Jérémy Rubenstein (avatar)

Jérémy Rubenstein

historien de formation

Abonné·e de Mediapart

77 Billets

0 Édition

Billet de blog 29 octobre 2023

Jérémy Rubenstein (avatar)

Jérémy Rubenstein

historien de formation

Abonné·e de Mediapart

Vers une définition des actions terroristes

Les actions terroristes, que nombre d'Etat utilisent pour justifier les crimes les plus atroces, ne sont que peu définis. ici, vers une définition plutôt technique (c'est-à-dire non politique ni juridique mais plutôt militaire) qui reprend celle de Raymond Aron, tout en expliquant pourquoi Aron apporte aussi de la confusion

Jérémy Rubenstein (avatar)

Jérémy Rubenstein

historien de formation

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans mon ouvrage paru l’année dernière (Terreur et séduction, La Découverte), j’écrivais : « nous pourrions qualifier de ‘terroristes’ les actions dont l’objectif est décidé moins en fonction de son efficacité opérationnelle que pour les effets psychologiques escomptés. »

Un ami qui a eu l’amitié de me lire m’a fait remarquer que je ne faisais pratiquement que reprendre la définition de Raymond Aron (je soupçonne mon ami de me soupçonner d’avoir évité de citer l’intellectuel de droite, parce que de droite). Celle-ci est assez souvent citée sur le net, par exemple dans un article d’Anne Chemin du Monde : « C’est une action de violence dont les effets psychologiques sont hors de proportion avec les résultats purement physiques ». En effet, si on s’en tient à ce seul extrait, ma définition rejoint totalement celle d’Aron qui était plus précise en 1962.

Le problème c’est que cette citation est extraite d’un paragraphe qui, lui, est moins clair, voire contradictoire. Voici la définition complète d’Aron :

« Est dite terroriste une action de violence dont les effets psychologiques sont hors de proportion avec les résultats purement physiques. En ce sens, les attentats dits indiscriminés des révolutionnaires sont terroristes, comme l'étaient les bombardements anglo-américains de zones. L'absence de discrimination contribue à répandre la peur puisque, personne n'étant visé, personne n'est à l'abri », Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations (Calmann-Lévy, 1962)

Le paragraphe est en partie contradictoire car il affirme la primauté des effets psychologiques sur ceux physiques pour qualifier l’action terroriste. Mais, la phrase suivante, il place sur le même plan les attentats et les bombardements, tous deux qualifiés de terroristes parce qu’indiscriminés, alors que les bombardements ont au moins autant d’effets physiques que psychologiques. Les bombardements ne ruinent pas seulement le moral des populations, ils les tuent, sans parler des infrastructures détruites. Qu’ils répandent de la terreur en plus des destructions, ça ne fait aucun doute mais, précisément par son ampleur physique, ils ne devraient pas être qualifiés de terroristes, action violente de pauvre (ou faible technologiquement).

Le Hamas publicite au maximum ses crimes, pour obtenir le plus d’effet psychologique possible. Israël, tout au contraire, cache les massacres que son armée perpétue. Celle-ci tue infiniment plus de personnes, dans des conditions tout aussi atroces, mais sa volonté de cacher ses crimes, de les minimiser, la range dans autre chose que le terrorisme. Le crime de guerre, c’est sûr, le crime contre l’humanité, probablement; et s'il n'y pas génocide, il y a une logique génocidaire à l’œuvre; les juristes et les rapports de force dans les cours de justice, typifieront les crimes -et, espérons, jugeront les criminels et leurs complices.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.