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Billet de blog 8 mars 2021

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La non mixité est elle une solution ?

Merci à martin pour cet article !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’organisation de groupes en non-mixité est popularisée dans les années 1970 aussi appelée les « années mouvement ». La non-mixité est notamment vivement défendue au sein du  Mouvement de Libération des Femmes (MLF) dans une volonté de s’émanciper des rapports de domination du sexe oppresseur. La non-mixité devient en quelque sorte « la métaphore du mouvement ».

Il faut néanmoins rappeler que la non mixité n’est pas propre aux organisations féministes. C’est une pratique ayant également été très utilisée dans la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis et donc dans les groupes anti-racistes.

Ainsi nous pouvons légitiment nous demander si seules les personnes concernées par une discrimination devaient défendre la lutte contre ces injustices sociales ? Peut-on être féministe lorsque l’on est un homme ? Tant de questions qui peuvent se heurter au concept de « non-mixité ».

Il sera dans cet article question de nous intéresser aux courants féministes de la non-mixité, voir ce qu’ils avaient de bénéfique mais également en observer les failles et dérives éventuelles. Le patriarcat est un modèle social et nous y appartenons tous. Néanmoins, exclure une partie de la population de cette lutte est-elle une solution ?

Que peut apporter le concept de non mixité ?

Pour Christine Delphy « La pratique de la non-mixité est tout simplement la conséquence de la théorie de l’auto-émancipation. L’auto-émancipation, c’est la lutte par les opprimés pour les opprimés ».

Comme le montre ci-dessus Christine Delphy, la non-mixité est en bien des points une nécessité. Elle permet notamment la création d’un espace protégé des agressions sociales quotidiennes. Ce sont des espaces où la domination masculine même inconsciente ne peut s’exercer et permet donc aux femmes, entre elles de discuter et d’échanger autrement.

Ces réunions ou comités entre personnes toutes concernées par une discrimination sociale leur permet d’échanger librement sans remettre en cause leur vécu et sans avoir affaire aux individus appartenant au groupe social oppresseur.

Les personnes faisant parti de comités non-mixtes mettent aussi en avant le pouvoir que ce concept a sur la libération de la parole en  créant un sentiment de sécurité sans avoir peur de voir ses opinions remises en cause par des personnes non concernées par cette violence sociale.

Ce sont notamment ces raisons qui justifient l’existence de comités non mixtes.

Les dérives de la non mixité

Néanmoins, n’y a-t-il pas des risques à se cantonner à cette forme de lutte sociale supposément émancipatrice ? Est-ce que seules les personnes concernées par une discrimination sociale peuvent lutter contre celle-ci ?

On retrouve dans un article d’Alban Jacquemart « L’engagement féministe des hommes, entre contestation et reproduction de genre » l’idée selon laquelle même en l’absence des femmes dans des comités non-mixtes masculins, il y a des rapports sociaux différenciés reproduisant des violences sociales de genre. Dans ces comités, la domination viriliste tend à l’emporter dans les temps de paroles et rapports de dominations. Selon l’auteur, « la non-mixité ne garantit pas la disparition des rapports de genre » et cela s’applique également à la non-mixité féminine. 

Le féminisme est un projet de société global. Pour beaucoup, exclure une partie de la population d’un mouvement d’émancipation semble contre-productif. Raphael Enthoven se demande notamment « Comment combattre le manque d’inclusion des femmes au sein de la société, tout en reproduisant une logique de séparation ? Exclure les hommes, fût-ce de manière ponctuelle et limitée, est-ce vraiment la meilleure manière d’inclure les femmes ? ».

En effet, il revient souvent dans les comités ou regroupements non-mixtes l’idée que ce concept est provisoire et se doit de s’articuler avec une structure mixte. Ainsi, la non mixité, dans la plupart des courants ne se définit pas comme un modèle de société définitif mais un moyen pour les personnes concernées de se retrouver afin d’évoquer les moyens de luttes. Malgré tout, cela peut avoir des effets indésirables puisque l’on reconnait ici que ce mode n’est pas viable à long terme car c’est une population dans son intégralité qui se doit de faire société suite à la victoire d’un mouvement d’émancipation et d’évolution des mœurs.

D’autres effets indésirables sont à noter dans le concept de non-mixité. Nous pouvons y retrouver le risque de discours simplificateurs dans lesquels nous pourrions observer une généralisation du genre masculin, renforcée par le fait que nous n’échangeons qu’avec des personnes sur notre ligne intellectuelle sans nous confronter aux avis divergents.

Ainsi, le sexisme et la lutte contre le patriarcat sont des enjeux de sociétés globaux et les traiter ensemble doit être une priorité.

Bien sûr, cette position se doit d’être nuancée car il ne faut pas oublier les désagréments structurels de réunions mixtes dans laquelle la domination masculine perdure.

Quelles solutions ?

Dans son article cité précédemment, le sociologue Alban Jacquemart revient notamment sur deux associations féministes et les conséquences de la mixité ou de la non-mixité.

Ainsi, dans l’association Mix-Cité, la mixité est un étendard. La priorité était de montrer que hommes et femmes pouvaient réfléchir ensemble aux modifications des mœurs envisageables pour lutter contre la société patriarcale. Ainsi, aucune restriction statutaire à l’encontre de la présence des hommes dans l’association n’était présente à la base.

Au fil du temps, la surreprésentation des hommes dans les prises de paroles internes comme externes (médias) pose question (1/3 du temps de parole alors qu’ils représentent ¼ des membres).

Les statuts de l’association évoluent et viennent imposer des restrictions afin d’encourager les initiatives féminines et minorer celles des hommes occupant une place prépondérante. On va imposer 3 femmes et 2 hommes au bureau en 1999 puis réserver la présidence à une femme en 2002. Suite à ces évolutions, il s’en suit un désengagement des hommes dans l’association.

Cette expérience montre que le féminisme militant est aussi sujet « au poids des hiérarchies de genre ». La domination masculine continue de s’exercer dans les milieux militants mixtes.

Ainsi, mixité et non-mixité sont deux modèles exprimant des failles certaines. L’un perpétuant les rapports de domination de genre et l’autre rompant le débat dans un combat global de société.

Plusieurs solutions proposent de pallier ces failles. L’organisation de réunions non mixtes en amont de réunions mixtes peut être l’occasion de développer notre mode de pensée plus librement en se détachant du poids des rapports sociaux. Des temps de paroles peuvent être réservés aux différents genres notamment. Enfin la parité se doit d’être encouragée dans les postes à responsabilités comme dans les autres temps militants.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.