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Billet de blog 26 juin 2023

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Récupérer l’imaginaire des premières semaines de Covid

Vous vous souvenez des quelques semaines qui ont suivi le premier Grand Enfermement (appelé "confinement" par le jargon officiel)? Nous étions collés à nos écrans à lire des propositions sur des futurs possibles, à prendre le clavier pour les contester ou les améliorer, à s'émerveiller des vrais ou fausses photos d'un site touristique qui a retrouvé ses couleurs grâce à l'absence de touristes...

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Certes, ce fut un imaginaire déployé par des nantis, bien à l’abri des travaux pénibles -et essentiels- menés par d’autres. C’est d’ailleurs à cette occasion que nous avons pu prendre pleinement conscience -par l’expérience indéniable- de notre caractère tout à fait contingent dans la marche du monde. 

Certes, nombre de propositions et expectatives qui ont traversé les réseaux, épuisant les yeux de millions de personnes réduites à des internautes, avaient de quoi faire sourire. Et, rétrospectivement, à les considérer comme de simples délires.  
Certes, certes, certes. 
Il n’en demeure pas moins que cet imaginaire multiple est à préserver. Moins pour son caractère utopique ou jouissif (de pouvoir enfin imaginer un lendemain meilleur) que parce que cet imaginaire s’est déployé sur un fait concret et incontestable: le Covid a prouvé que si on veut on peut. C’est une rupture majeure avec la doxa du «réalisme » qui réduit toujours le possible à peau de chagrin. 

Or, c’est précisément cette doxa qui est revenue de plus belle. Dès le lendemain de la séquence Covid (cette semaine où plus un journal ou gouvernant n’avait plus rien à en dire, comme si l’invasion de l’Ukraine avait vacciné l’humanité), « réalisme », « économie », « géo-stratégie » etc sont réapparus comme si rien n’avait eu lieu. Mêmes fortunes (amplifiées), même pauvreté (étendue), business as usual, c’est le récit qui s’impose contre l’évidence. 

L’évidence demeure cependant: la fonction sociale des milliardaire a prouvé être nulle en temps de crise (sauf à considérer des selfies sur des yachts comme d’utilité publique), la fonction sociale des personnes trimant dans les métiers les plus pénibles a confirmé son caractère essentiel à la vie sociale.
Du jour au lendemain, gouvernements et institutions internationales ont fait tout ce qu’ils affirment sans cesse impossible. Fermer des aéroports, interdire le tourisme et nombre d’activités néfastes pour la planète. Il ne s’agit certainement pas de faire une apologie des politiques menées face au Covid mais de remarquer -simplement- que le panel d’outils disponibles et mobilisables est infiniment plus large que ce que nous affirment les gouvernants. 

Ce constat remet les choses en place. Il n’est pas essentiel de fabriquer plus d’avions, quand bien même ils seraient moins polluants dans un vingt ou trente ans (et trois ou quatre degré de réchauffement en plus). Il faut d’autres moyens de se déplacer, y compris en longue distance. Et ce qui vaut pour les transports vaut pour à peu près tous les secteurs d’activité. 

Le bilan de Covid sera tirer de toute façon. Soit par des gouvernements et des ultra-riches, accompagnés de leurs armées de cabinets de conseil, qui ont prouvé être en mesure de faire face à une crise majeure sans rien changer à la structure du pouvoir, simplement en enfermant la grande majorité de la population. Soit par nous qui avons pu observer que tous les leviers pour un autre monde sont à porter de main.

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