Un truisme de cet hiver 2009 : nous sommes au coeur d'une grande crise. D'ailleurs, nous l'avons attendue, cette dépression historique : depuis des mois que de nombreux médias la scrutent, l'épient...Où et quand allait-elle frapper? Qui allait être sacrifié sur son autel? Puisqu'on vous répète qu'elle est ineluctable! Et si la crise était le dernier refuge de la pensée unique, c'est-à-dire de la pensée qui ne pense plus?
Des patrons peu scrupuleux et des directoires d'entreprises mondialisées en ont profité pour faire passer des plans de restructuration sur son compte : c'est qu'elle a bon dos, parfois, la crise. D'ailleurs, je devrais écrire LA crise, comme on dit LA réforme...Ces deux notions sont auto-suffisantes : tout est en elles, elles sont dans tout.
Mais avec LA crise, nous avons aussi, en France, la sinistrose. Que l'on pourrait définir comme un état où la mélancolie le dispute à l'angoisse, et qui a comme effets notoires de rendre aveugle et sourd à tout énoncé hétérodoxe. La sinistrose est repérable dès le milieu des années 1980 chez nous, avec les frémissements du débat sur le déclin français : déclin de la langue, déclin de l'économie héritée des révolutions industrielles du 19è siècle,déclin de notre modèle social...
C'est alors que les "déclinologues" nationaux sont apparus : on les retrouve dans tous les domaines. Ils squattent les médias. Des politiques en font l'alpha et l'oméga de leur idéologie : le Front national s'est nourri de ces pseudo-débats pendant 25 ans. C'était vital pour lui : sans un constat forcément sombre de l'état du pays, il ne pouvait espérer se développer hors des cercles de nostalgiques.
Mais depuis, des économistes ont pris le relai. Nicolas Baverez, qui truste les émissions de télévision et de radios, qui publie à tour de bras des chroniques dans les meilleurs quotidiens du pays, est leur champion. Mais à trop vouloir convaincre de l'urgence de la situation, à trop vouloir noircir le tableau pour déclencher une prise de conscience, on finit vite par manquer son but.
Car, contrairement à ce que l'on entend depuis le ministère Juppé (mai 1995-juin 1997), la France et les Français ont confiance en eux. Et les récents chiffres du recensement, publiés par l'INSEE, en sont une preuve : nous sommes maintenant plus de 64 millions! C'est que le solde naturel est, par rapport aux autres pays européens, particulièrement élevé. Les chiffres publiés par Eurostat sont éloquents. Mis à part, l'Islande, tous les autres pays ont un souci démographique. En France, le nombre des naissances, en 2008, a dépassé les 830 000 et le taux conjoncturel de fécondité atteint 2,01, soit un chiffre qui tend vers le taux de renouvellement des générations, 2,1. Le solde migratoire reste également positif, et l'espérance de vie continue sa progression chez les femmes et les hommes.
Les Français ont confiance en eux et ils ne le savent pas, ou plutôt on leur fait croire le contraire. Car l'homme, qui est en proie au doute, trouve dans les énoncés catastrophistes une justification à son état, qui réclame à son tour de nouvelles preuves. C'est un cercle sans fin, dans lequel l'homme se complaît. Tout discours hétérodoxe vient troubler cet ordonnancement. C'est bien pour cela que la confiance ne peut se décrêter, mais qu'elle renaît dans la répétition désintéressée de petits actes, de petits mots...
Réalisme didactique et communication politique se rejoignent pour créer un écran de fumée devant les yeux des citoyens, qui finissent par ne plus avoir confiance...dans leurs gouvernements.