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Billet de blog 4 novembre 2024

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Macron-Milei, un solo corazón

En amont du G-20 qui se déroulera au Brésil les 18 et 19 novembre, Emmanuel Macron a décidé de visiter le président argentin, Javier Milei. Il cautionne ainsi une politique qui appauvrit la population et violente les droits des personnes, au nom du libre marché.

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Domaine réservé

Il serait curieux d’appeler le bricolage institutionnel gouvernemental actuel une « cohabitation », tant Macron a délaissé les usages de la Vème République pour une interprétation toute personnelle de ses règles. Cohabitation ou pas, il est cependant certain que Macron préserve l’une des multiples incongruités de cette constitution : le « domaine réservé » de la présidence, qui veut que le président continue à décider de la politique internationale du pays alors qu’il ne représente plus la majorité de son électorat.

Ni Mitterrand ni Chirac n’ont renoncé à ce fameux « domaine réservé », il serait donc étonnant que Macron le délaisse, quand bien même sa parole internationale n’a guère plus de poids que celui de ses inconsistances (du genre proposer une coalition anti-Hamas en croyant pouvoir ressusciter la coalition contre Daesh, dans une impéritie qui pourrait être assez amusante si elle ne constituait pas une probable complicité de génocide). Sa propension à se prendre pour Talleyrand, quand il n’est pas certain qu’il arrive à la cheville d’un minable Georges Bonnet (munichois s’il en est, puis collaborationniste comme il se doit), est désormais bien établie.

Bref, tout cela pour dire que Macron décide de sa politique internationale. Il est donc pleinement et entièrement responsable de la rencontre qu’il a prévu avec le président argentin, Javier Milei, en amont du sommet du G20 qui aura lieu les 18 et 19 novembre au Brésil.

Appauvrissement massif et droits des personnes violentés

Que soutient Macron en se rendant à Buenos Aires ? Le « plus grand ajustement économique de l’histoire », selon les mots de Milei, qui provoque une gigantesque crise économique, appauvrissant massivement la population. Une crise volontairement provoqué, afin de faire baisser l’inflation, selon une logique qui veut que si plus personne n’a de quoi payer la nourriture, son prix finira bien par baisser. D’ailleurs, accélérant encore ce processus, le gouvernement a illégalement retenu la nourriture destinée à être distribuée aux plus pauvres. Il n’est pas certain que les prix aient baissés, il est en revanche attesté que des millions de personnes sont plongés dans la faim quotidienne.

Il est étonnant de voir comment ces libéraux se rencontrent dans leur haine du parlementarisme. Tout le monde aura vu comment Macron traite les résultats électoraux des législatives qu’il a lui-même appelé (dont les résultats auraient sans aucun doute été respecté si l’extrême-droite les avaient remporté). La même attitude, en mode Milei ça donne ceci : « le Parlement est un nid de rats ». Voilà pour le mythe des libéraux (économiques) forcément respectueux du système politique libéral. Le régime économique et le système politique, tous deux dits "libéraux", ne vont pas main dans la main, ils s'opposent.

Inutile de dire que la fameuse "tronçonneuse" de Milei s'attaque depuis un an à tous les services publics, stigmatisant tous ses travailleurs. Et on ne compte plus les droits de minorités violentés par l’administration Milei. Il n’est que rappeler l’effroyable assassinat par le feu de trois lesbiennes, le lendemain d’un discours haineux d’un député miléïste.

Se cacher derrière son petit lithium

On sait déjà comment la Macronie défendra cette nouvelle ignominie de son règne : le lithium. La région étant riche en cette matière, la France devrait se positionner au mieux pour l’exploiter. Les juteux contrats « pour la France » seraient l’excuse pour se prendre des selfis avec le président argentin d’extrême-droite. C’est oublier que l’extrémisme de Milei est, précisément, celui du marché. Le marché, rien que le marché, sa dictature pleine et entière.  Quand le marché est la colonne vertébrale d’une idéologie, se positionner sur le marché équivaut à une adhésion à cette idéologie.

Au passage, ce n’est pas la première fois que la diplomatie française se baigne dans la boue en Argentine sous les auspices du saint-commerce. En 1979, en pleine dictature, la France fut le premier pays européen à réaliser une visite de rang ministériel au régime sanguinaire. Il était déjà question d'accords commerciaux et de se positionner sur le marché, si bien que le ministre de visite était celui du Budget. Il s’agissait de Maurice Papon, fleuron de la haute-administration française et symbole de la « continuité de l’État » (depuis Vichy jusqu’à Giscard, en passant par les massacres coloniaux et métropolitains).

Un solo corazón

En 1964, lorsque De Gaulle visita Buenos Aires, alors que Perón était proscrit du pays, les péronistes reçurent le président français avec un slogan: « De Gaulle-Perón, un solo corazón » (« De Gaulle-Perón, un seul cœur »). On raconte que le caudillo français (De Gaulle) n’apprécia guère de se voir ainsi associé à son pair argentin. Si Macron était reçu par les supporters de Milei avec le même slogan mis à jour, il serait en revanche, à n'en pas douter, très heureux.

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