Les hallucinants, et pourtant pas si étonnants, soutiens policiers du bas en haut de la hiérarchie, à un collègue soupçonné de violence injustifiée suscitent des indignations à gauche et parmi les défenseurs de l’Etat de droit (pas exclusivement de gauche). En effet, flics de tous les grades utilisent leur poids médiatique, politique et institutionnel pour faire plier la décision de magistrats de placer le suspect en détention préventive. Rappelons que cette dernière est, sur le papier, une mesure exceptionnelle mais, dans les faits, d’une banalité presque systématique (qui concerne environ 20 000 détenus dans les conditions ignobles des prisons françaises).
En bref, on s’alarme d’une pression politique sur une décision de justice, au nom de la séparation des pouvoirs, caractéristique fondamentale du concept d’Etat de droit.
A ce titre, on peut rappeler que les principaux syndicats policiers avaient aussi organisé une manifestation (non seulement autorisé mais soutenue par leur présence de nombreux dirigeants politiques de toutes colorations, ainsi que du ministre de tutelle Darmanin). Cette manifestation avait lieu devant l’Assemblée nationale qui discutait d’une loi sur la justice. C’est à cette occasion que le slogan « le problème de la police c’est la justice » avait été crié par le chef d’Alliance. Autrement dit, il y avait alors pression à la fois sur le pouvoir législatif et sur le judiciaire. Inutile de rappeler que les flics ont aussi exercé des pressions sur les médias pas assez à leur botte, selon eux.
La séparation des pouvoirs, c’est une plaisanterie pour les forces de l’ordre, seul soutien réel au pouvoir exécutif (qui a pu mesurer sa dépendance à chaque mouvement social).
Reste que ces dernières années, avec la prolifération des caméras, même les médias dominants et les magistrats ont été obligés d’ouvrir un peu les yeux (qu’ils préfèrent garder semi-fermés) sur la parole policière dans les procédures judiciaires. Ils mentent, et souvent. Ils mentent dans leurs procès-verbaux, généralement la principale pièce judiciaire pour envoyer des gens en taule. Aussi, si la justice est si injuste, c’est en grande partie à cause de menteurs patentés dont la parole est rarement mise en doute (sauf lorsqu’il y a des preuves confondantes).
Si la justice veut récupérer un peu de son prestige d’antan (qui n’était pas forcément justifié), elle doit remettre systématiquement en question la parole policière, multiplier ses sources et les égaliser entre elles, afin de rapprocher un peu la vérité judiciaire de la vérité des faits.