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Billet de blog 24 avril 2022

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J'ai 21 ans, et ce soir, à 20h01 précisément, j'irai manifester

Je suis en colère contre le traitement qu'on inflige à ma génération, contre l'appellation de « sacrifiée » qui nous colle à la peau. J'irai manifester contre ce monde capitaliste et sécuritaire dans lequel je ne veux pas vivre. J'irai aussi manifester en mémoire de mes camarades qui ne sont plus, ou de ceux qui, trop déprimés, dépassés, précarisés, maltraités, exploités, ne le peuvent plus.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À l'issue du scrutin du premier tour, toutes les revendications de la jeunesse ont été bafouées: l'égalité femmes-hommes, l'écologie, la lutte contre la précarité, le racisme et l'islamophobie, pour les droits des personnes LGBTQ+ et des personnes sans papier. Ce 10 avril, ce sont tous nos espoirs pour un monde meilleur qui ont été massacrés. J'ai rejoint le mouvement d'occupation de la Sorbonne, touchée de voir que nous étions nombreux à vouloir nous battre pour cet avenir dont nous espérions tant. Méprisés, nous avons grandi dans une période où, après avoir cassé nos lycées, nos hôpitaux, nos municipalités et nos facs, le gouvernement veut s'en prendre à notre colère, la museler et nous rendre dociles coûte que coûte. Surveiller et Punir, nous y sommes. 

Nous avons déjà tant perdu : entre les suicides de nos camarades pendant le confinement, la précarité accrue qui s'est  généralisée et banalisée, l'abandon des administrations et des personnels de nos universités qui eux aussi, sont débordés, épuisés et en colère. Pour poser le décor: dans mon université, il n'est pas rare de voir des profs qui "lâchent l'affaire": ils ne font plus l'appel, ne se préoccupent plus des problèmes de salles, font le travail de l'administration qui est généralement injoignable. Cette année, à 2 semaines de la rentrée, nous n'avions même pas de responsable pédagogique, et, lorsque nous avons finalement su qui il était (en janvier), il a décidé de démissionner. Je termine ma L3 et ce sera la première fois, le mois prochain, que je passerai mes partiels en présentiel.

Mardi matin sur mon campus des Grands Moulins (Paris 13e) les grilles étaient fermées. Des personnels de sécurité (privés) encadraient les entrées en nous demandant de présenter nos cartes étudiantes. Nous devions nous estimer heureux, puisque Paris 1, Paris 4 et Paris 8 n'ont pas eu cette chance. Les enseignements ont basculé en distanciel, sous la menace grandissante de potentielles protestations contre le résultat du premier tour. Bientôt, nous serons confinés à chaque risque de mobilisation. Quelques jours plus tôt, la présidence de l'Université a envoyé un mail à tout le personnel (qui nous a été transféré) indiquant que "des renforts de surveillance seront mis en place" et que "si la situation devenait potentiellement plus difficile à maîtriser, il pourrait être décidé de restreindre les accès aux sites et de basculer les enseignements en distanciel, voire de fermer certains bâtiments si nécessaire". Le même mail recommandait au personnel de "signaler immédiatement à... tout signalement ou événement que vous jugeriez utile de communiquer". Ainsi, la présidence se rend complice du gouvernement et invite le personnel à la delation: les étudiants deviennent de potentiels fauteurs de troubles qu'il faut "surveiller", "maîtriser" au risque de devoir "restreindre".

Nous leur faisons peur et nous n'allons pas nous arrêter là. Alors ce soir, à 20h01 j'irai manifester contre l'élection d'un oligarque, contre ce monde capitaliste et sécuritaire dans lequel je ne veux pas vivre. J'irai aussi manifester en mémoire de mes camarades qui ne sont plus, ou de ceux qui, trop déprimés, dépassés, précarisés, maltraités, exploités, ne le peuvent plus. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.