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Billet de blog 31 décembre 2023

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Le syndrome de Stockholm selon Milei

En Argentine, le gouvernement, qui a pris ses fonctions il y a trois semaines, utilise des images et un vocabulaire pour justifier la liquidation qu'il entend mener de toutes les protections sociales. Ces mots entretiennent peur et confusion dans une ambiance de sidération devant l'ampleur de l'offensive gouvernementale contre la société.

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Outre le registre du professionnel compétent, chirurgien ou démineur, aux gestes précis, devant mener de toute urgence une opération à haut risque, le gouvernement Milei adore invoquer celui de l’otage. Ici, il ne s’agit plus du seul traditionnel « gréviste qui prend en otage la société », que la propagande d’à peu près n’importe quel pays capitaliste déploie contre ses travailleurs cherchant à défendre leurs droits. Milei et les siens utilisent le registre de la prise d’otage dans plusieurs sens, tous plus abjects les uns que les autres.

Ainsi, le 14 décembre,  4ème jour après l’investiture de Milei, la ministre de la Sécurité, Patricia Bullirch a, dans une vidéo d’une vingtaine de minutes, annoncé son « protocole de sécurité ». Cette première déclaration dédiée à la « sécurité » n’a pas abordé le trafic de drogue, ni même la délinquance, petite ou grosse. Elle était entièrement dédiée à la répression des mouvements sociaux.

Les priorités du gouvernement sont ainsi claires. D’abord les mouvements sociaux ensuite, peut-être, la délinquance. Quant à la délinquance en col blanc, elle n’existe pas. En effet, nombre de mesures sont prises pour la légaliser, depuis payer le travail domestique au noir jusqu’à l’évasion fiscale en passant par construire sur des terres récemment brûlées (mesure qui serait, d’ailleurs, plutôt une incitation à les brûler). Par définition, ce qui est légalisé ne relève plus de la délinquance, si bien que les brigands en col blanc ne sont pas des délinquants sous Milei.

En Argentine, qui dit mouvements sociaux dit piquete (coupure de route ou de rue). Il s’agissait donc de présenter un « protocole » contre les piquetes. Contre les personnes qui signalent une injustice en empêchant la circulation.

Dans ce cadre anti-piquete, le discours de Bullrich évoque des "otages" qui seraient les enfants présents dans ces mouvements sociaux. Dans sa bouche, ces enfants deviennent des « boucliers humains ». Il n’est bien sûr pas question de considérer que les parents n’ont pas de baby-sitters, cette question ne se pose pas chez les gens du gouvernement. Un peu comme un dirigeant israélien qui justifie son massacre d’enfants en affirmant que ceux-ci ont été placés dans la trajectoire de ses obus par leurs parents, le piquetero userait de ses enfants pour nuire à la bonne image de la répression.

Allant un peu plus loin dans la logique de ce vocabulaire abject, Milei a considéré les protestations contre ses mesures comme le symptôme d’un « syndrome de Stockholm ». En effet, si vous êtes assez aliéné pour ne pas saisir que ces mesures sont un moyen de vous libérez de vos chaînes, vous défendez votre geôlier. Les chaînes étant les conquêtes sociales. Aussi logique que stupide.

Ici encore, avec l'image du "syndrome de Stockholm" (que bien des "journalistes" ont adoré et repris en cœur), il est question d'otage. Le droit du travail, les aides sociales et les moindres normes de protections des usagers sont considérés comme autant d'entraves qui enserrent les personnes devenues otages. Otages qui plus est atteintes d'un syndrome de Stockholm, puisqu'elles défendent leurs droits. Si bien que Milei a affirmé ne pouvoir rien faire pour ces protestataires puisqu'elles souffriraient d'un désordre psychologique.

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