaitaire Unique à 30 % sur les revenus du capital. Les dividendes sont désormais moins taxés que les salaires. Officiellement, pour « attirer les investisseurs ».

2019 : Assouplissement de l'exit tax. Les grandes fortunes peuvent quitter la France en payant moins. Officiellement, pour « simplifier la fiscalité ».

2017-2025 : La dette publique passe de 98 % à 115,6 % du PIB. De 2 200 milliards à 3 416 milliards d'euros. Plus de mille deux cents milliards de dette supplémentaire en huit ans.

Officiellement, c'est un « fardeau » dont il faut « protéger les générations futures ».

Officieusement, c'est une manne pour ceux qui la détiennent.


À qui profite la dette ?

La dette française coûte désormais entre 55 et 58 milliards d'euros d'intérêts par an. Cette charge a doublé depuis 2020. Elle atteindra 69 milliards en 2027 selon les projections officielles.

Pour donner une échelle : c'est presque autant que le budget de l'Éducation nationale. C'est davantage que le budget de la Défense. C'est cinq fois le montant de l'ISF supprimé par Macron.

Cinq fois.

D'un côté, on supprime un impôt qui rapportait 4 milliards par an au nom de « l'attractivité ». De l'autre, on verse 55 milliards par an aux détenteurs de la dette. Le transfert est arithmétiquement vérifiable.

Qui sont ces créanciers ?

L'Agence France Trésor publie des statistiques rassurantes : 45 % de la dette serait détenue par des résidents français. Banques, assureurs, fonds de pension. Tout va bien.

Mais les 54,7 % restants — soit plus de 1 800 milliards d'euros — sont détenus par des « non-résidents ». Qui exactement ? L'Agence ne le dit pas. Secret commercial. Confidentialité des marchés. La loi française protège l'anonymat des créanciers de l'État.

On sait seulement ceci : une partie significative de cette dette est détenue via des véhicules domiciliés au Luxembourg, en Irlande, aux Pays-Bas — les paradis fiscaux de l'Union européenne.


BlackRock : Le client qui ne dit pas son nom

Il y a pourtant un nom qui revient. Un nom que les médias murmurent sans jamais approfondir.

BlackRock.

Le plus grand gestionnaire d'actifs au monde. Dix mille milliards de dollars sous gestion. Plus puissant économiquement que la plupart des États de la planète.

Selon les estimations disponibles, BlackRock détient environ 7 % de la dette publique française. En août 2018, un an après l'élection de Macron, l'encours de dette française chez BlackRock avait doublé pour atteindre 32 milliards de dollars.

Coïncidence calendaire, sans doute.

Autre coïncidence : les visites de Larry Fink, patron de BlackRock, en France.

Avant 2017, Larry Fink ne venait jamais en France. Depuis l'élection de Macron, il ne cesse d'y revenir.

Juin 2017 : Trente jours après son investiture, Emmanuel Macron invite Larry Fink à Matignon, puis à l'Élysée. Trente jours. Le temps de défaire ses cartons.

26 octobre 2017 : Les salons de l'Élysée sont privatisés pour réunir les dirigeants de BlackRock avec les ministres du gouvernement.

7 juin 2024 : Larry Fink est à Paris. Quelques jours plus tard, Macron dissout l'Assemblée nationale.

Ces visites ne sont pas secrètes. Elles sont traçables grâce au jet privé de Fink, un Gulfstream G650 dont le journaliste Denis Robert a identifié le numéro d'immatriculation.

Ce qui est moins documenté, ce sont les conversations.


Les demandes de BlackRock

En 2017, BlackRock avait fait savoir publiquement ce qu'il attendait de la France. Ses représentants avaient formulé trois exigences :

  1. « La mise en place effective d'une vraie réforme du marché du travail »
  2. « Des coupes intelligentes et durables dans les dépenses publiques »
  3. « Des baisses d'impôts à terme pour les entreprises »

Observons le bilan.

Réforme du marché du travail : Ordonnances Pénicaud de septembre 2017. Plafonnement des indemnités prud'homales. Facilitation des licenciements. Fusion des instances représentatives du personnel.

Coupes dans les dépenses publiques : Suppressions de postes dans la fonction publique. Réduction des APL. Gel du point d'indice. Fermetures d'hôpitaux.

Baisses d'impôts pour les entreprises : Suppression de l'ISF. Flat tax sur les dividendes. Baisse progressive de l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %.

Trois demandes. Trois réalisations.

Emmanuel Macron n'a pas trahi ses électeurs. Il a simplement servi d'autres clients.


Les médailles du mérite

Dans le monde des affaires, on récompense ceux qui servent bien.

Jean-François Cirelli, président de BlackRock France, a reçu la Légion d'honneur. La décoration a suscité quelques remous — vite oubliés.

Jamie Dimon, patron de JP Morgan, a reçu la Légion d'honneur des mains d'Emmanuel Macron le 29 novembre 2022. La date n'est pas anodine : c'était au moment précis où se négociait le compromis final sur les services financiers au Conseil européen. Un compromis dont la France défendait les positions les plus favorables aux géants américains de la finance.

On décore rarement ses adversaires.


Automne 2025 : Le verdict des marchés

Si Macron travaillait vraiment pour la France, les résultats devraient être visibles. L'économie devrait prospérer. Les finances publiques devraient s'améliorer. La confiance des investisseurs devrait se renforcer.

Observons les faits.

12 septembre 2025 : L'agence Fitch dégrade la note souveraine de la France de AA- à A+. Motif invoqué : « l'instabilité politique » et « l'absence d'horizon clair pour stabiliser la dette ».

17 octobre 2025 : Standard & Poor's suit. Même sanction. AA- devient A+. La France perd son « double A » pour la première fois depuis 2012.

24 octobre 2025 : Moody's place la note française sous perspective négative. Le dernier rempart vacille.

Fitch prévoit que la dette atteindra 121 % du PIB en 2027. « Sans perspective claire de stabilisation dans les années à venir. »

La France se finance désormais à des taux supérieurs à ceux de l'Espagne, du Portugal — et parfois de l'Italie. Une première depuis quinze ans.

Mais voici le détail qui révèle tout.

Octobre 2025 : Après la dégradation par Standard & Poor's, BlackRock et State Street — deux des plus grands gestionnaires d'actifs mondiaux — modifient discrètement les règles de leurs fonds pour éviter des ventes forcées de dette française.

Autrement dit : les créanciers adaptent leurs propres règles pour continuer à détenir une dette dont la qualité se dégrade.

Pourquoi feraient-ils cela si l'investissement n'était pas rentable ?


L'équation du banquier

Résumons les flux.

L'État français verse 55 milliards d'euros par an à ses créanciers. Ce montant augmente chaque année. Il atteindra 69 milliards en 2027.

Ces créanciers sont majoritairement anonymes. On sait seulement que 54,7 % d'entre eux sont « non-résidents » et que BlackRock détient à lui seul 7 % du total.

Pendant ce temps, l'ISF a été supprimé (4 milliards de recettes annuelles en moins), les dividendes sont moins taxés que les salaires, et l'évasion fiscale française est estimée entre 60 et 80 milliards d'euros par an — vers les mêmes paradis fiscaux d'où proviennent une partie des prêts.

Le circuit est fermé.

L'argent qui aurait dû être taxé nous est reprêté. Avec intérêts.


La logique du banquier appliquée à l'État

Un banquier d'affaires raisonne en termes de flux financiers, pas de bien commun. Son objectif n'est pas de développer une entreprise ou de créer de la valeur. Son objectif est de structurer des opérations qui génèrent des commissions pour ses clients.

Appliquons cette grille à la gestion de la France.

Plus l'État emprunte, plus les créanciers gagnent. Plus la dette est élevée, plus les intérêts sont importants. Plus les intérêts sont importants, plus il faut emprunter pour les payer.

C'est un cercle vertueux — si l'on est du bon côté. Un cercle vicieux — si l'on est de l'autre.

Emmanuel Macron est du bon côté. Il a toujours été du bon côté. Chez Rothschild, il servait les intérêts de Nestlé contre ceux de Danone. À l'Élysée, il sert les intérêts des créanciers contre ceux des contribuables.

La méthode est la même. Seule l'échelle a changé.


« On ne peut pas faire autrement »

L'objection classique arrive ici. Les contraintes européennes. Les traités. L'article 123 du TFUE qui interdit à la Banque Centrale de financer directement les États. Maastricht. La « discipline budgétaire ».

Comme si ces règles étaient tombées du ciel. Comme si elles n'avaient pas été écrites par des hommes — souvent les mêmes qui en bénéficient. Comme si elles ne pouvaient pas être réécrites.

L'Islande a fait défaut sur sa dette en 2008. Elle a laissé ses banques s'effondrer. Elle a refusé de rembourser les créanciers étrangers. Résultat : une récession brutale de deux ans, puis une reprise spectaculaire. Croissance, emploi, niveau de vie. L'Islande va mieux qu'avant la crise.

Mais l'Islande n'est pas dans l'Union européenne. Elle n'a pas de banquier à l'Élysée. Elle n'a pas invité Larry Fink trente jours après l'élection de son Premier ministre.


Le vrai métier du président

François Hollande avait déclaré au Bourget que son « véritable adversaire » était « le monde de la finance ». Quelques mois plus tard, il nommait un banquier de chez Rothschild secrétaire général adjoint de l'Élysée.

Ce banquier s'appelait Emmanuel Macron. Il occupait le même bureau qu'avait occupé François Pérol — un autre banquier Rothschild — sous Nicolas Sarkozy.

Les présidents changent. Les banquiers restent.

Et quand le banquier devient président lui-même, l'illusion s'effondre. Il n'y a plus de façade. Plus d'intermédiaire. Plus de faux-semblant.

Macron gouverne comme il conseillait. Il structure des opérations. Il protège des intérêts. Il maximise des rendements.

Les siens ? Non. Il n'est pas si vulgaire.

Ceux de ses anciens collègues. Ceux de ses vrais clients. Ceux qui achètent la dette. Ceux qui touchent les intérêts. Ceux qui ont placé leurs capitaux à l'abri de l'impôt — et qui nous les reprêtent avec une marge confortable.

Ceux qui reçoivent la Légion d'honneur quand ils viennent négocier à Bruxelles.


La dette comme instrument de contrôle

Michel Foucault avait identifié le mécanisme dès les années 1970. Le pouvoir moderne ne s'exerce plus par la contrainte physique. Il s'exerce par la dette.

Un État endetté est un État docile. Il ne peut plus décider seul. Il doit rassurer ses créanciers. Il doit « envoyer des signaux aux marchés ». Il doit « restaurer la confiance ».

La confiance de qui ? Pas celle des citoyens — ils n'ont jamais été aussi méfiants. La confiance des investisseurs. La confiance de ceux qui prêtent. La confiance de BlackRock, de State Street, des fonds souverains du Qatar et d'Abou Dhabi.

Chaque réforme douloureuse — retraites, chômage, hôpital — est présentée comme une « nécessité » pour « préserver la signature de la France ». Traduction : pour que les créanciers continuent de nous prêter. Pour que les agences de notation ne dégradent pas davantage. Pour que les taux n'augmentent pas trop.

Nous sommes pris en otage par nos propres dettes. Et le négociateur travaille pour les preneurs d'otages.


La question que personne ne pose

On débat sans fin de la politique de Macron. On critique ses réformes. On s'indigne de ses déclarations. On compte les gilets jaunes, les grévistes, les manifestants.

Mais on ne pose jamais la question essentielle : pour qui travaille-t-il vraiment ?

Pas pour les retraités dont il repousse l'âge de départ. Pas pour les chômeurs dont il durcit l'indemnisation. Pas pour les fonctionnaires dont il supprime les postes. Pas pour les contribuables dont il alourdit la CSG tout en allégeant l'impôt sur le capital.

Il travaille pour ceux qui détiennent la dette. Ceux qui touchent les 55 milliards d'intérêts annuels — bientôt 69. Ceux qui ont placé leur argent au Luxembourg et qui nous le reprêtent depuis des fonds domiciliés en Irlande.

Il travaille pour ceux qui modifient les règles de leurs propres fonds pour continuer à détenir notre dette malgré sa dégradation.

Il travaille pour ses clients.

Comme tout bon banquier.


Conclusion : Le bureau a changé, pas la fonction

Emmanuel Macron n'a pas « trahi » la gauche en rejoignant le monde des affaires. Il n'a pas « changé » en supprimant l'ISF. Il n'a pas « évolué » en imposant l'austérité.

Il est resté exactement le même.

Le banquier d'affaires de la rue de Messine qui structurait des deals pour Nestlé est devenu le banquier d'affaires de l'Élysée qui structure des deals pour les créanciers de la France.

Les méthodes sont identiques. Les bénéficiaires sont les mêmes. Seule l'« autre partie » — celle qui perd — a changé d'échelle.

Chez Rothschild, c'était Danone.

À l'Élysée, c'est nous.


40 % de cet article repose sur des faits documentés et vérifiables. Les 60 % restants relèvent de l'analyse et de l'extrapolation — à vous de décider si la grille de lecture est pertinente.


Jerem Maniaco Auteur – Thriller psychologique & Roman noir | L'Art de la Manipulation | Psychologie du pouvoir et de l'influence


Sources documentées :

  • Agence France Trésor, répartition des détenteurs de dette, 2025
  • Vie-publique.fr, « La dette française en 2025 », juillet 2025
  • Fitch Ratings, communiqué de dégradation, 12 septembre 2025
  • Standard & Poor's, communiqué de dégradation, 17 octobre 2025
  • France Stratégie, évaluation des réformes de la fiscalité du capital, 2021
  • Élucid, « La charge de la dette publique de la France », octobre 2025
  • Élucid, « BlackRock en France : les dangers d'une intoxication institutionnelle », 2023
  • Wikipedia, « BlackRock » (encours dette française, visites Larry Fink)
  • Zonebourse, « BlackRock et State Street changent leurs règles », 22 octobre 2025
  • Denis Robert, Larry et moi, Éditions Massot, 2020
  • Marianne, enquêtes sur les liens Macron-BlackRock, 2019-2020
  • Observatoire des multinationales, « La boîte noire de la France à Bruxelles », 2023

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