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Billet de blog 9 septembre 2025

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Entre soulagement et grosse fatigue, la débâcle électorale de Milei

L’extrême-droite n’est pas une rupture avec le néolibéralisme mais son accélération. En moins de deux ans, Milei est parvenu à saccager le pays, ce qui demandait près d’une dizaine d’années à Menem, presque un mandat de quatre ans à Macri.

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Les élections dans la Province de Buenos Aires -qui constitue en soi un pays, avec pas loin de la moitié la population argentine-, apportent un vent frais. Enfin une respiration après près de deux ans d’asphyxie, intoxiqués que nous sommes par l’air irrespirable qui émane du gouvernement d’extrême-droite.

Celle-ci est arrivée très en retrait ce dimanche 7 septembre, treize points derrière le péronisme qui obtient plus de 47% des suffrages (avec une participation supérieure à 65%). Pour saisir l’ampleur de la claque, il faut rappeler que le parti présidentiel (La Libertad Avanza) a absorbé la droite traditionnelle (PRO) très puissante dans la province (le PRO représentait 37 % en 2023). Autrement dit, les deux partis font moins ensemble que ne faisait le seul PRO. Cela pourrait donc amener les opportunistes (pléthore, toujours pléthore, et de tous bords) à prendre leurs distances avec l’extrême-droite au pouvoir.

Soulagement d’une sortie d’HP

Soulagement car on peut se dire que la majorité n’est pas devenue complètement cinglée. Qu’elle registre bien le même monde, que ma perception n’est pas complètement autre que la leur.

Illustration 1
Axel Kicillof, gouverneur de la Province de Buenos Aires et grand vainqueur des élections. Capture d’écran Instagram, photo d’Anita Pouchard

Les résultats de ce vote sont un peu une sortie d’hôpital psychiatrique. A l’intérieur, il n’y a plus aucune certitude car le seul fait d’y être vous fait douter de votre bon sens. Et les autres patients portent des mondes qui ne coïncident en rien au votre, si bien qu’il n’y a plus aucun repère.

Un gouvernement d’extrême-droite est encore pire car, non seulement, il vous fait douter de votre entendement (je suis le seul à voir ce que font ces crevures? Que ce sont des crevures? ), il diffuse H24 une propagande qui décrit un autre monde -il serait l’équivalent de l’autre patient mais occupant la place d’autorité, dévolu au médecin dans l’HP.

Donc, déjà, en termes de santé mentale, voire l’extrême-droite refluer, c’est un baume.

Ensuite, moralement, il est toujours difficile de penser que la grande majorité sont des porcs. Si par un vote tu offres ton consentement à un gouvernement qui s’en prend aux personnes en situation de handicap, tu es un porc. Rappelons, il a réduit à peau de chagrin le budget pour le handicap, a organisé un système de souffrance, psychologique et physique, pour les personnes obligées de faire des queues interminables afin de prouver leurs handicaps. Et, dans le même temps, les plus hauts dignitaires du gouvernement les vole. Si tu acceptes tout cela, tu es un porc. Et pardon pour les cochons.

Moralement, savoir que les autres aussi s’indignent, c’est réconfortant. On peut être d’accord sur à peu près rien mais voir la même frontière de l’abjection franchie par ce gouvernement.

La grosse fatigue

Nous pourrions continuer longtemps sur pourquoi les résultats de ces élections provinciales (en soi, elles ne changent pratiquement rien aux pouvoirs institutionnels en Argentine) provoquent un grand soulagement.

Avec un peu trop d’optimisme, nous pourrions comprendre ces élections comme le début de la fin de Milei. Ce qui a des conséquences internationales, notamment chez les admirateurs de la tronçonneuse en France.

(Éric Ciotti, arrête de te cacher ! Viens nous expliquer pourquoi tu aimes tant le pillage des caisses du handicap.

Louis, va expliquer à ton papa que tu as encore foiré: ton opération de propagande de Milei est arrivée juste au moment où celui-ci a le groin coincé dans le pot de confiture. Mauvais timing, Sarko-la-Loose).

Mais nous pourrions aussi souligner tout ce qui nous attend. Et là, c’est la fatigue. La grosse grosse fatigue. Pourquoi cette lassitude ? Parce que la situation que créé la politique de Milei nous la connaissons déjà. En moins de deux ans, sa politique économique mène exactement où mènent toutes les politiques économiques néolibérales depuis cinquante ans. Elle enchaîne le pays à la dette, détruit l’appareil productif, fait exploser la pauvreté et enrichit les plus riches.

Avec des recettes similaires, Martinez de Hoz, l’emblématique ministre de l’Economie (1976-1979) de la dictature (1976-1983), arrivait au même point. Le plus néolibéral des présidents, le péroniste Carlos Menem, et son emblématique ministre de l’Economie Domingo Cavallo, avec des recettes similaires arrivait au même point. La droite traditionnelle, celle de Mauricio Macri (2015-2019), et son emblématique ministre de l’Economie, Luis Caputo, avec des recettes similaires arrivait au même point.

Milei a le même ministre de l’Economie, Luis Caputo… Mêmes recettes, même point.

Ainsi, l’extrême-droite n’est pas une rupture avec le néolibéralisme mais son accélération. En moins de deux ans, Milei est parvenu à saccager le pays, ce qui demandait près d’une dizaine d’années à Menem, presque un mandat de quatre ans à Macri.

La fatigue provient de revoir le même mur, toujours le même mur, sur lequel les néolibéraux (maintenant ultra) enfoncent le pays et le monde. 

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