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Billet de blog 26 août 2010

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Israël-Palestine…pour les néophytes.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En ce qui concerne cette région, et ce conflit en particulier, il y a deux « solutions » : soit on suit de loin ce qui s’y passe et l'ensemble paraît être un souk monumental, et donc on abandonne (la surenchère de violence hyper médiatisée quotidiennement n'aide d'ailleurs pas, bien au contraire, et empêche toute tentative pour essayer de s'y retrouver un tant soit peu...). Soit, quand on suit de plus près, on apprend des choses que beaucoup ne veulent pas voir… Au choix! Il y a de cela plusieurs jours maintenant, un communiqué du service d’informations de l’ONU* diffusait l’information selon laquelle les négociations pour des reprises de pourparlers entre israéliens et palestiniens, sous auspice états-unienne, étaient « très très proches ». Tant mieux ! Oui, sauf qu’à la fin du communiqué est mentionné un « détail » : ces négociations « directes » se feront « sans conditions préalables comme le gel de la colonisation israélienne en Cisjordanie ». C’est pour cela que le mouvement Hamas a fait savoir dans la presse son refus de participer à ces pourparlers (ce que le Dauphiné Libéré grenoblois a mentionné, mais sans une seule ligne exposant les motifs de ce refus...). Rappelons simplement que les Palestiniens (en l’occurrence l’Autorité Palestinienne sous la houlette de Mahmoud Abbas) « demandent depuis des mois un gel complet de la colonisation », dixit le communiqué. En somme, on va reprendre des « négociations directes » en vue de pourparlers en ne prenant pas en compte une donnée capitale (le gel des colonies) pour un éventuel processus de paix dans l’impasse depuis…depuis quand, d’ailleurs ? Plomb Durci ? La Flotille de Gaza ? Non : bien avant. Mais quand on parle de « gel des colonies », de « reprise des pourparlers », d’occupation, de colonisation, de quoi parle-t-on exactement ?

Ayant eu l’occasion de me rendre sur place fin 2008 (et faisant beaucoup de recherches depuis lors, aidé fort heureusement par quelques personnes bien informées), voici quelques éclaircissements : la « colonisation » ou « occupation » (« settlement » en anglais) consiste en des logements, neufs, construits à la place de ce qui était considéré jusqu’alors comme étant en Territoire palestinien. Et parfois, on rase des immeubles pour cela… à coup de bulldozer et parfois de bon matin. Sympa ! Les nouveaux habitants de ces logements sont les fameux « colons » (souvent affiliés ou proches du Parti Shass, mouvement religieux intégriste en Israël), dont le gouvernement finance leur « installation » (en clair, ils sont payés pour y habiter), des colons qui se promènent parfois fusil en bandoulière, comme j’ai pu l’observer de mes propres yeux à Hébron. Vision surréaliste? Exagérée? Qu’on le voie ou non de cette façon (et surtout quand on y met une bonne dose d’intégrisme accompagnée de mauvaise foi), c’est bien la réalité du terrain. Quand on parle de « gel des colonies », cela signifie simplement arrêter la construction de logements le temps des négociations (et pour calmer le jeu des deux côtés). Si on entend que cela n’entre pas dans les négociations, c’est que la « colonisation » se poursuit, négociations ou pas… Si on prend de la distance, on sait que les Etats-Unis sont le principal allié d’Israël et envoient à ce dernier un soutien financier (près de 3 milliards de dollars chaque année), diplomatique (un nombre incalculable de vetos aux Nations Unies pour empêcher la moindre sanction envers le gouvernement d'Israël), logistique, militaire, etc., absolument considérable et illimité, ce pour la sécurité d’Israël. Sécurité, ok, mais jusqu’à quel point ? Le Mur ? Une chose pas très attrayante en béton de sept mètres de haut environ, équipée de miradors et affublée de fils de fer dont les jointures en lames de rasoir (constatées de visu) sont interdites par toutes les conventions internationales, mur censé empêcher les actes terroristes perpétrés par Hamas et consorts.

Cela dit, le Hamas n’est pas mal non plus de son côté, vu le nombre d’attentats-suicides commis à Jérusalem, Tel-Aviv, Sderot (Bande de Gaza) ou à d’autres endroits à certaines périodes. Ces attentats sont pour la plupart perpétrés par la principale branche armée du mouvement, les Brigades Ezzedine al-Qassam. On me dira: « Mais il faut bien qu’ils se défendent ! ». Le Hamas étant une émanation des Frères Musulmans, mouvement né à la fin des années 20 et qui prône une approche strictement littérale des textes sacrés, et donc pas du tout dans un esprit progressiste, on peut aussi se poser des questions...

L’Autorité Palestinienne ? C’est un mouvement politique, supposé intérimaire dès sa création (son intitulé d’origine), qui a autorité en Cisjordanie (car anciennement sur territoire de Jordanie, appelée jadis Transjordanie) et qui est dirigé par Mahmoud Abbas, successeur de Yasser Arafat (oui, celui qui avait toujours son keffieh, ou foulard palestinien, sur la tête) après la mort de celui-ci. Mahmoud Abbas a autorité, justement, en Cisjordanie, pas dans la Bande de Gaza. Gaza est cette bande de terre dont tout le monde a entendu parler, constituée d’1,5 Millions de Gazaouis (dans une bande de terre d'environ 40 km de long sur 6 à 12 km de large, soit la densité de population la plus forte au monde), située au bord de la mer, aux frontières terrestres d’Israël et de l’Egypte (avec les fameux tunnels évoqués dans certains reportages, notamment celui de Rafah), le territoire israélien coupant géographiquement Gaza de la Cisjordanie. Le Hamas (« Mouvement de la Résistance Islamique ») a pris le pouvoir démocratiquement d’abord puis par la force en 2007 dans cette partie de la région, sous la férule de Monsieur Salam Fayyad. Le Hamas a également une "antenne" en Syrie (Damas), dirigée quant à elle par Khaled Mechaal. Pour schématiser, disons que l’Autorité Palestinienne est en conflit depuis des années avec l’Organisation de Libération de la Palestine ou OLP (créée par Arafat en 1964 au Koweït, et qui a des branches comme le Front Populaire de Libération de la Palestine-Commandement Général ou FPLP-CG, FDLP, Fatah, et... j’en passe) car jugée trop molle et laxiste dans les négociations diplomatiques, ce qui a incité un membre de l’Association des Frères Musulmans (« ikhwan » en arabe), Cheikh Ahmed Yassine, à créer le Hamas en 1987 pour être pris un peu plus au sérieux...et commettre quelques attentats-suicides accessoirement. Quel souk… Un conseil : lire au choix « Le grand aveuglement » de Charles Enderlin (correspondant de France 2 à Jérusalem), l'ouvrage "Le traitement par les médias français du conflit israélo-palestinien", ceux de Robert Baer, ancien chef des opérations clandestines de la CIA pour le Moyen-Orient pendant près de vingt ans, « Quelques idées simples sur l’Orient compliqué » de Jean-Paul Chagnollaud (historien, également rédacteur en chef de l'excellente revue Confluences Méditerranée), ou encore le rapport d'information réalisé par deux sénateurs (Jean François-Poncet, sénateur UMP, et Monique Cerisier-ben Guiga, socialiste), rapport disponible sur le site du Sénat sous le titre "Le Moyen-Orient à l'heure nucléaire", rapport qui fait suite à une enquête de terrain effectuée par ces deux sénateurs entre octobre 2008 et juin 2009. Pour celles et ceux qui souhaiteraient creuser ce sujet ô combien complexe, on y apprend beaucoup de choses !

*http://www.un.org/apps/newsFr/printnews.asp?nid=22725

Jérôme Diaz,

Journaliste

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