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Billet de blog 17 avril 2020

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L'Argentine face au défi du Coronavirus

Dans un pays déjà affaibli par la crise économique, le Coronavirus présente de nouveaux défis. Par exemple, comment faire respecter le confinement dans les "villas" (favelas), ces quartiers pauvres souvent livrés à eux-mêmes et vivant d'une économie souterraine.

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L'Argentine, en confinement strict jusqu'à la fin du mois d'avril, fait face à plusieurs sérieux problèmes liés au coronavirus. En particulier, comment faire respecter les consignes de confinement dans des quartiers particulièrement pauvres, turbulents et vulnérables? Prenons l'exemple des "villas", les "favelas" locales. Des quartiers constitués d'humbles maisons de briques construites sans permis et empilées un peu au hasard, où le trafic de drogues est roi. Sans surprise, la police ne peut guère pénétrer dans ces zones, beaucoup plus "dures" et rebelles, que nos banlieues françaises. Que se passe-t'il donc dans ces quartiers, en pleine crise du coronavirus?

Comme on pouvait s'y attendre, les mesures de sécurité (confinement, distanciation sociale) n'y sont pas toujours respectées. Une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux argentins, montre par exemple le quotidien d'une Villa (la redoutable "1-11-14"), au coeur de Buenos Aires, avec ses habitants en foule compacte, et sans crainte apparente du coronavirus.

Dans la "villa": malgré le confinement, une foule compacte achète produits et aliments © José Viñuela #CiberPeriodismo

Néanmoins, la réalité est plus complexe: l'Etat argentin est de fait au moins partiellement en contrôle de la situation. Ainsi, suite à la viralisation de la vidéo, le ministère de la Sécurité a indiqué que les images montrent une foire permise par la mairie, qui se tient les mercredis et samedis. "Les citoyens ont le droit d'acheter des produits de première nécessité lors de cette foire", ont-ils souligné.

Les forces de police ont précisé (avec un poil d'optimisme) qu'eux-mêmes et la gendarmerie contrôlent le périmètre et la sécurité intérieure des "couloirs" (les ruelles internes à la cité, sans numéros). "Les voisins doivent juste respecter les deux mètres de distance sociale, à part ça ils peuvent circuler", remarquent-ils.

En fait, cette foire et ces attroupements occasionnels s'inscrivent dans le cadre de la campagne "Restez dans votre quartier" - le slogan du gouvernement argentin pour les secteurs les plus pauvres de Buenos Aires ou de sa banlieue.

La France pourrait d'ailleurs s'inspirer de cette stratégie, imparfaite mais réaliste, dans certaines banlieues parisiennes. Comme le confinement à domicile est plus ou moins impossible à faire respecter, autant le remplacer par un "restez dans votre quartier", consigne qui emporterait l'adhésion des populations locales. De plus, cette consigne de confinement "limitée au quartier" permet à l'Etat d'éviter l'affrontement direct avec les petits trafiquants de drogues, qui constituent une menaçante armature souterraine dans les quartiers paupérisés, en Argentine comme en France. Avec un confinement par quartier, les économies souterraines sont préservées et les petits trafiquants maintiennent l'ordre établi, ce qui en période de pandémie, est une bonne nouvelle.

En Argentine en tout cas, la consigne de "restez dans votre quartier" fait consensus, d'une part parce qu'il n'y a pas réellement d'autre alternative et d'autre part parce qu'elle n'a pas de connotation discriminante.

Finalement, les problèmes auxquels l'Etat argentin fait face dans les "villas" pauvres, sont donc assez semblables à ceux que la France rencontre parfois en banlieue, mais les stratégies diffèrent. L'Argentine en effet a décidé de faire respecter un confinement par quartiers (et non pas à domicile), et pour l'instant cette stratégie semble efficace: pas de manifestations violentes, presque pas de vols en bandes, et sur le plan sanitaire, un nombre de contagions restant très faible.

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