Jérémy Rubenstein (avatar)

Jérémy Rubenstein

historien de formation

Abonné·e de Mediapart

77 Billets

0 Édition

Billet de blog 30 août 2024

Jérémy Rubenstein (avatar)

Jérémy Rubenstein

historien de formation

Abonné·e de Mediapart

Argentine. Tous contre tous et tous à droite toute (III)

Troisième envoie d'un billet sur les internes du pouvoir argentin. L'extrême-droite a toujours besoin d'ennemi, or l'opposition est en vacance, si bien qu'elle se retourne contre elle-même. C'est sa dynamique, sans ennemi elle s'écroule

Jérémy Rubenstein (avatar)

Jérémy Rubenstein

historien de formation

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Jusqu’à présent, nous avons vu quelques points d’accord et de désaccord, ou des divergences, entre des membres du « mouvement » libertarien (parti et gouvernement) qui permettent de saisir à la fois pourquoi ces droites a priori si différentes s’allient et les limites de cette alliance, spectaculairement illustrée par la scène de déchirements actuelle.

Mais notre question initiale était surtout de savoir pourquoi cette scène publique de désunion a lieu maintenant (sachant que ces personnages se haïssaient, pour des raisons politiques autant que personnelles, très probablement bien avant). Pour répondre, l’hypothèse centrale est que ce genre de pouvoir (peut-être tous les gouvernements mais spécialement ceux d’extrême-droite) a sans cesse besoin d’ennemis, réels ou inventés, pour se maintenir.

De cette hypothèse générale, j’explique la temporalité du déchirement interne du parti présidentiel, d’une part, par l’absence (au moins temporaire) d’opposition, ou d’ennemi externe. Et, d’autre part, par la menace que constitue l’allié de Milei, l’ancien président Mauricio Macri. 

La vacance de l’opposition institutionnelle

Si tous ces personnages de droite se déchirent si violemment et, surtout, si publiquement, c’est aussi qu’ils ne perçoivent plus aucun danger extérieur. Et pour cause, le péronisme déjà très mal en point depuis les élections (avec, choix délirant, un candidat venu de la droite libérale qui occupait le poste de ministre de l’Économie alors qu’inflation et pauvreté explosaient) s’est totalement discrédité avec les révélations stupéfiantes sur l’ancien président, Alberto Fernández. 

En effet, celui-ci a occupé la scène médiatique des dernières semaines, notamment avec la diffusion de photographies de son ex compagne, visiblement battue. Le niveau de tartufferie du président, qui annonçait avoir « mis fin au patriarcat » lors de la légalisation de l’avortement, a stupéfié le pays.

L’ex-président était déjà assez impopulaire pour qu’il ne lui vienne même pas à l’esprit de se présenter aux présidentielles pour défendre son bilan. Il est désormais l’incarnation de ce qu’il y a de moralement de plus détestable chez un homme. Discours mesuré, vertueux et progressiste à l’adresse du public ; violences physiques et psychologiques dans le couple. Le tout dans une résidence présidentielle, où il organisait des fêtes en pleine pandémie -enfermant le reste de la population qui n’avait pas même droit de se rendre aux obsèques de leurs proches.

Autant dire du pain béni pour les droites au pouvoir. Le progressisme est une arnaque, voilà le seul message que laisse Alberto Fernández, en parfaite syntonie avec le discours d’extrême-droite que le gouvernement rabâche depuis neuf mois.

Le kirchnérisme à l’agonie

Derrière Fernández, c’est le kirchnérisme qui se trouve en déliquescence. Car Cristina Kirchner porte une responsabilité écrasante dans le choix de tous les candidats péronistes de substitution pour les présidentielles. Ainsi de Daniel Scioli en 2015 (aujourd’hui ministre de Milei), d’Alberto Fernández en 2019 (dont l’immobilisme à la tête de l’Etat explique pour bonne part la victoire de l’extrême-droite) et de Sergio Massa l’année dernière (qui travaille désormais pour un fonds de pension étatsunien qui a saigné l’Argentine). Pas un seul qui soit un minimum présentable.

Avec les révélations sur le comportement de porc de Fernández, c’est l’ensemble des choix de Cristina Kirchner qui commencent à être sérieusement mis en question. En tout cas, de nombreuses voix ont clairement fait savoir qu’elles ne se soumettraient plus jamais à la logique du moins pire, en suivant les directives de ce péronisme. Ainsi, le kirchnérisme semble moribond. Quand bien même le gouverneur de la province de Buenos Aires, Axel Kicillof (institutionnellement, le personnage d’opposition le plus puissant du pays), ne couperait pas les ponts avec kirchnérisme, il lui faudra de toute façon s’en distinguer.

Quoiqu’il en soit, l’opposition est suffisamment à terre pour qu’elle ne représente pas la moindre menace à court terme pour le pouvoir en place. C’est durant cette vacance de l’opposition qu’éclate les batailles internes.  

(To Be Continued)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.