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Billet de blog 11 juin 2024

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Macron, l’ami européen de Javier Milei

Le 19 juin, Macron reçoit Milei à l’Élysée. Cet acte protocolaire pourrait paraître anodin mais la brutalité – pas seulement discursive- d’un président qui qualifie le Parlement de « nid de rats », ainsi que l’observation de ses déplacements internationaux durant les six premiers mois de sa gestion rendent cette réception bien plus problématique

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Avec son dernier coup de poker, Macron confirme que la seule alternative qu’il conçoit à son pouvoir de droite libérale et une extrême-droite toute aussi libérale. Tant que le libéralisme économique est sauf, l’autoritarisme politique peut se déployer jusqu’à l’extrême.

Dans le même sens, il va devenir le premier chef d’État européen à recevoir l’ultra-libéral Javier Milei. En Argentine comme ailleurs, l’ultra-libéralisme est un courant (aujourd’hui le plus puissant) de l’extrême-droite. Ce n’est pas par hasard que la vice-présidente de Milei soit une fervente défenseuse de militaires tortionnaires et une catholique traditionnaliste : président et vice-présidente représentent deux courants de l’extrême-droite argentine qui ont réalisé l’alliance tant rêvée en France par Maréchal-Le Pen (et en passe de se concrétiser). Macron a donc décidé de recevoir un président d’extrême-droite ce 19 juin.

On pourrait certes penser qu’il s’agit d’une simple rencontre diplomatique au plus haut niveau, rien de que très naturel dans les relations internationales. Seulement voilà, depuis son investiture il y a six mois, la plupart des nombreux déplacements internationaux de Milei ont été motivés soit pour rencontrer des chefs d’entreprise (notamment de la Silicon Valley), soit pour des rencontres de partis conservateurs et d’extrême-droite. Milei s’est notamment rendu aux États-Unis et en Espagne, pour discourir dans des cénacles d’extrême-droite, sans visiter les autorités locales -et même, dans le cas de l’Espagne, en insultant son chef de gouvernement.  

Autrement dit, Milei conçoit sa « diplomatie » uniquement sous le prisme idéologique. Si on doute de ce prisme, il suffit de regarder le post qu'il a envoyé sur le réseau "social" de monsieur Musk, en guise de commentaire des élections européennes (lui-même s'auto-représente comme un lion), dont il salue les scores de l'extrême-droite (dont il croit être l'un des artisans).

Illustration 1

Il convient donc de lire la visite du président argentin en France sous le prisme de la diplomatie idéologique de Milei. Ce dernier se trompe-t-il lorsqu’il insulte le Premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sánchez, tout en cherchant à se rapprocher de Macron ?

Il se trouve que Macron a salué l’investiture de Milei, le 10 décembre dernier, avec un geste amical dépassant de loin le registre protocolaire. Il a brandi un maillot de l’équipe préféré de Milei, où celui-ci avait écrit son slogan « vive la liberté, bordel ! ». Sur cette photo, Macron lève le pouce, comme un petit coup de pouce au nouveau président argentin encore tenu en respect par la plupart des chancelleries.

Ce que Macron a « dédiabolisé » en France, il le « dédiabolise » en international. Et la réception de Milei la semaine prochaine à l’Élysée devrait être un nouveau pas dans le même sens. Une reconnaissance internationale qui vient à point nommé pour Milei de plus en plus contesté en Argentine pour la sauvagerie de sa politique littéralement assassine pour les plus pauvres (des programmes de distribution de médicaments ont été stoppé avec des morts à la clef, tandis que des milliers de tonnes de nourriture destinés aux plus pauvres ont été retenu pendant des mois).

Écraser les pauvres et encenser les plus riches? Oui, le discours de Milei est celui de Macron dégagé de son sur-moi. Chaque lapsus de Macron (du genre "ceux qui ne sont rien") compose le discours habituel de Milei. Macron, qui aime à s'écouter parler, devrait donc être fasciné en écoutant Milei.

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