Pour faciliter les échanges,
Merci Roger pour ta réponse car il est important de débattre entre nous.
Tout d'abord, mon texte n'avait pas vocation de répondre à l'appel pour la manifestation du 5 mai mais de faire une analyse d'un contexte politique assez singulier. J'ai par ailleurs répondu à un journaliste de Mediapart que les conditions n'étaient pas encore réunies pour y participer. Il est certes important que le gouvernement change de politique. Je l'ai encore dit dans ma dernière chronique dans Politis. Mais pour autant, ce n'est pas avec des accusations ad hominem que la politique va changer.
Changer de République est nécessaire mais cela reste insuffisant. Nous avons toujours défendu le passage à la 6ème République. De plus, cela concerne aujourd'hui tous les démocrates et pas uniquement la gauche. Nous ne sommes plus au XIXe siècle où la défense de la République permettait de distinguer la gauche de la droite, quand des députés dans le débat sur l'égalité d'accès au mariage préfèrent l'ordre naturel à l'ordre républicain, quand un homme appartenant à un parti de gauche passe des vacances avec des hommes d'extrême-droite antisémites sans vergogne.C'est pour cela que j'ai soutenu l'initiative de la lettre ouverte de Pascal Durand, secrétaire national d'Europe Écologie Les Verts à tous les partis qui ont soutenu François Hollande et le forum public du 21 avril à la Mutualité.
Mais revenons sur le fond de ta réponse. Pour toi, tu penses que changer d'institution est un préalable au changement de politique. Mais sommes-nous d'accord sur la nature de cette 6eme république ? Sommes-nous pour la ratification de la charte des langues régionales, le renforcement du fédéralisme au détriment du jacobinisme ? Sommes-nous pour l'abandon du droit de veto au Conseil de Sécurité de l'ONU au profit de l'UE ? Sommes-nous pour la mise en œuvre d'un véritable régime parlementaire, écartant le principe d'un président, sauveur suprême ? Sommes-nous pour l'intégration de la troisième génération des droits, ceux de la nature ? Sommes-nous pour une vision restrictive de de laïcité ? De nombreux débat préalables au sein de la gauche et des républicains ! Mais surtout, ce n'est pas la constitution de la 5ème qui est responsable de la politique actuelle, de ce que tu écris et avec lequel je suis d'accord « Le capitalisme financier étant incontournable, il faut agir à l’intérieur de ses mécanismes, pour assainir la situation économique (réduire la dette publique) et éviter l’explosion sociale. Pour éviter l’explosion, il faut de la redistribution à la marge, de la mise au travail (les petits boulots, pas les allocations-chômage) et de l’ordre (c’est le paradigme de la sécurité). »
Il faut changer de politique mais comment ? Tu rejettes la stratégie suivante : « accompagner de façon critique la politique suivie par le sommet socialiste de l’État. C’est le choix de la gauche socialiste et, pour l’instant, celui d’EE-LV. Ce fut, entre 1997 et 2002, la méthode retenue par le PCF. » C'est le cœur de notre divergence sur la stratégie. Je ne compare pas la période actuelle à celle de 1997-2002. En 1997, je défendais la sortie du gouvernement avec Martine Billard chez les Verts car je pensais qu'il existait une alternative et à gauche. Aujourd'hui, l'alternative qui se construit est à droite et à son extrême. Le FN progresse dans les classes populaires. En Europe, la droite gagne presque partout. Il faut construire l'alternative à gauche mais elle ne se fera pas sur le dos des autres forces de gauche. Mais à la différence du PCF, EELV aujourd'hui n'accompagne pas la politique gouvernementale. Il s'est opposé au TSCG, à l'ANI, au CICE. Certes cela reste insuffisant pour changer le rapport de force mais les mobilisations de rue non unitaires, aussi. Il est important à mon avis que le régime redevienne parlementaire comme la constitution nous le permet encore. Le vote sur l'ANI augure peut-être d'un changement politique. La dynamique d'agrégation est de ce coté là.
Par compte, tu as raison qu'il faut aussi de « la combativité sociale ». « L’alternative ne s’énonce pas : elle se construit. » mais Jean-Luc Mélenchon, le fait tout le temps. Il énonce puis demande qu'on le suive. Il a tendance à préempter les dates, par rapport aux mouvements sociaux et par rapport au Front de Gauche et au PCF. Il a fait une première fois sur le TSCG et une deuxième sur le 5 mai. La première fois, les organisations syndicales, politiques et les associations ont suivi. Cette fois, aucune organisation ne l'a fait en dehors du NPA, obligeant les personnes non membre du Front de Gauche à le faire individuellement. Ce n'est pas le meilleur moyen de construire une unité populaire ! De plus, le front syndical n'est pas le plus uni comme on vient de le voir à Aulnay entre la CGT et SUD. La nécessité de l'unité ne doit pas nous empêcher sur les modalités de sa réussite.
Avant de terminer, il y a un dernier élément. C'est l'urgence de la réponse politique car nous avons une analyse singulière de la crise. Il y a une analyse singulière écologiste de la crise qui nécessite des réponses urgentes. Elle n'est pas financière. Elle n'est pas éthique. Elle est la fin de mode de production qui ne peut plus produire une croissance égalitaire. Par conséquent, moraliser le capitalisme est insuffisant. Nous vivons une bifurcation historique comme après la première guerre mondiale. Elle peut virer vers le pire comme dans les années 30 ou vers une solution plus démocratique. Aujourd'hui, les forces qui s'organisent sont les forces de l'extrême-droite et de la droite-extrême. La gauche s'isole avec Mélenchon ou accélère la déliquescence avec Hollande. Dans ces périodes, il faut être unis et éviter la division, car nos véritables ennemis s'organisent et ont peu à faire de la démocratie. C'était ma conclusion et c'est pour cela que je n'exclue pas de participer mais ne faisons pas l'impasse sur les responsabilités de chacune et chacun au lieu de les chercher uniquement parmi le reste de la gauche.