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Billet de blog 30 mars 2023

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Le roi philosophe est un sénateur alcoolique

On assiste à la seconde vague de maccarthysme de la Macronie. La première avait visé le fantasmagorique "islamo-gauchisme" et serait risible si elle n'avait été si destructrice. La seconde s'annonce plus violente encore, et cette fois s'attaque directement à des corps.

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Hasard du calendrier, la seconde offensive maccarthyste du gouvernement survient alors qu’un rapport révèle que la première, celle contre les « islamo-gauchistes » qui gangrèneraient l’Université, ne fut rien d’autre qu’une opération de communication.

Ce rapport du ministère de l’Enseignement supérieur reporté par Le Monde conclut que les soi-disant enquêtes annoncées par la alors ministre Frédérique Vidal ne fut qu’une « déclaration d’intention ». En effet, aucun organisme n’a été mandaté par la même ministre pour enquêter sur son fantasme, l’islamo-gauchisme, qui ne « correspond à aucune réalité scientifique » selon le CNRS. 

Il n’y aurait pas lieu d’épiloguer beaucoup sur l’inanité gouvernementale si le même pouvoir (ou presque) n’était pas précisément en train de mener une nouvelle campagne maccarthyste, cette fois dirigée contre « l’ultra-gauche » et « l’éco-terrorisme ». Bien que menée par la ministère de l’Intérieur, et non plus de l’Enseignement, cette campagne est de même nature, et devrait mener aux mêmes écueils. Il s’agit toujours, pour le gouvernement, de s’attaquer violemment à des concepts nébuleux, sans même prétendre à un peu de sérieux. 

Car, si les concepts sont cette fois un peu plus consistants, l’ultra-gauche existe et des actions violentes en vue de frapper les esprits sur la catastrophe écologique en cours sont envisageables ou envisagées, le flou avec lequel ils sont maniés par le gouvernement les rends tout aussi insanes que l’islamo-gauchisme. Il y a donc fort à parier que les coups de menton de Darmanin, qui annonce vouloir dissoudre un collectif écologiste, s’échouent sur la même inconséquence que sa ex-collègue Vidal.

Néanmoins, le fait que la nouvelle offensive soit principalement menée par le ministère de l’Intérieur, et non l’Education, change grandement sur le type de désastres qu’elle provoque. Le binôme Blanquer-Vidal a détruit nombre de recherches, mis à l’indexe des intellectuels/elles et des centres d’investigation. « Des orientations de la recherche abandonnées, des vocations découragées, des thèses qui ne verront pas le jour, des articles et des livres qui ne seront pas publiés, des financements pas attribués, des postes pas créés » liste le collectif d’universitaires qui a entrepris la bataille judiciaire contre les lubies gouvernementales. Autrement dit, le binôme a provoqué un retard dans la recherche française probablement irrécupérable et détruit une partie de l’appareil de production intellectuelle.

Depuis le ministère de l’Intérieur, Darmanin détruit et détruira surtout des corps. Des militants et militantes blessées, parfois pour le restant de leurs jours, des personnes qui sont et seront emprisonnées, des casiers judiciaires qui compliqueront les vies, des contrôles judiciaires qui dégoûteront de la vie. Voilà le genre de bilan relevant du ministère de l’Intérieur. 

Rappelons pour finir que dans le deux cas, il ne s’agit pas de ministres menant des  politiques autonomes. Les deux chasses aux sorcières ont été voulu et initié par le président Macron. Celui-ci avait ouvert la première chasse par cette phrase : « « Le monde universitaire a été coupable. Il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. Cela revient à casser la République en deux. » La chasse en cours est aussi de son fait, avec ses « factieux et factions » qui visent les gauches, dans un joli amalgame, qui va des parlementaires jusqu’aux insurrectionnels en passant par toutes les nuances, rassemblés dans un même ennemi intérieur.

 
Comme quoi, entre un monarque qui se veut philosophe (Macron) et un sénateur alcoolique au dernier degré (McCarthy), il n’y a qu’un style qui les distingue. 

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