A peine élu, Javier Milei a lancé une blitzkrieg législative, avec un décret et un projet de loi, tous deux comprenant des centaines d’articles, abrogeant ou modifiant des dizaines de lois, y compris du socle constitutionnel.
Sans entrer dans le contenu -souvent infâme- de ces textes, le procédé constitue une attaque directe à la citoyenneté. En privant, à la fois les corps intermédiaires (élus, juges, syndicats, associations, etc.) et l’ensemble des citoyens, du moindre temps de réflexion sur le contenu des « réformes », Milei a voulu transformer le pays sous sa seule autorité (et celle des cabinets de conseil, très intéressés, qui ont effectivement rédigé ces textes législatifs au profit d'entreprises multinationales).
Avec la dissolution de l’Assemblée, Macron fait de même : tâcher de prendre de court tout le monde, afin qu’aucun choix citoyen puisse s’effectuer. Son calcul, on le connaît, consistait en une gauche si éclatée que son électorat serait, pour la énième fois, obligé de sauver le pays de l’extrême-droite en le confortant dans son pouvoir monarchique.
En dehors des contenus, dans les deux cas, cette méthode, qui ne viole aucun texte constitutionnel, est une attaque frontale à la possibilité même de décider. La citoyenneté n’a d’autre solution que s’en remettre à ses émotions qui sont bien plus faciles à manipuler. Les émotions sont, tout manuel de guerre psychologique -ou de communication- l’indique, l’espace privilégié de la propagande.
C’est ainsi que peut se comprendre le thème de l’antisémitisme comme pivot de la campagne de la Macronie contre la gauche. Si le temps de réflexion existait, une telle campagne ne pourrait même pas être envisagé. En effet, il suffirait de regarder les engagements programmatiques de lutte contre les racismes de chaque coalition pour conclure que l’extrême-droite a notamment pour objectif de détruire les outils de cette lutte. Ici comme ailleurs, l’extrême-droite prône le « free speech », c’est-à-dire le déversoir sans limite des discours de haine.
L’absence de temps fait que nous lisons encore moins que d’habitude les programmes et nous en remettons à des médias dominants -dominés par la propagande- pour saisir les différentes options électorales.
D’ailleurs, on peut ici revenir en Argentine où, bien entendu, les premiers organismes supprimés par le gouvernement de Milei sont ceux dédiés à réguler la parole publique. Celle-ci est devenue une vanne grande ouverte de cruauté à laquelle les Argentins s'habituent, s’imprègnent jusqu'à la naturaliser. Si le Front Populaire ne vient pas réguler les médias privés et déployer des programmes de lutte contre les racismes et les discriminations, la France connaîtra ce même déversoir (d'autant qu'elle est déjà bien engagée dans cette voie).