Jérôme DIAZ

Abonné·e de Mediapart

29 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 novembre 2013

Jérôme DIAZ

Abonné·e de Mediapart

Pourquoi « Gravity » frôle-t-il le chef-d’œuvre ?

Jérôme DIAZ

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Au cours d’une mission de routine, les astronautes Matt Kowalsky/George Clooney (c’est sa dernière sortie) et la chercheuse Ryan Stone/Sandra Bullock (c’est sa première) doivent plier bagages plus vite que prévu, contraints par une pluie de débris venant d’un autre appareil…

Alors OUI, malgré des critiques unanimement dithyrambiques qui incitent parfois à la méfiance… « Gravity » est un film à voir. Assurément : avec aux manettes Alfonso Cuaron, cinéaste mexicain surdoué de la caméra, chaque plan est presque une leçon de cinéma. Sans doute les cinéphiles ont-ils toujours en tête son apocalyptique « Les fils de l’homme » (2006) adapté d’un roman de P.D. James, avec sa facture quasi documentaire et une distribution aux trois-quarts british fort plaisante (Clive Owen, Julianne Moore, Sir Michael Caine).

Oui, « Gravity » est un film magnifique avec des images à couper le souffle.

Oui, George « Nespresso » Clooney et Sandra Bullock y sont géniaux.

Oui, on flippe, grâce surtout à la perf’ d’une Sandra Bullock bluffante en astronaute en perdition et que Cuaron envoie directement en orbite vers une candidature-en-or-massif-pour-les-Oscars.

Quant à la caméra en apesanteur, celle-ci n’impose pas de coutumiers et incessants changements de perspective (champs/contre-champs), mais passe le plus souvent de plans larges à plans serrés sur les protagonistes (http://www.youtube.com/watch?v=ZV-UEca2W9U) pour enchaîner sur de somptueuses images de la Terre, du vide, du grand rien tétanisant autour (la scène de la navette déconfite par une pluie de débris : http://www.youtube.com/watch?v=tPnBrdGtaes), le tout en un seul mouvement de plan-séquence. Et le résultat est juste… énorme. Un régal visuel. Et une prouesse de cinéaste.

Le mexicano l’avait prouvé dans « Les fils de l’homme » avec le fameux plan-séquence de l’attaque de la voiture (visible ici : http://www.youtube.com/watch?v=QfBSncUspBk), et place là encore le niveau technique à des hauteurs stratosphériques ; côté mise en scène, el hombre Cuaron est une « pointure ».

MAIS (parce que, oui, il y a un mais), comme dans « Les fils… », le cinéaste ne peut s’empêcher de provoquer de regrettables secousses scénaristiques à sa mécanique. Dans « Les fils… » par exemple, Theo (Clive Owen) accompagne la mère du dernier nouveau-né de la planète dans une ambiance « fin du monde » exceptionnelle. Sauf que voilà-t-y-pas qu’arrive une scène où civils et militaires cessent de s’entretuer pour… prier devant ce bébé, dernier espoir pour la survie de l’humanité. Concentré de religiosité ridicule, qui fait quelque peu grincer une narration jusqu’alors menée haut la main et du reste stupéfiante de réalisme.

Et c’est là, aussi, que « Gravity » se prend parfois les pieds dans le tapis : ainsi Stone/Sandra Bullock parvenant à communiquer par radio-satellite avec une famille chinoise qui possède un chien, se mettant à imiter ses jappements pour rester en lien avec la Terre… ; Stone rentrant dans la navette spatiale où elle ôte sa combinaison, y reprend ses esprits et se repose… en position fœtale, parabole à peine lourdingue sur le cycle de la vie ; ou encore des plans fixes sur une image pieuse… ; au cas où les messages -tout sauf subliminaux- nous auraient échappé…

Comme si Cuaron, maestro dans la narration « thriller spatial », se devait par commodité « hollywoodienne » d’appuyer grossièrement certains effets afin que ses intentions soient bien comprises (même problème dans « Prisoners » de Denis Villeneuve), alors qu’il prouve tout le reste du film sa capacité de ne pas… tomber si bas. Mais, excepté sur la forme, peut-être les producteurs (et spectateurs) étatsuniens ont-ils, sur le fond, un besoin vital de grosses ficelles dispersées ça et là…

Des scènes malvenues et dispensables qui, fort heureusement et à l’instar des « Fils de l’Homme », n’entachent que légèrement l’impression générale plus que positive de cette prouesse, empêchée de se hisser au rang de « chef d’œuvre » par ses défauts « sur le fond » mais qui, « sur la forme », parvient à repousser les limites de la technologie cinématographique et offre à Sandra Bullock un rôle en or (en même temps, il n’y a qu’elle et « What else ? » au casting !).

En filmant à la perfection l’espace et des manœuvres spatiales saisissantes de réalisme, et en nous collant un joli stress pendant plus d'une heure, ce huis-clos à ciel ouvert, dont une projection en IMAX ne serait que justice, est tout de même assurément conseillé pour passer un très (très) bon et beau moment de cinéma.

Pour preuve, certains (dont l’auteur de ces lignes) envisagent déjà de se refaire une séance…

P.S. A noter, la bande-originale signée Steven Price dont les lecteurs pourront découvrir des extraits ici : http://www.huffingtonpost.com/2013/09/05/gravity-soundtrack_n_3874193.html

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.